L’institution scolaire échappe-t-elle aux principes machistes qui pilotent la société ? Dans le smots, oui. Dans la réalité l’ordre traditionnel est toujours là, à peine ébranlé. Il se loge dans le fonctionnement d’une institution conçue d’abord pour les garçons et où les filles ont longtemps vécu à part. La récente convention signée par le ministère de l’éducation nationale peut-elle changer les choses ?
Les filles ont apparemment l’avantage
Pourtant dans une société où les hommes l’emportent, l’Ecole semble être un territoire dominé par les femmes. Les jeunes têtes blondes le découvrent très vite : 82% des enseignants du primaire sont des femmes et, si leur domination s’atténue au secondaire, c’est encore le cas de près de deux enseignants sur trois au collège et au lycée. La proportion est respectée pour les autres adultes en contact avec les jeunes : 69% des CPE, plus de 80% des personnels d’orientation sont des femmes. L’Ecole est bien leur royaume.
On se gardera bien d’établir un lien direct entre ce cadre et les résultats scolaires. Mais un fait est là : les filles dominent nettement les garçons sur le plan scolaire. Cela se voit dès l’école primaire. En CM2, les filles sont meilleures en français et en maths : 91% maitrisent les compétences de base dans ces deux disciplines contre 85% des garçons en français. Dès le CM2, 15% des garçons sont en difficulté de lecture. C’est deux fois plus que chez les filles. En troisième les filles sont bien meilleures en français (86% contre 76% pour les garçons) et un peu moins bonnes en maths (89% contre 91%). Mais le chiffre est trompeur : déjà il y a eu un écrémage chez les garçons. A 14 ans, 200 000 filles sont en avance en 3ème alors qu’on ne compte que 179 000 garçons du même âge. En terminale générale et technologique on comptera 90 000 garçons de 17 ans contre 123 000 filles… et 55% de filles tous âges confondus. Mais ces chiffres cachent de grands écarts entre filières. Aux 93% de filles de la filière SMS-ST2S, répondent les 94% de garçons de la filière ISP. On trouve 79% de filles en L, 49% en S, seulement 10% en STI. Des écarts aussi forts se constatent entre branches du bac professionnel (en gros opposition tertiaire – production).
Mais pour quelle réussite finale ?
A la fin de l’enseignement scolaire le taux de réussite au bac des filles dépasse de 4 points celui des garçons (85% contre 81% tous bacs confondus). Les filles l’emportent dans tous les bacs sauf le bac agricole. Mais, là aussi, ce taux cache un écart trois fois plus grand : 70% des filles d’une génération seront bachelières contre 58% des garçons. Finalement une fille sur deux aura un diplôme du supérieur contre un garçon sur trois. Mais, les garçons leur ravissent les meilleures places. Dans le post bac, les filles fournissent 80% des étudiants des formations sociales, 72% des étudiants en IUFM mais seulement 28% des étudiants des filières scientifiques, 26% des futurs ingénieurs et 24% des étudiants en université de technologie. En CPGE, 57% des élèves sont des garçons. Un écart qui reflète les stéréotypes sexués : « Quand ils se jugent très bons en français, seul un garçon sur dix va en L… contre 3 filles sur dix. Quand ils se jugent très bons en maths, 8 garçons sur 10 vont en S contre 6 filles sur 10 » révèle une étude ministérielle. Mais on se rappelle que seule une petite minorité des garçons peut se revendiquer « très bonne »… C’est bien plus tard que les garçons prennent leur revanche. « A niveau de diplôme identique, le taux de chômage des jeunes femmes reste souvent plus élevé et leurs salaires sont inférieurs à ceux des hommes », note l’Insee. « En effet les spécialités de formation qu’elles choisissent ne correspondent pas toujours aux besoins du marché du travail ».
L’Ecole une organisation dominée par les hommes
Si l’institution scolaire s’est largement féminisée, force est de constater que la part des femmes est rigoureusement relative à la position hiérarchique. A l’Ecole c’est comme à la maison : Madame fait le travail, Monsieur commande. Quelques chiffres éclairent la situation. Prenons le corps enseignant qu’on nous présente comme largement féminisé. Certes 82% des enseignants du primaire sont des femmes. Mais ce n’est plus le cas que pour 58% des professeurs du secondaires, 51% des agrégés, 37% des professeurs de chaire supérieure. Certes 45% des IEN sont des femmes. Mais le taux tombe à 41% chez les IPR et 26% chez les inspecteurs généraux. Certes 83% de secrétaires administratifs sont des femmes. Mais seulement 33% des administrateurs et 25% des recteurs.
Des disciplines marquées par le genre
Les disciplines elles-mêmes sont sensibles au genre. Ainsi la philosophie reste la chasse gardée des hommes. Il y a quelques années le machisme y était revendiqué au sommet : une cabale d’IG de philosophie avait réussi à écarter une candidate à l’inspection générale. La technologie est virile à 76%. Et seulement 5% des professeurs de génie (toutes catégories) sont des femmes. Inversement les stéréotypes jouent à plein pour les lettres (78% d’enseignantes), les langues (83%) ou le paramédical (92%).
Une convention pour relever le défi
Les ministres de l’éducation nationale, de l’agriculture, de l’enseignement supérieur et des droits des femmes ont signé le 7 février une convention interministérielle immédiatement publiée au B.O. Le texte vise à prendre en charge réellement la lutte contre les stéréotypes de genre dans l’enseignement et à s’engager pour la mixité dans les filières de formation. Cela devrait se traduire aussi bien dans l’offre de formation que le soutien à des projets éducatifs et l’intégration de cette problématique dans la formation des enseignants.
La convention vise d’abord à combattre les stéréotypes et pour cela à intégrer la thématique de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les enseignements. Elle compte sur la formation initiale et continue des enseignants particulièrement à distance. Le texte ne dit pas comment cette problématique pourrait intégrer les disciplines. Or peu d’entre elles lui ont fait véritablement place. Seule l’EPS a réellement une réflexion sur cette question. Pour développer l’éducation au respect mutuel, le texte invite à créer des indicateurs nouveaux sur les violence sexistes et à mettre en pratique l’éducation à la sexualité. Inscrite dans les textes celle-ci est très souvent laissée de coté. La convention prévoit la mise à disposition d’outils pour cet enseignement mais renvoie aussi vers des associations. Enfin un effort pour lutter contre les stéréotypes concernant l’orientation est fait en partenariat avec l’Onisep avec l’ouverture d’un site de ressources spcécifiques.
François Jarraud