Déjà très contesté par les enseignants du primaire, le ministre de l’éducation nationale annonce sur BFM TV, le 24 février, son intention de réformer les congés d’été, un symbole pour tous les enseignants, et le bac, un monument national. Vincent Peillon a repris des orientations qui ne sont pas nouvelles. Mais parler de ces projets dans une émission télévisée c’est faire une annonce. Au moment où la réforme des rythmes scolaires se passe si mal, n’est-ce pas un pont trop loin ?
Rien de neuf ?
« Sur l’été, nous devons être capables d’avoir un zonage l’été, deux zones. Et nous devons être capable d’avoir six semaines. C’est suffisant ». Alors que la réforme des rythmes scolaires suscite la grogne de nombreux enseignants du primaire et, singulièrement du syndicat majoritaire, Vincent Peillon redit sur BFM TV, le 24 février, ce qu’il n’a jamais caché. « Nous commençons par l’école, il faudra continuer avec les collèges et lycée et puis il faudra faire l’année scolaire ». Il envisage d’aller vers 37 à 38 semaines de cours dans l’année contre 36 actuellement sans fixer de calendrier.
Son intention de ramener les vacances d’été à 6 semaines a été affirmée à de nombreuses reprises. Elle est rappelée dans son récent livre (Refondons l’école, Seuil) où le ministre écrit à propos des 38 semaines de cours : « ce schéma reste aujourd’hui valide et est reconnu comme pertinent par la grande majorité des acteurs éducatifs. C’est celui qui a inspiré la première étape de la réforme qui sera mise en oeuvre à la rentrée 2013 ». Ce qui est nouveau c’est que le projet, soigneusement écarté à l’issue de la concertation, prend de la consistance quand le ministre parle de zones. Il n’avait jamais tranché sur ce point. Or V. Peillon parle maintenant d’établir deux zones, conformément aux attentes des industries du tourisme. Et dans l’histoire des congés, celles-ci ont souvent su se faire entendre, y compris par la gauche.
Des idées lancées par Chatel
Déjà en juillet 2011, le rapport du comité de pilotage sur la réforme des rythmes scolaires réuni par Luc Chatel avait préconisé 38 semaines de cours. Le comité était présidé par Christian Forestier, administrateur général du CNAM, et Odile Quintin, ancienne directrice générale de l’éducation à la commission européenne. Ils étaient entourés de 16 membres, parmi lesquels Roger Bambuck, inspecteur général, Eric Debarbieux, sociologue, Bernard Hugonnier, OCDE, Jean-Marc Roirant, Ligue de l’enseignement, Monique Sassier, médiateur de l’EN, et François Testu, chronobiologiste. Le rapport souhaitait 8 semaines de petites vacances sur 4 périodes de 2 semaines et des vacances d’été ramenées à 6 semaines au lieu de 8.
Enfin il y a la réforme du bac. Là aussi, la question a été préparée par Luc Chatel. Il avait commandé un rapport coordonné par l’inspecteur des finances Laurent Buchaillat et l’inspecteur général Stéphane Kesler, ancien directeur du services des examens (SIEC) en mars 2012. Il préconisait « moins d’options, moins d’épreuves facultatives, des notes éliminatoires, plus de contrôle continu, plus de tronc commun ».
Une anomalie en Europe ?
V. Peillon déclare qu’il y a 40 semaines de cours en Allemagne, laissant entendre que c’est la norme européenne. Mais est-ce exact ? Le régime des vacances en Allemagne diffère d’une région à l’autre. Effectivement en Bade-Wurtemberg on compte 12 semaines de vacances dont la moitié en été. Mais on en compte 13 en Bavière, à Berlin, à Hambourg et en Rhénanie Pfalz par exemple. La Finlande compte 16 semaines de congés annuels, l’Italie 17, l’Espagne 15 et le Royaume-Uni 13. En Europe, seuls le Danemark, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont des vacances d’été inférieures à 8 semaines, avec 6 semaines dans ces trois cas. Seize pays européens ont des vacances d’été de 9 semaines et plus. Le record est à chercher en Lettonie et Estonie avec 13 et 12 semaines. Mais Chypre, la Finlande, la Hongrie, l’Islande, la Roumanie, la Slovaquie et la Suède ont deux mois et demi de congés d’été. Avec 6 semaines de congés d’été, la France s’alignerait sur l’exception et non la norme.
On l’aura compris au passage : aucun pays européen n’applique les rythmes souhaités par les chronobiologistes, le fameux 7 semaines de cours suivis par 2 semaines de vacances. Et on aurait du mal à trouver un lien entre les résultats aux évaluations internationales et l’organisation des congés.
La durée du temps d’enseignement varie aussi beaucoup en Europe. Mais la France avec ses 864 heures au primaire et 1108 en seconde fait partie des pays où il y a le plus d’heures. Seuls le Luxembourg et le Portugal en ont davantage.
Un jeu dangereux ?
Même si le ministre déclare vouloir y aller « progressivement », cette déclaration n’est pas forcément opportune. V. Peillon a déjà beaucoup de mal à faire admettre la réforme des rythmes au primaire par les enseignants et les maires. L’annonce de la réduction des congés d’été pourrait réveiller des enseignants du secondaire qui se sentent actuellement peu concernés par la question des rythmes scolaires. Et comme on ne voit pas comment imposer deux semaines de travail supplémentaires sans les payer aux enseignants, elle a aussi l’inconvénient de poser une question budgétaire à un mauvais moment pour l’Etat.
François Jarraud