Directrice d’un CFPPA agricole et collaboratrice du Café pédagogique, Monique Royer éclaire les propos de Vincent Peillon.
V. Peillon a présenté l’enseignement socio culturel comme un point fort de l’enseignement agricole. En quoi est-il différent de l’éducation civique qui existe dans l’éducation nationale. Est-il important pour l’éducation des élèves ?
L’enseignement agricole a vécu déjà une première refondation dans les années 60 avec Edgar Pisani. L’idée était de former de futurs agriculteurs qui seront de futurs citoyens éclairés d’où la naissance de l’éducation socio-culturelle qui n’a rien à voir avec l’éducation civique. Se situant dans la suite des mouvements d’Education populaire, l’ESC comprend entre autres un volet éducation aux médias (depuis fort longtemps), un volet culture et propose une approche par projets (la pédagogie de projet est importante dans l’enseignement agricole). L’ESC fonctionne la plupart du temps avec d’autres disciplines, la pluridisciplinarité étant une autre particularité de l’enseignement agricole. L’éducation socio-culturelle se poursuit en dehors des cours avec des activités dans le cadre des internats. Avec l’ESC, on retrouve plusieurs axes importants de la pédagogie active et d’une approche constructiviste de l’apprentissage : l’élève travaille en groupe, élabore et conduit des projets, s »intéresse et s’associe à son environnement culturel, professionnel…
La première refondation de l’enseignement agricole expliquée par Edgar Pisani.
Pour V Peillon, l’autre point fort c’est la présence des professionnels au conseil d’administration des établissements. Qu’est ce que cela leur apporte ?
La présence des professionnels au conseil d’administration est juste une illustration de la relation forte entre les établissements d’enseignement agricole avec les professionnels et le territoires aussi en l’occurrence. Sur ce dernier point, la présence de modules d’initiatives locaux ou d’espaces d’initiative locaux dans les référentiels permet aux établissements de donner une touche locale et d’exercer une autonomie pédagogique s’appuyant sur le conseil de l’éducation et de la formation et validée en conseil d’administration.
Les liens sont forts avec les professionnels d’abord historiquement parce que beaucoup d’EPL étaient au départ des écoles d’agriculture créés par des organismes professionnels. A Surgères par exemple, il a été créé par les coopératives de transformation laitière. Les liens sont forts aussi parce que les EPL sont ancrés dans leur territoire. Ils ont formés des agriculteurs ou des élus en activité, ils forment de moins en moins les « fils d’agriculteurs » mais le lien reste fort. Dans des zones rurales en cours de dévitalisation, la formation de futurs professionnels de l’agriculture est un espoir que l’activité perdure, redémarre.
Les liens avec les professionnels sont aussi l’expression de ce qu’est un EPL : un établissement qui réunit en son sein la formation scolaire, la formation par apprentissage, la formation pour adultes et une exploitation agricole qui est un support pédagogique pour les apprenants et peut être un lieu d’expérimentation pour les professionnels. Le CFPPA (centre de formations pour adultes) forme des professionnels de l’agriculture sur des formations professionnalisantes, l’exploitation est en lien étroit pour la partie recherche et développement avec les professionnels, le CFA travaille parfois étroitement avec la Chambre d’Agriculture pour développer l’apprentissage et trouver des employeurs. L’enseignement agricole répond à cinq missions parmi lesquelles : « ils contribuent aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agroalimentaires ». Avec l’accent mis par le Ministère sur le plan écophyto et plus généralement sur l’agro écologie, le lien entre enseignement agricole et professionnels est encore renforcé à la fois par les expérimentations menées en collaboration avec les exploitations des EPL et le volet formation qu’il induit.
La coopération avec les professionnels est donc partie intégrante du fonctionnement des EPL. Le fait qu’ils participent au CA concrétise ce lien et permet de garder un ancrage fort dans le monde professionnel. Il ne faut pas oublier non plus que des représentants des professionnels participent à l’écriture des référentiels et à leur rénovation ce qui donne à l’enseignement agricole une opportunité supplémentaire de rester en phase avec les réalités d’un univers professionnel en perpétuelle évolution technique, agronomique, organisationnelle.
Propos recueillis par François Jarraud
Témoignage d’un directeur d’EPL