Au pied du mur. L’école est en passe de devenir le souci numéro un des cadres des municipalités. La publication du décret sur les rythmes scolaires met les villes devant l’obligation de mettre en place des activités périscolaires à un niveau qui ne s’était jamais vu. Ils ont peu de temps pour l’organiser et le concevoir. Ils en ont encore moins pour décider une application en 2013 ou en 2014. Voilà une bonne raison d’aller voir comment ces cadres qui font vivre les services municipaux d’éducation s’en sortent. Alors quand Arnaud Wauquier, vice président de l’Andev (Association des directeurs d’éducation des villes), m’a proposé de participer, le 30 janvier, à un séminaire régional, j’ai sauté sur l’occasion…
Premier enseignement de ce séminaire organisé par l’Andev avec le CNFPT : la question des rythmes scolaires mobilise les cadres territoriaux. Plus de 350 personnes sont là, directeurs de l’éducation dans les villes franciliennes ou normandes, directeurs d’autres services municipaux ou encore élus municipaux. Tous se demandent comment faire pour répondre aux obligations légales en si peu de temps et sont avides d’échanger. Pour Arnaud Wauquier, la réforme des rythmes est « une formidable opportunité de refonder l’Ecole et d’affirmer ses valeurs ». L’enjeu semble bien perçu par les participants. C’est celui d’une meilleure prise en compte des enfants et du partenariat avec les autres acteurs de l’Ecole.
Pour bien faire saisir la rareté du moment, Claude Lelièvre revient sur l’histoire du calendrier scolaire. Et comme il connait savamment le sujet, cela permet à l’historien d’éclairer quelques points d’actualité. Faut-il demander aux conseils d’école de décider des rythmes, comme le souhaite le Snuipp ? C Lelièvre rappelle que l’expérience a été faite en 1994, quand Bayrou leur demande de choisir un rythme hebdomadaire. Au terme de cette consultation (40 000 réponses), 40% des conseils d’école ont choisi de libérer le samedi matin en échange de quelques jours de vacances. 20% proposent de faire cours 4 jours par semaine avec 6h30 de classe par jour. Pour lui, « on ne peut pas organiser l’école par le bas ». A-t-on déjà réussi à appliquer l’organisation de l’année comme le souhaitent les chronobiologistes avec une alternance régulière 7 semaines de cours 2 semaines de vacances ? On a failli le faire. En 1986 le retour de la droite au pouvoir l’empêche. En 1997 c’est le retour de la gauche qui met fin à une proposition chiracienne. Dans les deux cas les lobbys du tourisme font basculer les projets. Pourquoi peut-on espérer un changement réel des rythmes maintenant ? « Parce qu’on a touché le fond avec seulement 144 jours de classe », répond C Lelièvre.
Quelles questions pose la modification des rythmes ? Yves Mathieu, directeur général des services de la ville d’Eaubonne, vice-président du syndicat national des directeurs généraux, éclaire le sujet. Pour lui, le décret aura un impact sur tous les services d’une municipalité. Par exemple l’école de musique municipale aura à se prononcer sur sa participation ou nom au périscolaire. Toutes les politiques municipales vont devoir être réévaluées par le changement de rythmes. Mais « on ne pourra pas vider les écoles du jour au lendemain des apports des collectivités locales ». Il faudra à la fois créer du périscolaire et maintenir partiellement les dispositifs éducatifs existants. La réforme a aussi un impact budgétaire. Il est clair que pour permettre le déploiement du périscolaire il va falloir revoir toutes les autres politiques et faire des choix. La pire année devrait être 2015.
Enfin il y a la question du personnel. « Il est impossible de trouver le personnel nécessaire », assure Y Mathieu. La solution est dans l’évolution du personnel existant. Ainsi la tâche des ATSEM pourrait évoluer. Déchargée des tâches d’entretien, leur métier évoluerait. Les autres intervenants scolaires pourraient connaître la même évolution.
Après cet exposé, quelles communes vont basculer en 2013 ? Pour les 350 communes franciliennes et normandes représentées, environ 40% vont changer les rythmes dès 2013. La majorité attendra 2014 les réponses des pionniers à toutes ces questions.
François Jarraud