Qui a volé la contribution de Marie Duru-Bellat à la refondation ? Le texte n’a jamais été publié sur le site officiel. Alors pour connaître les idées de M Duru-Bellat sur la refondation, il reste son blog et cet entretien… Sociologue, spécialiste des questions d’éducation, M Duru Bellat est professeur à Sciences-Po (Paris) et chercheur à l’Observatoire Sociologique du Changement.
La situation de l’Ecole se dégrade. On le voit dans les résultats de PISA par exemple. Que recommanderiez vous pour améliorer cette situation ?
PISA ne doit pas être une obsession. L’obsession du benchmarking, du classement, nous fait oublier ce qui devrait être l’objectif final, à savoir l’insertion des jeunes dans la société. Que les jeunes aient les moyens de vivre une vie bonne. Il y a des pays qui sont bien classés dans PISA et qu’on n ‘a pas envie d’imiter. Par exemple le Japon où toute une frange de la jeunesse ne s’insère pas. Par exemple la Finlande qui a un taux de chômage des jeunes qui n’est pas faible. Et ne parlons pas de la mesure du bonheur…
Mais pour revenir à votre question, ce qui tire le niveau vers le bas ce sont les élèves faibles. La loi d’orientation a raison de donner la priorité au primaire. Il faut réagir dès les premiers niveaux. Si on ne fait pas cela c’est pervers de dire qu’on va emmener 50% d’une génération vers el supérieur. Si tous les jeunes réussissaient bien dès le premier niveau et pouvaient choisir leur orientation, les sorties sans qualification s’éteindraient toutes seules.
C’est dans les zones prioritaires que se concentrent les problèmes. Faut-il continuer une politique de zonage ou faut il individualiser ?
Les zep n’ont pas obtenu de bons résultats et ont généré des effets d’étiquetage et des départs. Mais les inégalités géographiques restent trop fortes pour qu’on puisse se passer du zonage.Ne pas le faire ce serait abandonner des territoires. Evidemment un jour le zonage disparaitra. Mais actuellement c’est trop tôt. On peut analyser l’échec du zonage mais sans le supprimer.
Avez-vous le sentiment que notre société éclate ?
On dit cela depuis si longtemps. Evidemment les inégalités arrangent certains. Les écoles des zep impliquent qu’il y ait des lycées d’excellence. Les inégalités ont franchi un certain seuil qui met la cohésion sociale en danger. Et elles sont mieux connues. Il ya une prise de conscience croissante. On ne croit plus que l’enrichissement général profite à tous par exemple.
En France on a peu d’étudiants qui fassent des études longues, peu de docteurs. Pensez vous que les objectifs des 80% au bac et 50% d’une génération dans le supérieur soient de bons indicateurs ?
Qu’est ce que ça peut faire d’avoir peu de docteurs ? Le vrai critère ce n’est pas le diplôme mais c’est de savoir si effectivement ils s’insèrent. L’Allemagne par exemple a moins d’étudiants et ça n’a pas l’air de la déranger. On pensait se réserver les emplois très qualifiés et délocaliser les moins qualifiés. Mais les Indiens font aussi bien que nous. Il faut maintenant penser en terme d’emplois non délocalisables. Et former les jeunes à l’orientation. On ne doit pas accepter que ce soient seulement les jeunes en échec scolaire qui fassent l’objet d’une véritable orientation. Il faut arrêter de sélectionner précocement les mauvais élèves pour une orientation précoce.
La loi d’orientation repose la question de la décentralisation. L’éducation doit elle être nationale ou pilotée localement ?
Il me semble important d’avoir des standards nationaux et des évaluations nationales. Mais il y a des choses qui peuvent être décentralisées. L’échec précoce, par exemple, c’est une politique qui peut se traiter au niveau local.
Propos recueillis par François Jarraud