Une nouvelle étude publiée par The Quarterly Journal of Economics (Oxford) montre un impact positif de la réduction de la taille des classes à partir de données suédoises. Surtout elle montre que ces effets sont durables jusqu’à l’insertion professionnelle des élèves et qu’elle est finalement rentable pour l’Etat. Elle relance une idée enterrée par des travaux de l’OCDE.
L’étude de Peter Fredriksson (Université de Stockholm), Björn Öckert (Uppsala University) et Hessel Oosterbeek (Université d’Amsterdam) étudie le devenir de jeunes suédois âgés de 10 à 13 ans entrés à l’école entre 1967 et 1982. Elle s’appuie, comme les travaux de Thomas Piketty, sur des effets de seuil dans les réductions de classe. Comme, à cette époque, la loi fixait des maxima pour la taille des classes, on peut étudier le devenir des élèves en fonction du nombre d’élèves dans la classe.
Les résultats de cette étude sont particulièrement intéressants car ils permettent de voir si l’effet de la réduction de la taille des classes existe et s’il est durable ou pas. D’après les auteurs, « réduire la taille des classes est bénéfique dans les tests cognitifs et non cognitifs à l’âge de 13 ans et 16 ans… PLus important, nous trouvons que des classes plus petites augmentent la durée de l’éducation, les salaires et les revenus à 27 ans et 42 ans ». Autrement dit l’effet est durable à 16 ans, trois ans après la sortie du primaire en Suède, et bien au-delà. L’effet est permanent. Pour les auteurs, « réduire d’un élève par classe dans les 3 dernières années du primaire (de 10 à 13 ans) augmente la durée de l’éducation de 20 jours ». Cela augmente donc la probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur. La même réduction se traduit par une hausse de 1,2% du revenu. Ils calculent aussi le rapport coût / bénéfice pour monter que le rapport est positif pour l’Etat.
D’autres travaux avaient déjà montré l’effet positif de la réduction de la taille des classes. A la fin du 20ème siècle l’enquête américaine STAR, s’appuyant sur des échantillons, avait mis en avant l’efficacité de la réduction de taille des classes mais sans montrer d’effet durable. En 2006, la célèbre étude de Piketty a calculé l’effet qu’aurait une réduction du nombre d’élèves sur la réussite scolaire. Ce travail est repris et développé par Mathieu Valdenaire dans sa thèse soutenue en juin 2011. La grande force de ce travail c’est de s’appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l’école primaire, aujourd’hui, l’écart entre une école prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves, 21 élèves par classe dans l’une, 23 dans l’autre. M Valdenaire a calculé l’effet de la suppression de la réduction en zep et d’une diminution de 5 élèves en zep. « La suppression des ZEP aboutirait d’après nos estimations à une progression des inégalités de réussite scolaire entre élèves scolarisés en ZEP et hors ZEP de 11% au primaire, 6% au collège et 3% au lycée », écrit M Valdenaire. « La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait au contraire, dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée ». Si l’impact est faible au lycée, il est majeur à l’école. Là aussi, M. Valdenaire posait la question de la faisabilité et il proposait de financer l’augmentation des postes en zep par leur réduction dans les écoles de centre ville, l’impact sur les résultats du passage de 23 à 24 élèves dans ces écoles non zep étant d’après lui infime.
Inversement des travaux ont contesté tout effet de cette réduction. » Les effets de la variation de la taille des classes sur la performance des élèves ne sont pas étayés par des éléments probants », écrit » Regards sur l’éducation », une publication de l’OCDE en 2011 . « Les recherches menées dans ce domaine controversé n’ont pas permis de tirer des conclusions cohérentes, même s’il apparaît que les classes moins peuplées pourraient avoir un impact sur des groupes spécifiques d’élèves, notamment les élèves défavorisés ». Des études françaises vont dans le même sens. En 2001, une étude de Denis Meuret pour le Haut Conseil à l’évaluation de l’école avait conclu en insistant sur les limites de la réduction de la taille des classes et vivement critiqué les dédoublements. « Les recherches ne justifient donc certainement pas une réduction de la taille des classes (RTC) “ au fil de l’eau ” qui procède du fait qu’il est difficile de retirer un poste ou de fermer une classe lorsque les effectifs baissent, ni une baisse générale de deux ou trois élèves par classe. C’est le résultat le plus clair des études menées en France. Elles ne justifient pas non plus une attitude fondée sur l’idée que la RTC est forcément la politique la moins efficiente qui soit. Elles peuvent effectivement, semble-t-il, servir d’argument à une politique visant les populations défavorisées pendant les premières années du primaire, pourvu que la baisse soit importante, que des mesures de formation adéquates soient prises, et aussi que l’on puisse en mesurer les effets… D’autres politiques, orientées vers un accroissement du temps d’enseignement, semblent pouvoir être plus efficientes et peut être aussi équitables », écrivait D. Meuret.
Alors que la loi d’orientation a adopté le principe du « plus de maitres que de classes », l’étude publiée par The Quarterly Journal of Economics relance le débat. Est-il préférable d’augmenter les équipes d’un maitre supplémentaire intervenant dans certaines classes ou de diminuer le nombre d’élèves ? Socialement la solution retenue par la loi est la plus facile à appliquer. Le « plus de maîtres que de classes » est une vieillie revendication syndicale. Et aggraver les conditions de travail des trois quarts des enseignants du primaire risquerait d’être mal reçu… Par contre appliquer avec efficacité cette formule reste un défi pour l’éducation nationale. Cela suppose une pédagogie particulière, une forte coordination des équipes enfin un accompagnement, toutes choses qui ne sont pas des points forts de l’éducation nationale.
François Jarraud