Alors que la question de l’efficacité du système éducatif domine les débats en France et dans les pays développés, la revue Recherches en éducation (n°15, janvier 2013) étudie les formes de leaderships dans les écoles françaises. Si tout le monde est d’accord pour reconnaître l’importance du directeur, si la moitié des enseignants du primaire semble tentée par une évolution du statut même de directeur (enquête Snuipp mai 2010), comment lui-même perçoit-il précisément sa fonction et son rôle dans le fonctionnement de l’équipe pédagogique ?
Pour le savoir, la revue croise des enquêtes différentes et invite Jean-Marie de Ketele (Université catholique de Louvain) à éclairer les résultats. L’étude de Joël Rich, maitre de conférences à Victor Segalen Bordeaux, repose sur l’interrogation d’une centaine d’enseignants d’Aquitaine et de Poitou-Charentes. Elle cherche à faire apparaître des éléments du climat de l’établissement et des vécus de la direction. Selon ce chercheur, la perception de la direction est surtout vue sous l’angle des relations personnelles avec les esneignants. « Les écoles semblent vivre dans une entente professionnelle et personnelle relative. Les directeurs sont appréciés car chacun sait la charge qui est la leur et que peu de leurs adjoints leur envient (ce que confirme l’absence de candidats aux postes de direction d’école). De la part de ces responsables locaux, l’absence d’exigences en termes de pouvoir et de décisions contribue à une sorte de paix sociale… Les directeurs apparaissent – y compris à travers leurs « points forts » – comme largement dépassés par une orientation consensuelle dont nous avons mentionné l’illusion et les limites ». Ainsi, pour J. Rich, les directions d’école « se fourvoient » dans un mode de gestion qui les enferme. La façon dont sont gérés les projet d’école lui apparait révélatrice.
Pour Jean-Marie de Ketele, « on peut sans doute déduire que la conception charismatique reste dominante dans la plupart des établissements et que la conception de l’organisation apprenante est la plus rare et reste un idéal à atteindre… On peut également penser que la conception managériale et celle orientée vers les résultats colorent plus ou moins fortement la conception charismatique dominante ».
Alain Guerrier montre également bien cette dimension en se basant sur des métaphores utilisées pour la fonction. Les images sont frappantes car toutes centrées sur la personne héroïque du directeur, tantôt Sisyphe, tantôt Saint Paul… Pour lui, « les directions d’écoles primaires françaises semblent s’accorder encore sur des logiques traditionnelles de pouvoir conventionnel peu élaborées et peu distributives des tâches ».
La direction partagée, collective, à laquelle seraient attachés les enseignants et les directeurs selon le sondage Snuipp, une forme somme toute moderne de direction, reste encore largement à construire.
François Jarraud