Mick Miel est professeur de français au collège de l’Ille sur Têt dans les Pyrénées-Orientales. Depuis longtemps déjà il développe des projets pluridisciplinaires sous l’angle du cinéma. Au forum des enseignants innovants de Roubaix, le film sur la Retirade réalisé avec ses élèves avait été remarqué. L’histoire-géographie, le français, l’espagnol, le catalan avaient été mis à contribution pour retracer cet épisode historique ancré dans les mémoires catalanes. Quatre ans après Mick Miel anime toujours sans son collège l’atelier cinéma malgré les doutes et les difficultés. Sa persévérance illustre ce que veut dire innover au quotidien.
Depuis 2003, Mick Miel anime un atelier cinéma et réalise des films avec ses élèves. L’atelier prend tout son sens dans la transdisciplinarité, en complémentarité des travaux réalisés en cours. Les élèves les plus mordus viennent à l’atelier entre midi et quatorze heures. Le patrimoine architectural local est exploré pour visiter l’histoire en la racontant. L’an passé, les exploits du Lieutenant Campion lors de la prise de la Forteresse de Salses en 1639 ont été joués et filmés dans le lieu où ils se sont déroulés. Les élèves sont tour à tour scénaristes, acteurs, techniciens, mobilisant ainsi de multiples compétences en s’amusant. Cette année, se rajouteront des effets spéciaux et un nouveau lieu, l’Hospice de l’Ille, pour interpréter la nouvelle d’Edgar Allan Poe, « le masque de la mort rouge ». Le premier travail consistera à transformer la nouvelle en scénario. Des repérages ont déjà été effectués pour déterminer les lieux de tournage qui se déroulera en mai. Tout au long de l’année, les élèves suivent des ateliers techniques et assistent à des manifestations comme Visa pour l’Image ou le festival du cinéma d’Alès.
Les initiatives pédagogiques de Mick Miel ne se limitent pas à l’atelier cinéma. Ecole et cinéma, participation au prix « Incorruptibles », échange épistolaire avec une classe du Jura, il propose à ses élèves de multiples voies pour apprendre. La visite du site collectif Projectibles où sont décrites ses différentes initiatives donnent un aperçu de ce que l’enseignant réalise et des idées aussi. « S’amuser et apprendre ensemble » pourrait constituer sa devise pédagogique. S’amuser et apprendre ensemble malgré tout, est on tenté de rajouter tant les embûches s’accumulent.
Mick Miel enseigne dans un collège dont l’effectif croit dans un espace constant devenu sous-dimensionné. Des préfabriqués se rajoutent et la vie dans l’établissement se complique Avec trente élèves par classe, l’usage du numérique s’avère difficile. Quant à l’innovation, elle se fraye un chemin dans les interstices laissés par les injonctions souvent contradictoires de l’institution. Trouver de l’espace pour continuer l’atelier cinéma réclame beaucoup d’opiniâtreté. Mick Niel peut compter sur la complicité de ses collègues pour lui accorder du temps. Du côté financier, il lui a fallu aussi trouver des solutions lorsque le Conseil Général a cessé de verser sa subvention sans explication. Avec ses élèves, il a trouvé un soutien financier auprès de sponsors privés pour pouvoir au moins financer la contribution du cinéaste Thierry Bourdy présent tout au long du projet.
Mick Miel persévère et s’empare des espaces laissés en friche. La mise en place de l’Histoire des Arts lui a donné l’occasion de réinvestir la transdisciplinarité en profitant du flou des injonctions. Ses collègues adhèrent à la démarche apportant leur contribution ou lui facilitant la tâche. Mais pour aller plus loin, un débat en profondeur lui semble nécessaire pour partager l’intérêt pédagogique de telles démarches avec l’ensemble de la communauté éducative, parents compris. Qu’attend-on, qu’entend-on par travail pédagogique au collège ? Pour que l’innovation perdure, il faut pour lui qu’elle soit comprise, partagée, portée par l’ensemble des acteurs, direction en tête. Cela nécessite aussi une prise de responsabilité, une autonomie des enseignants, que tous ne souhaitent pas et qui dans les faits ne sont pas toujours acceptées par l’Institution. Et puis, la culture de l’évaluation freine bien des initiatives.
De ses deux participations au Forum des enseignants innovants, Mick Miel conserve le souvenir d’une émulation et de notes d’espoir restées en suspend. Il se souvient de l’émotion des enseignants enfin reconnus au travers de leurs projets et des paroles ironiques d’une enseignante remerciant sa chef d’établissement de lui avoir mis de bâtons dans les roues. Les rencontres du forum méritent de donner naissance à un véritable réseau apte à faire vivre l’émulation entre enseignants, sans pesanteur. Rompre l’isolement, faire bouger l’institution par un partage des expérimentations sur le terrain, c’est à une véritable révolution qu’appelle Mick Miel.
Monique Royer