Pour soutenir l’innovation dans l’éducation nationale faut-il s’affranchir de sa hiérarchie ? George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative, qui vient de créer le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative, n’est pas loin de le penser. Quel sera le rôle précis du nouveau Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative ? Pourquoi est-il élargi bien au-delà de l’éducation nationale ? George Pau-Langevin partage ses ambitions pour ce conseil. Elle répond aussi à nos questions sur l’opposition entre contrôle et soutien en matière d’innovation.
La nomination à la tête du Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative du sociologue Didier Lapeyronnie est une surprise. On attendait plutôt une personnalité plus directement en rapport avec l’éducation. Pourquoi ce choix ?
Nous n’avons pas voulu recréer le Conseil national de l’innovation pour la réussite scolaire tel qu’il a existé entre 2000 et 2002. Notre conseil traite de la réussite éducative. C’est pour cela qu’on a confié la présidence à un sociologue qui ne travaille pas pour et sur l’éducation nationale, à quelqu’un qui connait bien les quartiers populaires. Il aura un regard extérieur sur ce que l’éducation nationale doit faire pour assurer la réussite des jeunes en difficulté. Nous avons voulu quelqu’un qui ait une totale liberté de pensée, quelqu’un qui ne soit pas du sérail.
C’est le même esprit qui guide la composition de cette assemblée de 39 membres ?
On a vraiment cherché à regrouper. Il y a dans le conseil de nombreuses personnes de l’éducation nationale avec des représentants de la hiérarchie , par exemple de l’inspection, et des personnels de terrain concrètement engagés dans la réussite éducative. Il y aussi des élus car dans la pratique on voit bien que la réussite éducative dépend par exemple pour l’organisation de la journée des collectivités territoriales et par exemple des projets éducatifs territoriaux. Pour la cohérence générale on doit prendre en compte le point de vue des élus. Il y a aussi des chercheurs car leur point de vue est aussi important.
On espère équilibrer, par rapport au précédent conseil qui n’était pas suffisamment armé pour aider l’éducation nationale. Mais on veut aussi que le conseil soit proche de la dgesco (NDLR : direction générale de l’enseignement scolaire du ministère qui dirige l’enseignement primaire et le secondaire) sinon il serait hors sol et l’éducation nationale, comme structure, ne serait pas impliquée. Il faut que le conseil soit à la fois un peu extérieur à l’éducation nationale et avec elle. La dgesco en fait donc partie et assure le secrétariat.
L’objectif principal du conseil c’est réduire les sorties sans qualification ?
Le conseil traite de la réussite éducative et donc des endroits où il y a le plus de difficultés. Ce sont les quartiers prioritaires mais ça peut être aussi des zones rurales. On voit bien que l’innovation peut être un moyen de lutter contre les difficultés scolaires parce que là il y aune obligation à innover.
C’est pourquoi on a associé au conseil le ministère de la justice, avec la protection judiciaire de la jeunesse, et le ministère de la Ville. La Datar en fait partie également en raison de la ruralité. Et le ministère de l’agriculture qui a de l’expérience avec des jeunes en difficulté.
Comment va s’organiser la relation avec la Dgesco ?
La Dgesco assurera le secrétariat du conseil. Le conseil aura un programme de travail annuel. Il fera des rapports et des évaluations sur des sujets où on cherche des idées. La Dgesco fait déjà des travaux sur l’innovation. On souhaite que le conseil l’épaule de ses avis alors qu’aujourd’hui la dgesco apprécie l’innovation avec un seul regard interne.
Le conseil devra à la fois stimuler l’innovation et la contrôler. Comment gérer ces deux aspects contradictoires ?
Il y a de nombreuses innovations dans l’éducation nationale. Mais comment apprécier ce qu’elles apportent à la réussite éducative des jeunes ? Il faut échanger sur ces innovations, repérer celles qui fonctionnent bien. Le conseil créera des groupes de travail qui avanceront sur des sujets précis pour donner des avis sur des innovations repérées par la dgesco.
Souvent j’ai constaté que des gens font de l’innovation et que la hiérarchie n’embraye pas. Il y a peu de reproduction des innovations dans l’éducation nationale par exemple. Ca m’intéresse de voir comment on peut dupliquer l’innovation et de créer un espace de débat, de confrontation.
Le conseil doit » impulser l’esprit d’innovation ». Comment compte il faire ?
Il va pointer le projecteur sur l’innovation. Le conseil encouragera les gens qui n’osent pas affronter la hiérarchie.
Propos recueillis par François Jarraud