Par François Jarraud
Déjà dotée d’un projet éducatif local, avec une municipalité de gauche, la ville de Blois optera très probablement pour l’attente. En novembre 2012, nous avions rencontré Yann Bourseguin, maire adjoint à l’éducation. Il attendait avec impatience les textes. Deux mois plus tard, après la publication du décret sur les rythmes, il oscille entre déception et irritation. Le doute s’est installé la faisabilité de la réforme des rythmes. Il soulève aussi la question des obligations légales pour les communes. Rien dans le décret ne semble obliger les villes à développer des activités périscolaires. Alors, à l’impossible nul n’est tenu ?
Le décret sur la réforme des rythmes est paru. Allez-vous opter pour son application en 2013 ou 2014 ?
Très probablement nous allons demander une dérogation pour 2014 pour prendre le temps de la réflexion et de la concertation avec les parents et les enseignants.
Allez-vous opter pour un allongement de la pause méridienne ou pour un temps périscolaire de fin de journée ?
On s’attendait à ce que le décret instaure 3 quarts d’heure de périscolaire le soir de 15h45 à 16h30. Or ce n’est pas le cas. Il définit le temps scolaire et les APC. Mais il ne dit rien des obligations des communes sur le périscolaire. Il laisse la possibilité aux communes de faire quelque chose, rien de plus. Le décret ne contient aucune demande claire et formelle. Quand je lis le décret j’en arrive à la conclusion que nous n’avons pas l’obligation de mettre en place du périscolaire. Pour nous c’est une surprise et nous allons en discuter avec le préfet.
En ce qui concerne la pause méridienne, à Blois elle est déjà d’1h45 avec un encadrement d’un animateur pour 15 enfants en maternelle et 1 pour 25 en élémentaire. Mais ce temps n’est pas réglementé Jeunesse et sports et donc le taux d’encadrement varie fortement selon les communes de l’agglomération. Pour nous à Blois le faire passer à 2 heures ce n’est pas un problème. Mais augmenter ainsi ce temps de pause méridienne, le faire passer comme on l’envisage à Paris à 2h45, est-ce souhaitable ? Dans quel état seront les enfants à l’issue de ce temps ?
On avait réfléchi à la question de la tranche 15h45-16h30. Et on était arrivé à quelque chose de simplement impossible : tripler le nombre d’animateurs, recruter 175 animateurs supplémentaires. A Blois cette ressource humaine n’existe pas. Il y a un autre problème : celui de l’espace. Aujourd’hui on accueille environ mille élèves après 16h30. Si je dois prendre en charge 4 500 enfants je n’ai que les salles de classe pour les accueillir. Or c’est un espace qui est déjà partagé. Ces problèmes les autres communes de l’agglomération me disent les connaitre également. Je verrai donc ce que me dira le préfet et s’il me confirme que j’ai le droit de ne rien faire.
D’autres communes envisagent de redéfinir les emplois par exemple en déchargeant les atsem des tâches de ménage pour en faire des animatrices. Cela vous parait-il une réponse au problème de ressources humaines ?
Pour certains emplois, comme le conservatoire de musique ou les piscines, on est en compétence partagée avec l’agglomération ce qui rend les ajustements plus difficiles. On a de grandes différences selon les communes pour les atsem. A Blois il y a 1,2 atsem par classe de maternelle. Dans d’autres communes, seulement 1 atsem pour 2 classes. A Blois on leur demande déjà d’intervenir comme animatrices. Il faut bien voir que toutes les communes de l’agglomération ne sont pas engagées à l’identique en faveur de l’éducation. A mon avis la plupart vont attendre 2014.
Alors il va falloir du temps pour trouver la bonne solution au problème d’encadrement. Trouver 175 animateurs disponibles de 15h45 à 16h30 et qualifiés Jeunesse et sport ça ne me semble pas possible à Blois même avec une révision, par ailleurs inquiétante, des taux d’encadrement. On est d’accord sur le principe des 4 jours et demi de classe. Mais je ne vois pas comment nous allons faire.
A défaut d’obligation légale de mettre en place du périscolaire, vous risquez d’avoir la pression des parents pour que l’école dure au moins jusqu’à 16h30…
Cela ne nous pause pas de problème. On peut faire démarrer la journée à 9 heures au lieu de 8h30 et allonger la pause méridienne à 2 heures. Avec une journée de 5h30 d’enseignement on arrive à finir la journée à 16h30. Il y a juste un petit effort à fournir le matin.
Vous venez de signer une nouvelle convention avec la CAF. Vous discutez avec elle du périscolaire à mettre en place ?
La CAF est un partenaire quotidien de la ville. Mais on n’a pas d’élément sur la prise en compte par la CAF du périscolaire en plus des 3 heures par semaine existantes pour un volume qui serait plus important. C’est un aspect du problème.
A Blois, le 23 janvier , des enseignants grévistes ont clairement dit qu’ils voulaient garder le mercredi libre. Quelles relations avez vous avec les enseignants sur cette question ?
A Blois on a un programme éducatif local depuis 2012 et donc on est en dialogue permanent avec les enseignants et les directeurs d’école. Ils ont perçu très positivement la sanctuarisation du budget de l’éducation nationale et les créations de postes. Ils disent que la réforme implique une demi-journée de travail supplémentaire et des frais de déplacement. Mais ce n’est pas leur revendication première. Les enseignants attendent surtout une évolution des programmes. La crispation est beaucoup plus forte sur ce point que sur les rythmes. A mon avis il faut les entendre. Par ailleurs, sur les rythmes, leurs revendications sont légitimes.
Vous allez consulter les enseignants ?
On ne peut pas travailler tout seul. Dans le cadre du Projet éducatif local on a prévu une consultation de septembre à décembre avec les enseignants,, les parents et les associations. On va faire venir des chronobiologistes pour expliquer la nécessité de la réforme des rythmes. On va informer sur les aspects financiers. Cela permettra ensuite à tous de participer à une décision éclairée. Il faudra aussi discuter avec la communauté d’agglomération. Car la réforme impacte les frais de transport, de conservatoire, de piscine.
Vous avez estimé le coût financier de la réforme des rythmes ?
Le seul fait de mettre en place une restauration le mercredi matin représente 350 000 euros. Chauffer et éclairer les écoles un jour de plus c’est 40 000 euros. On est entre 600 000 à 1,2 million d’euros de dépense supplémentaire pour la ville ce qui est considérable.
Vous trouvez que le décret est mal fait, que le ministère n’a pas bien travaillé ?
N’importe quel élu local aurait pu dire au ministre que l’application de ce texte pose des problèmes colossaux pour les ressources humaines et les locaux. A Blois aujourd’hui on accueille 10% des enfants scolarisés dans les centres de loisir soit 400 enfants. Nous demander de passer à 4 500 enfants ce n’est pas possible. Le cabinet du ministre nous semble un peu éloigné des réalités locales.
Une mise au point ministérielle
A l’issue de cet entretien avec Yann Bourseguin, le Café pédagogique a interrogé le ministère sur les obligations légales des communes. La loi n’impose pas aux communes de développer des activités périscolaires. Par conséquent le décret ne peut pas non plus le faire. Mais l’Etat s’est engagé à aider les communes à la mise en place de services périscolaires. 250 millions seront donnés aux communes selon un dispositif qui apporte un soutien plus important aux communes les plus en difficulté. Le ministère de l’éducation nationale donnera des instructions pour que les inspections académiques assistent les communes dans la conception de leur projet éducatif territorial. Un guide sera envoyé aux communes dès le début de la semaine prochaine.
Propos recueillis par François Jarraud
Novembre : Comment Blois se prépare au changement
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