Personne n’a pu passer à côté de l’affaire : le pape Benoît XVI a annoncé, à la grande surprise du commun des mortels, sa démission, et il l’a fait d’une manière assez inhabituelle : sans prévenir et en latin… Parmi le petit nombre de journalistes présents dans la salle de conférence pour couvrir ce qui ne devait être qu’un habituel consistoire, seule une journaliste de l’agence italienne Ansa, Giovanna Chirri, versée dans la compréhension de la langue ancienne, a su comprendre les mots de Benoit XVI. Très surprise par ce qu’elle vient de comprendre, elle prévient sa direction, qui lui faisant confiance, relaie l’information la première, et dès lors alea jacta est, le scoop est lancé, toute la planète est ébranlée…
Une fois l’émotion de la nouvelle dissipée, la presse française se met à analyser le compte de fée de la journaliste italienne : elle devient une star car elle seule a compris le latin (un exploit, à tous les entendre). l’AFP enquête et met en chapeau une jolie phrase du directeur de l’agence italienne qui embauche Giovanna Chirri : « C’est une revanche de la culture dans la préparation des futurs journalistes. »
La dame a le droit aux honneurs, on l’interviewe…
http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-21423877
… et on analyse doctement l’affaire : comprendre le latin est essentiel pour un journaliste, et c’est maintenant qu’on s’en souvient !
à l’AFP :
http://blogs.afp.com/makingof/?post/2013/02/12/De-l-importance[…]
comme à l’express :
(ou ailleurs, les exemples ne manquent pas, puisque tout le monde s’inspire de l’AFP.)
Devrait-on s’en réjouir, nous les professeurs de langues anciennes, qui au quotidien nous battons pour la survie de nos groupes de latin et/ou de grec ancien ? En apparence oui, puisque le consensus est total : vive le latin dans le journalisme, faites tous du latin…
En vérité, un scoop est toujours intéressant le temps qu’il dure, après il retombe comme un soufflé, et c’est déjà bien le cas. L’affaire a plus de 15 jours, elle a été remplacée par plusieurs autres, et que reste-t-il de l’emballement autour du latin : quelques jeux de mots éculés autour du latin… (et qui n’ont besoin d’aucune connaissance pour être formés). Il n’y aura pas plus d’étudiants ou d’élèves dans nos classes à la rentrée, et on continuera à nous fermer nos groupes sous des motifs divers et variés…
Petit florilège de ces jeux de mots que l’on préférerait oublier :
– Démission du pape : un scoop à en perdre son latin :
http://fr.euronews.com/2013/02/12/demission-du-pape-un-scoop-a[…]
– Habemus Beckam :
http://www.letelegramme.com/acces/espaceclient/inscription/payan[…]
– « Sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde »
http://www.humanite.fr/monde/renuntiare-515242
Même la Une de libération « papus interruptus » (jeu de mot licencieux avec l’expression « coitus interruptus » passé inaperçu parce qu’en latin) ou son édito tout en latin n’a pas été rédigé par des journalistes, mais par « l’Association le Latin dans les Littératures Européenne », qui nous mettent des -us au bout de mots français pour « faire latin »…
http://www.liberation.fr/monde/2013/02/11/cogitatio_881165
Passons à autre chose, le prochain scoop sera sûrement « on arrête la formation des professeurs de latin », et tout le monde regrettera, sur le moment, et la vie journalistique continuera…comme avant. La veille du scoop, d’ailleurs, on en était à se demander à quoi sert wikipedia en latin :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-quoi-sert-[…]
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