Retour au point de départ ? Sans doute pas. Mais le vote négatif du Conseil supérieur de l’éducation marque l’échec des négociations sur les rythmes scolaires menées activement depuis la rentrée. Le 8 janvier, le CSE a rejeté par 23 voix contre 5 le projet de décret présenté par le ministère. On compte 30 abstentions et 14 refus de vote. Comment les principaux acteurs expliquent-ils leur vote ? Alors que les Français sont plutôt favorable à la réforme, comment comptent-ils s’y prendre pour faire accepter cette situation ? Enfin comment expliquer cet échec ?
Le projet de décret fixe le temps de travail des élèves sur la semaine scolaire à « 24 heures d’enseignement, réparties sur 9 demi-journées » au lieu de 8 depuis la réforme Darcos de 2008. Les journées ne doivent pas compter plus de 5 heures 30 maximum par jour et 3h30 le mercredi matin. La pause méridienne doit durer au minimum 1h30. Cependant l’article 5 prévoit des dérogations portant sur la durée des journées ou le passage du mercredi matin au samedi matin si le DASEN l’accepte. L’article 7 supprime l’aide personnalisée. A la place sont créés des « activités pédagogiques complémentaires » (APC) selon l’article 6. Ces APC concernent « l’aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages » mais aussi « l’aide au travail personnel » et « une activité prévue par le projet d’école ». L’organisation de l’APC est arrêtée par l’inspecteur (IEN) sur proposition du conseil des maîtres. C’est la seule mention du conseil des maîtres. Ces nouveaux rythmes doivent être mis en place à la rentrée 2013 sauf dérogation accordée par le Dasen sur demande des seuls maire ou président de l’établissement public de coopération intercommunale faite avant le 1er mars 2013. Si la dérogation n’est pas accordée la nouvelle semaine entre en application à la rentrée 2013.
Pour le Snuipp, Sébastien Sihr a voté contre le projet de décret, comme d’ailleurs l’ensemble de la Fsu, Fo, la CGT, Sud, le Snalc et les parents de la Peep. Interrogé par le Café, S. Sihr estime que dans cette réforme « le compte n’y est pas, ni pour les élèves, ni pour les enseignants ». Mais c’est quand même du coté de ces derniers surtout que ça coince. « Le décret offre la possibilité de modifier le temps scolaire sans passer par le conseil d’école », s’insurge S Sihr. « C’est une nouvelle donne qu’on n’accepte pas ». Pour le Snuipp, il ne faut pas jouer les maires contre les enseignants mais au contraire considérer le passage par le conseil d’école comme une condition de la réussite de la réforme. Sous entendu : aucune réforme n’est possible sans les enseignants. Le Snuipp , qui a voté contre le décret Darcos sur le temps scolaire en 2008, ne tient pas au statu quo. Mais il veut que le ministre avance sur le temps de travail des enseignants. « Il est hors de question que nous acceptions de travailler les mercredis après-midi en plus des mercredis matins ». Or pour tirer ce point au clair il faudrait que le ministre fasse connaître ses arbitrages sur la répartition des 108 heures annualisées. Enfin le Snuipp attend un dédommagement pour les frais occasionnés par le travail le mercredi matin.
« On a refusé de voter par ce qu’on a aucune visibilité sur l’évolution du temps de travail des enseignants », nous a aussi confié Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. Le Se Unsa est aussi favorable à ce que la décision du changement de rythmes passe des maires aux conseils d’école. Il a déposé un amendement en ce sens qui a été adopté par 41 voix contre 12.
La Fcpe s’est abstenue. Jean-Jacques Hazan estime que le décret encadre trop étroitement le temps scolaire et rend impossible des adaptations locales. Il ne répond pas aux attentes des parents. La Fcpe a aussi demandé que le temps scolaire n’excède pas 5 heures par jours devoirs inclus. Mais cet amendement a été rejeté. JJ Hazan espère que les propositions de la Fcpe seront retenues dans le décret final.
Les syndicats ont-ils mené un combat catégoriel ? Interrogés à ce propos le Snuipp et le Se-Unsa écartent l’argument. C Chevalier estime n’avoir pas eu d’autre choix que le refus de vote dans la mesure où le décret ne présentait qu’un volet de la réforme des temps. Pour lui il vaut mieux afficher els désaccords pour que le texte soit amélioré et éviter des écueils plus tard. Sébastien Sihr remarque que si aucun syndicat enseignant n’a approuvé le texte ministériel, c’est le cas aussi des associations de parents, la Fcpe et l’Unapel s’étant abstenues et la Peep ayant voté contre le texte. « On compte sur les doigts d’une main ceux qui soutiennent le texte » remarque -t-il. Il s’agit principalement en fait de la Ligue de l’enseignement, de l’ADF, de l’AMF et de la JPA, c’est à dire les collectivités locales et les mouvements complémentaires de l’Ecole.
En 2008 le texte de X Darcos avait fait un meilleur score que celui de V Peillon avec 31 voix contre et 21 pour. Alors comment expliquer cette situation ? Pour Christian Chevalier et Sébastien Sihr, le vote du CSE est « un désaveu » pour V Peillon. S. Sihr parle de « désaveu sans appel d’une réforme emblématique ». « La réforme a été insuffisamment préparée et financée », estime S Sihr. Le Snuipp avait demandé des réunions quadripartites entre syndicats, ministère, collectivités locales et parents que le ministère n’a pas organisées. C’est aussi l’avis du Se-Unsa qui estime que « la méthode a péché » mais que V Peillon a manqué d’appui financier et politique.
Le ministère n’ a pas commenté le vote du CSE. Vincent Peillon visitera jeudi les dispositifs mis en place à Brest dans le cadre du projet éducatif territorial. Il ne manquera pas alors de présenter son point de vue avant que le projet de décret passe vendredi devant le Comité technique ministèriel
François Jarraud