Un lycée peut-il s’emparer du e-learning ? C’est ce qui est en train de se faire lycée de la Plaine de Neauphle (78). Sous l’impulsion d’une professeure de SVT, Véronique Saguez, le e-learning déjà utilisé en sciences est en train de gagner les disciplines littéraires. C’est un nouveau métier que découvrent les enseignants qui doivent imaginer des séquences d’enseignement à distance adaptés à leurs élèves. Mais c’est aussi une autre façon d’être élève qui passe par exemple par oser formuler des demandes d’aide…
« Nous avons au lycée, à Trappes, 46% d’élèves issus de milieux défavorisés« , affirme Véronique Saguez qui y est professeure de SVT. « Ils ne savent pas comment travailler chez eux et ont un fort besoin d’enseignement individualisé ». Une intégration de l’e-learning dans le temps scolaire lui a paru une bonne piste de travail, d’autant que le lycée dispose d’assistants pédagogiques. Une réflexion a donc été menée en interdisciplinaire, dans le groupe des professeurs de sciences, appuyée et soutenue par l’équipe de direction, très enthousiaste.
Depuis la fin novembre, tous les élèves de 2nde, ceux de terminale S et de BTS CGO ont sur leur temps scolaire des séances de travail individuelles sur ordinateur, encadrés par un assistant pédagogique. Pendant 1 h hebdomadaire pour les élèves de 2nde, 3 h pour ceux de terminale, ils doivent réaliser des parcours individuels préparés par leurs enseignants dans certaines disciplines (maths, SVT, physique chimie, mais aussi bientôt lettres et langues). L’accès à la plate-forme de parcours se fait au travers de Lilie, l’ENT francilien.
L’élaboration des parcours n’est pas une mince affaire, reconnaît Véronique Saguez. Il s’agit de définir des ressources (en général de courtes videos traitant un point précis des programmes), la granularité nécessairement faible du sujet et l’objectif visé en connaissances et compétences. Cela a été l’objet de collaborations poussées, non seulement à l’intérieur de l’établissement, mais aussi avec l’autre lycée et les collèges de la ville de Trappes. Ainsi enseignants de collège et lycée ont travaillé ensemble, en SVT car les notions aux programme de 3ème et de 2nde sont très similaires, en français car les élèves ont souvent de grosses difficultés d’expression, en maths pour une liaison collège-lycée, etc. Dans un futur proche, tous les établissements seront impliqués dans le projet, au rythme des formations à la pédagogie e-learning dispensées et des parcours construits. Une collaboration s’est développée avec des enseignants de l’académie de Strasbourg, qui expérimentent Moodle dans leur ENT depuis plus d’un an pour des usages semblables.
Pour l’instant au lycée, 18 enseignants sur 51 sont concernés, mais personne n’est hostile au projet. Les élèves semblent mieux comprendre ce qu’on leur demande et sont rassurés par les (bonnes) notes obtenues, puisque seuls les parcours validés comptent dans l’évaluation. Ils apprennent aussi à travailler en autonomie ou à formuler un besoin d’encadrement. La baisse d’attention habituelle en février ne se manifeste pas cette année et les résultats aux bac S seront certainement attendus avec impatience.
La nécessité de donner accès à un ordinateur à chaque élève pose quelques problèmes d’équipement et des contacts ont été pris avec de associations. Véronique Saguez aimerait bien transformer, comme à Strasbourg, le CDI en learning center. Pour sa part la région a financé l’achat d’une super caméra qui permet une exploitation très aisée des vidéos tournées.
Cette façon de travailler induit des interactions beaucoup plus nombreuses entre les enseignants, les élèves et les assistants pédagogiques. Repris dans les classes, les sujets des parcours font l’objet de nombreux échanges y compris par messagerie. « Pour moi, l’e-learning, c’est l’avenir de l’éducation » conclut Véronique Saguez ». « Il faut donner envie de travailler aux élèves. Le seul moyen de les y inciter, c’est la communication, le jeu, le dialogue, la relation avec le prof devient magique. Non seulement l’e-learning aide à lutter contre les inégalités, c’est aussi un enjeu pour la future formation professionnelle des élèves et une garantie d’intégration dans la société de demain.
Françoise Solliec