Introduit en 2010 au lycée, l’accompagnement personnalisé devait permettre la réussite de tous en aidant chaque lycéen à construire son parcours et à remédier à ses difficultés. Pour Luc Chatel c’était « la troisième révolution de l’éducation nationale ». Avec Luc, aussi fort que Jules, on allait assister à une transformation totale du lycée et régler les problèmes de décrochage et d’échec scolaire. Deux années plus tard, les principaux intéressés « n’en perçoivent toujours pas la finalité » affirme un rapport de l’Inspection générale. Et ce n’est pas surprenant…
Un troisième rapport de l’Inspection générale sur l’accompagnement personnalisé est publié le 6 février. Le premier rapport Moisan – Cuisinier constatait en mars 2011 « une très grande difficulté ». Tenu au secret par Luc Chatel, le rapport de Viviane Bouysse, Ghislaine Desbuissons et Jean Vogler était encore plus sévère. » L’expérience de plus de dix ans des modules et de l’aide individualisée ne semble pas avoir eu d’effets significatifs sur les pratiques des professeurs, démunis sur les stratégies et démarches d’aide aux élèves… Il y a peu de travail réel sur les mécanismes d’apprentissage des élèves », notait-il. Le nouveau rapport de Claude Bisson-Vaivre montre que peu de progrès ont été fait.
Notons tout de suite la seule avancée. » Au regard de l’expérience de l’an dernier et des contraintes accrues liées à la montée en puissance de ce nouveau dispositif, la plupart des établissements ont été amenés à simplifier l’organisation pratique, d’où l’abandon de la mise en barrette pour la totalité des classes en même temps par exemple ». Il faut rappeler que ce dispositif « en barrette » était recommandé par l’institution alors que ses effets désastreux sur la vie des élèves étaient parfaitement prévisibles. Le rapport montre que la tendance est à la « simplification » et qu’on revient sur » une organisation chronophage perçue comme inefficace tant par les enseignants que par les élèves ». Le paragraphe se termine par un vibrant hommage aux chefs d’établissement qui ont pourtant poussé à une mise en barrette qui est pour beaucoup dans le désintérêt des élèves pour ce dispositif…
Sur le plan pédagogique, « l’accompagnement personnalisé est un objet à travailler encore », note très gentiment le rapport. L’accompagnement est encore déconnecté de l’orientation et du Livret personnel de compétences. » On distingue souvent mal ce qui caractérise l’aspect « personnalisation » des stratégies, au-delà du regroupement des élèves en petits effectifs sur la base de pratiques qui demeurent au fond traditionnelle, comme le soutien, à caractère très disciplinaire de surcroît », écrit l’auteur. Faut-il s’en étonner ? Ce qui devait être « la révolution de la personnalisation », longuement exposée dans la rhétorique de Luc Chatel, a été impulsé dans les lycées sans réflexion collective mais sous forte pression hiérarchique avec des dispositifs dont on savait à l’avance qu’ils allaient couler le navire. Le fiasco continue au lycée et on voit déjà se profiler la façon dont il va « digérer » et évacuer ce dispositif.
L’accompagnement personnalisé a été introduit au collège en septembre 2011. Mais son application réelle était loin d’être générale en 2011-2012. De fait dans les collèges il a tendance à se transformer en cours de maths ou de français, note le rapport.
Plus de deux ans après son introduction, l’accompagnement personnalisé n’est toujours pas réellement correctement mis en place dans le secondaire. Ce n’est pas cela qui est étonnant. Mais plutôt le fait que de rapport en rapport on attende que les choses rentrent dans l’ordre d’elles mêmes. Il est sans doute trop tard pour sauver l’accompagnement personnalisé. Faut-il se résigner à ce que l’institution ne tire jamais de leçons de ses dysfonctionnements ?
François Jarraud