Par François Jarraud
Pour la 7ème année consécutive, la Nuit de l’Orientation de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris s’est tenue à la Bourse de Commerce samedi 2 février. En présence de partenaires institutionnels comme l’ONISEP et le CIDJ, la CCI conviait les 14-20 ans à rencontrer des spécialistes de l’orientation et les représentants de 23 écoles de CCI régionale, afin de préciser leurs choix d’orientation. La possibilité de dialoguer avec des chefs d’entreprise et des salariés de nombreux secteurs professionnels leur apportait de surcroit un éclairage concret sur les conditions réelles d’exercice des métiers envisagés. Des ateliers thématiques, des tests de personnalité et des entretiens conseils venaient compléter l’offre au jeune public. Détail révélateur : le public s’entassait devant les salles d’entretien individuel et de tests sur logiciels, révélant une attente ciblée sur des services opposés, les plus individuels et les plus impersonnels. La Nuit de l’Orientation se tenait le même jour à Versailles, après Évry le 19 janvier et Marne-la-Vallée le 26 janvier. Une dernière édition se tiendra le 9 février à Cergy, au siège de la CCI Val-d’Oise.
Un véritable casse-tête pour les élèves et les familles
L’orientation est le point focal de beaucoup d’angoisses scolaires et familiales : dans la profusion des formations et des métiers inconnus, en pleine mutation, se croisent l’indétermination des adolescents et l’impuissance de leurs parents. Pour tout aggraver, les messages contradictoires et les propositions alléchantes envahissent le champ médiatique, dans un contexte de crise particulièrement anxiogène. Le BIOP (centre d’orientation de la CCI de Paris), organisateur de la Nuit de l’Orientation, a bien saisi l’enjeu en plaçant l’événement sous le principe de « s’orienter sans stress… ». Les filières représentées, à travers des écoles de commerce et marketing, de l’industrie du luxe, de l’hôtellerie-restauration, de l’énergie, de la production industrielle, de la communication visuelle ou encore de l’aménagement paysager, les nombreux outils numériques et interactifs, les perspectives d’ouverture (Faire ses études au Québec) pouvaient offrir à chacun de précieux éléments de réponse. Mais comment ne pas remarquer l’amas du public devant les salles de conseil personnalisé et de tests informatiques de personnalité ?
Connais-toi toi-même : des techniques divinatoires ?
L’injonction delphique n’a rien perdu de son actualité, en ces temps de trouble socio-économique, ni de son ironie : sommé de choisir ce qu’on veut faire pour devenir soi-même, à un âge où l’on se perd et on se découvre en même temps, la tentation est forte de s’en remettre aux formes contemporaines de la divination. L’expert, qui en quelques minutes d’entretien doit créer les conditions d’un échange révélateur, ou l’informatique, dont les calculs impersonnels sont garants d’un diagnostic objectif imparable, doivent épargner au consultant les affres de l’incertitude et la responsabilité d’une erreur. La déception, inévitablement, est au rendez-vous, d’autant plus amère et polémique que l’attente était forte. Dans ce jeu difficile, l’institution scolaire est pointée du doigt : elle exige des choix déterminants dans le parcours scolaire des élèves en classe de Troisième, de Seconde et de Terminale, tandis que l’offre d’aide à l’orientation dans les établissements scolaires diminue au fil des redéfinitions des tâches des Co-Psy (Conseillers d’Orientation Psychologues).
Que faire quand on est parent ?
Dans ces conditions, « comment parler orientation en famille et établir un dialogue constructif ? » interrogeait Sylvie Mouchez, directrice du BIOP, dans le cadre d’une conférence destinée aux parents qu’elle animait avec Françoise Winkelman, responsable de l’orientation au BIOP. Trois sources d’échec à éviter dans l’orientation, souligne-t-elle d’emblée : choisir en fonction de ce qu’on croit pouvoir faire, de ce qu’on croit devoir faire ou de ce qu’on croit avoir envie de faire. Le réalisme pragmatique du premier choix recouvre souvent un renoncement réducteur, le rigorisme du second, la soumission à des impératifs ou des modèles extérieurs, la spontanéité du troisième, à des influences momentanées. Il faut d’abord trouver une congruence avec soi-même, rappelle Sylvie Mouchez, ce qui demande temps et patience. Mais pour les parents, confrontés à la responsabilité stressante des échéances concrètes, comment maintenir le dialogue ouvert, face à un adolescent indécis et souvent versatile dans ses choix ? Sylvie Mouchez conseille aux parents de déposer la culpabilité qui les angoisse face à leur mission éducative, en apprenant à relativiser les enjeux pour se rendre capable d’écouter.
