Equiper tous les élèves suffit-il à changer le collège ? L’Inspection générale publie un rapport signé par Jean-Louis Durpaire qui évalue précisément l’opération Ordicollège 19. Entre pannes techniques et indifférence de nombreux enseignants, les changements pédagogiques tardent à voir le jour malgré quelques pionniers. Ordicollège rappelle que la généralisation du matériel ne suffit pas.
L’élection de François Hollande à la tête du conseil général de la Corrèze s’est accompagnée d’une politique ambitieuse de développement du numérique dans le département. Le conseil général a doté toutes les écoles rurales. A partir de 2008, il a doté tous les élèves et tous les professeurs des collèges dans la cadre du plan Ordicollège d’abord d’un ordinateur sous Linux puis d’un tablette Ipad. Pour quel bilan ?
Bilan nuancé. » Le plan « Ordicollège 19 » initié par le conseil général du département de la Corrèze est très apprécié par la grande majorité des enseignants, des parents et des élèves », écrit JL Durpaire. « L’objectif politique de réduction de la fracture numérique et de mise sur un pied d’égalité de tous les élèves des collèges, quels que soient leur milieu social et leur lieu d’habitation, est atteint. La dotation en ordinateurs portables et tablettes numériques a permis à nombre de familles du département d’avoir pour la première fois un accès à internet et de s’approprier le dernier développement des technologies de la communication… Le bilan est beaucoup plus nuancé en ce qui concerne les usages pédagogiques aussi bien dans l’établissement qu’à l’extérieur ».
Des usages pédagogiques trop rares. Le rapport souligne les très nombreuses pannes des ordinateurs portables sous Linux et le désarroi des enseignants face à des logiciels inconnus avec lesquels ils n’arrivaient même pas à utiliser les outils numériques qu’ils avaient créés à la maison. L’arrivée des tablettes Ipad a fortement fait chuter les pannes. Mais l’écart avec les outils professoraux s’est agrandi. Il faut cette fois repartir à zéro ! Résultat les usages restent faibles. » Quoique la pratique soit très loin d’être généralisée, quelques usages très pertinents ont pourtant pu être observés au cours des visites », note l’inspection. Elle cite d’intéressantes initiatives pionnières en technologie, maths , EPS (avec la tablette) ou langues. La disparition des itinéraires de découverte est mentionnée comme facteur faisant baisser l’utilisation du numérique. Au total, » il est clair que la grande majorité des enseignants, d’une part ne recourt que rarement aux ordinateurs portables, affirmant préférer se servir des postes fixes plus fiables, et d’autre part n’utilise presque pas la tablette numérique, voire, pour certains, la rejettent. »
Nombre d’établissements privilégient le contrôle des usages à leur éducation. » Dans les deux tiers des collèges, il n’est pas permis d’apporter les ordinateurs portables ou les tablettes en salle de permanence ; la raison invoquée est que la surveillance de ce que les élèves font est impossible… Certains établissements privés interdisent même aux élèves d’apporter leur matériel.. Le plan « Ordicollège 19 » n’a pas grandement modifié les pratiques. Les ordinateurs ou les tablettes ne sont généralement autorisés que sur demande des professeurs et les possibilités offertes par la dotation, aussi bien pour la recherche documentaire que pour l’individualisation du travail des élèves, ne semblent pas avoir encore été pleinement perçues ».
Le rapport souligne des problèmes de pilotage. Il rappelle que la généralisation a été décidée et portée par le seul conseil général, l’académie étant informée et associée mais de loin. Il pose aussi la question de la rareté des ressources pédagogiques et une formation insuffisante. Quatre ans après son démarrage, le plan Ordicollège n’a pas changé l’enseignement.
François Jarraud