Au fil du temps, des voyages et des rencontres, le Café a tissé des liens d’amitié avec des enseignants, des acteurs de l’éducation ici et là, dans les quatre coins de France et ailleurs. Nous avons fait connaissance avec Abdouramane Atji, enseignant burkinabé, au forum des enseignants innovants de Dakar. Depuis, il a fait un bon bout de chemin, passé un master à distance avec la Sorbonne et est parti enseigner à Bamako à l’Ecole Nationale Supérieure.
Un petit mot d’amitié glissé par temps houleux a reçu une réponse où les inquiétudes pour l’école malienne transpirent entre les lignes, chaos d’un système déjà fragile percuté par les fracas de la guerre. « Les élèves des régions du Nord sont dispersés dans la nature ; au Burkina, au Niger et ailleurs. Ceux qui sont arrivés au sud vivent des problèmes d’intégration. Ils ont été nombreux à ne pas passer le bac l’an passé. Les écoles d’accueil ne supportent pas les effectifs déjà pléthoriques ». Voila ce que nous écrit Abdouramane Atji depuis un pays miné par la guerre. « L’école malienne est devenue un bateau ivre et la crise est venue en rajouter. Il faut faire quelque chose d’urgence ».
Sa conclusion en forme d’appel à l’aide rappelle l’importance de l’école pour reconstruire un pays, après la guerre ou après une catastrophe. Martine Storti, qui travaille sur l’éducation d’urgence, nous l’avait expliqué après le séisme haïtien. « A mon sens, l’aide éducative doit intervenir très vite. Elle fait partie de l’urgence, à tout le moins de l’immédiat post-urgence. », nous disait elle. Elle rajoutait « il est nécessaire aussi que très vite, le plus vite possible, quelque chose de la vie « normale », « ordinaire », se remette en place. Pour les enfants, la vie normale, c’est d’aller à l’école ». Reconstruire un pays en reconstruisant ses écoles, combattre les extrémismes par l’éducation, redonner le sourire au présent en regardant l’avenir, le pari est celui de l’intelligence, celui de relayer les bruits des armes par le doux fracas du savoir.
En sauvant les manuscrits de Tombouctou, par un patient travail de fourmis, les maliens ont prouvé leur attachement à la culture, la riche culture de leur pays. Pourtant, au Mali comme dans nombre de pays africains, l’école vit à l’économie extrême avec des classes bondées, des enseignants au salaire dérisoire. Une grève de dix jours vient d’être observée par le secteur de l’éducation de Côte d’Ivoire pour réclamer l’application d’une revalorisation des salaires. L’Afrique est un continent d’avenir, son école, aujourd’hui à la peine, serait cependant son meilleur ferment. Abdouramane Atji et Martine Storti nous le disent chacun à leur façon : il y a urgence à rebâtir l’école. L’éducation est un bien partagé, souhaitons qu’elle devienne une priorité dans les politiques internationales. A la sécurité des peuples, à la sécurité alimentaire, nous devrions rajouter la sécurité éducative pour que l’école devienne partout et pour tous une composante de la vie normale des enfants.
Monique Royer