Déculpabiliser, relativiser, savoir écouter
Les parents ont toutes les raisons d’être angoissés par l’orientation, rappelle S. Mouchez, mais les adolescents aussi. Dans un système éducatif et un monde professionnel complexes et mobiles, avec l’apparition de filières nouvelles et de métiers méconnus sur fond de crise économique, la tentation est forte pour les adultes d’assumer les choix à la place de leurs enfants. En résulte une focalisation exclusive sur les résultats scolaires, une projection de ses propres difficultés professionnelles et un monologue en forme de leçon qui ruine tout espoir de dialogue. Dédramatisons les enjeux de l’orientation, dit Sylvie Mouchez : un rapide sondage montre que presque personne, parmi ses auditeurs, ne fait le métier pour lequel il a été formé initialement, ni celui qu’il pensait exercer quand il était jeune, mais que presque tous, en revanche, ont déjà eu l’occasion de changer de profession. L’orientation n’est pas un choix définitif.
Prendre confiance et tenir ses engagements
Citant une spécialiste de l’orientation, S. Mouchez lance en manière de boutade que la meilleure façon de parler de l’orientation en famille pourrait être « de ne pas en parler du tout », tant les enjeux implicites contribuent à brouiller la situation. Mais les parents peuvent avoir un rôle précieux, dans ce moment délicat : donner de la confiance. D’abord en la manifestant à leur enfant, et aussi en l’incitant à ne pas décrocher à la première difficulté : trouver sa voie demande d’apprendre à tenir et à développer ses engagements personnels, en persévérant dans un choix de formation, en le complétant par des stages ou des jobs d’été, par exemple. En cas d’impasse, a-t-on le droit de dire : « tu n’y arriveras pas, c’est impossible » ? s’inquiète un auditeur. Mieux vaut procéder par des questions ouvertes, pour aider le jeune à saisir ses contradictions, et le confronter à la réalité de son expérience quotidienne, répond S. Mouchez. C’est aussi dans le quotidien qu’il faut chercher des indices sur les goûts et les pôles d’intérêt réels d’un adolescent : mais pour les saisir, il faut suspendre ses attentes et projections implicites. L’adolescent se révèle souvent parfois bien différent de l’image et des désirs des parents.
« La voie de la réussite existe pour tous », conclut S. Mouchez, « il faut prendre le temps de la trouver et ne pas se croire enfermé dans un choix particulier ». Prendre le temps de devenir soi-même, en somme, ce qui ne fait que commencer dans le temps de l’adolescence, mais que l’on doit être autorisé à s’approprier dans ce moment-là.
Jeanne-Claire Fumet
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Le Québec augmente ses effectifs d’étudiants français : déjà 10 000 d’entre eux ont tenté l’aventure, pour 280 000 étudiants en tout au Québec. Les portes s’ouvrent en grand, dans un souci de diversifier les profils et les compétences au sein des écoles : un bon dossier scolaire (12 de moyenne minimum), une forte motivation pour les études et le goût du travail, sont les seules conditions requises. Toutes les disciplines sont proposées, hormis le domaine médical qui est contingenté. Dès le lycée, les élèves peuvent intégrer les filières générales (pas de filières professionnelles, réservées aux formations collège).
Tous les titulaires de bac général et de certains bacs technologiques sont bienvenus. Le Québec a besoin de main d’œuvre, en particulier dans les domaines de l’informatique, de la biologie, la chimie, des domaines pointus comme les nanotechnologies, que l’on peut trouver sur le site de l’immigration du Québec. Le budget à prévoir : 8 à 12000€ par an, estime Sandra Étienne, de l’Agence 2ème Acte, qui représente le programme « Étudier au Québec ». L’équivalent du budget pour une année d’étude à Paris, mais avec d’autres contraintes : l’éloignement géographique et familial, le changement d’environnement, ne sont pas à négliger, même s’ils sont aussi une opportunité exceptionnelle d’ouverture et d’enrichissement personnel. La très grande majorité des français revient en France, admet Sandra Étienne, seulement 3% choisit de rester. Mais les possibilités d’insertion professionnelle sur place sont réelles et nombreuses. Dans le domaine des sciences de l’éducation, en particulier, où les études sont particulièrement bien développées.
Pour s’informer sur les études au Québec, des journées sont prévues à Paris les 5 et 6 février au CIDJ, les 7 et 8 février au Centre culturel canadien et le 9 février à la Cité Internationale universitaire. A ne pas manquer !
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