Vincent Peillon a définitivement imposé le mot « morale » dans la loi de refondation de l’Ecole. La majorité a éclipsé l’idée d’instruction civique chère à Xavier Darcos. Elle n’a pas défendu l’idée d’une éducation civique. Point d’équilibre entre majorité et opposition, la morale civique et laïque de V Peillon l’emporte même sur les valeurs de la famille défendues par la droite. Mais qui enseignera cette morale ? Et comment faire chanter aux enfants un hymne européen qui n’a pas de paroles ?
« L’enseignement de la morale laïque, tout comme l’instruction et l’éducation civique, participe de la construction d’un mieux-vivre ensemble au sein de notre société. Ces enseignements visent notamment à permettre aux élèves d’acquérir et comprendre l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences, mais aussi l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les fondements et le sens de la laïcité, qui est l’une des valeurs républicaines fondamentales. Ils contribuent à former des esprits libres et responsables, aptes à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi et empreint de tolérance ». Jusqu’au bout le gouvernement aura défendu l’idée de sa morale ainsi quand il fait introduire l’expression « sens moral » à l’article 9 par un amendement inattendu adopté vendredi 15 mars.
La morale laïque et civique marque bien la capacité de V Peillon à manoeuvrer et réunir. Quand sa conception est combattue par la droite c’est au nom des valeurs familiales. « Les choix éducatifs des parents doivent être respectés et mentionnés dans l’article 9 », exige Frédéric Reiss, élu d’un département où l’Ecole continue à enseigner le catéchisme. V. Peillon et Y Durand savent jouer des contradictions de la droite. « Si nous acceptions votre amendement », répond Y Durand, « comment pourrions nous ensuite empêcher des parents, choqués dans leurs convictions religieuses de demander..à un enseignant d ene pas aborder dans sa classe tel enseignement de sciences ». « S’il s’agit de nous prémunir contre le risque de blesser les choix privés, nous comprenons cette volonté : c’est notre conception de la laïcité », affirme V Peillon qui en appelle à la lettre de Jules Ferry. Résultat : Frédéric Reiss retire ses amendements et la morale fait consensus.
Même victoire ministérielle face à sa majorité. Quand Mme Pompili défend l’idée d’un enseignement pluridisciplinaire de la morale, le risque est grand de mobiliser tel ou tel lobby professoral. Qui doit enseigner al morale ? Les professeurs de philosophie ? D’histoire-géo ? De droit ? « Il s’agit de savoir si c’est une discipline à part ou si elle relève d’une action interdisciplinaire… Nous aurons à la fin du mois d emars le rapport que j’ai demandé à R. Schwartz, A Bergougnioux et L Loefel », répond V Peillon. Il les invitera à rencontrer les députés. « Nous sommes tout à fait favorables à une approche pluri-disciplinaire comme vous le verrez sans doute dans ce rapport », poursuit le ministre. Mme Pompili retire elle aussi son amendement, laissant la voie libre au ministre.
Un hymne obligatoire mais sans paroles… Dernière image de la puissance consensuelle de l’éducation civique, la commission des affaires culturelles avait adopté l’apprentissage obligatoire à l’école de l’hymne européen à coté de l’hymne national. Cela posait un léger problème : l’hymne européen n’a pas de paroles ! Le gouvernement a fait adopter un amendement qui maintient l’apprentissage des idéaux européens mais répond à cette critique. « Il convient de ne pas limiter cet apprentissage au seul hymne dont il faut rappeler qu’il est officiellement sans paroles », note avec humour le ministre. « Je tenais à rassurer Mme Pompili (écolo) « , précise Y Durand. « On ne retire pas l’hymne européen. On ne le fait pas chanter pour une raison toute simple : il n’a pas de paroles. Il est toutefois reconnu comme l’hymne national ». L’article 31 est modifié pour affirmer : « L’école doit assurer conjointement avec la famille, l’enseignement moral et civique qui comprend l’apprentissage des valeurs et symboles de la République et de l’Union Européenne, notamment de l’hymne national et de son histoire ».
François Jarraud