Le Café pédagogique s’est procuré le texte du « projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République » ainsi que son « exposé des motifs ». Issu d’un long processus qui a démarré avant l’élection et a continué après à travers l’épisode de la concertation, le projet de loi reste un texte d’ampleur relativement modeste. Pour refonder l’Ecole il faudra d’autres textes (décrets, circulaires) qui animeront encore les débats durant plus d’un an.
Dégonflage
Le dossier législatif de la loi d’orientation et de programmation comprend au total 63 pages réparties entre un exposé des motifs, le texte de loi et une annexe déclarative. Sur ces 63 pages seulement 23 ont une valeur législative contraignante, quand le document aura été adopté. L’exposé des motifs est plutôt une explication des articles de la loi. Quant à l’annexe, elle présente les grandes orientations de la politique gouvernementales, y compris sur des points qui sont absents de la loi, comme l’avenir du lycée, mais elle n’a aucune valeur législative. Il y a par conséquent un « dégonflage » des ambitions en passant de 63 à 23 pages. La loi d’orientation de 2005 comprenait 89 articles contre 53 dans celle de 2012.
La loi s’intéresse finalement à la formation des enseignants, au socle commun, à l’organisation des enseignements, au primaire, au numérique, à l’orientation, à la décentralisation et à la morale laïque. C’est dire que sur bien des points l’essentiel du changement sera inclus dans des textes non législatifs. C’est el cas par exemple de la réforme des rythmes scolaires.
Les Espe et la formation des enseignants
Vincent Peillon veut faire de la formation des enseignants le fondement de la refondation. C’est un des points pour lesquels la loi fixe la calendrier (rentrée 2013) et entre dans les détails. La loi consacre aux ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) 5 articles et presque autant de pages. Les IUFM sont supprimés par la loi. Les Espe » organisent… la formation initiale des futurs enseignants et des personnels d’éducation et participent à leur formation continue ». Celle-ci » inclut nécessairement des enseignements théoriques, des enseignements pratiques et un ou plusieurs stages », ce qui est une façon de reconnaitre la formation professionnelle des enseignants. Enfin les Espe accueillent aussi bien les futurs enseignants de l’enseignement scolaire que ceux du supérieurs ou des professionnels de l’éducation. C’est un autre point qui démarque le projet Peillon. La loi définit les missions et le fonctionnement des Espé. Mais l’essentiel de la formation se trouvera dans un cahier des charges qui reste à établir. Dans l’annexe, le ministère prévoit de doter les espé d’un millier de postes de formateurs. La loi précise qu’il y a une formation continue mais ne dit rien d’autre à ce sujet.
Les nouveaux conseils
La loi institue le Conseil national des programmes et le conseil de l’évaluation de l’Ecole. Tous deux sont composés de parlementaires et d’experts nommés par le ministre. Indépendants, ces conseils devraient remplacer le HCE. Les deux conseils correspondent à un souci de transparence porté par Peillon. On saura dorénavant qui fait les programmes scolaires par exemple.
Le socle commun et les cycles
Objet d’une confrontation régulière lors de la concertation, le socle commun fait son chemin dans la loi mais reste dans le flou. La loi précise que » la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribuent l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité » mais aussi que « Les éléments de ce socle commun sont fixés par décret. » C’est aussi par décret que seront définis les cycles étant acté le fait que la maternelle constitue un cycle et qu’il doit y avoir un cycle cm2 6ème pour favoriser la dialogue école collège. » Il est institué un conseil école-collège qui propose au conseil d’administration du collège et aux conseils des écoles des actions de coopération et d’échange. Le conseil école-collège peut notamment proposer que certains enseignements ou projets pédagogiques soient communs à des élèves du collège et des écoles. La composition et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret ».
Le numérique exceptionnellement présent
Le numérique occupe une large place dans le projet de loi. » Un service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance est organisé » afin notamment de » proposer aux enseignants des ressources pédagogiques pour leur enseignement ». La loi hésite un peu sur ce qu’est l’éducation numérique. Elle » s’insère dans les programmes d’enseignement et peut également faire l’objet d’enseignements spécifiques ». La loi règle deux problèmes sérieux. Le premier c’est l’exception pédagogique qui fait l’éffet de l’article12. Le second c’est la maintenance du matériel qui est donnée par la loi aux départements et aux régions. La formation des enseignants au numérique se fait dans les Espe (art 42).
La décentralisation en marche
Certains textes n’attendent pas la loi sur la décentralisation, qui devrait les regrouper, et sont inscrits dans la loi d’orientation. C’est le cas de l’ouverture des EPLE au public par la collectivité locale. Ou encore de l’augmentation du nombre de représentants des collectivités territoriales dans les EPLE (art 37). La loi met en place les conventions tripartites , EPLE, Etat, collectivité territoriale.
Primaire
Le primaire est bien affirmé comme la priorité de la loi. Les cycles sont appelés à être précisés par décrets. La maternelle est redéfinie ainsi : » La formation dispensée dans les classes et les écoles maternelles favorise l’éveil de la personnalité des enfants, conforte et stimule leur développement affectif, sensoriel, moteur, cognitif et social. Elle les initie et les exerce à l’usage des différents moyens d’expression. Elle prépare progressivement les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l’école élémentaire ».
L’école élémentaire est elle aussi décrite dans un sens qui va au -delà du fondamental. « Cette formation assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale et écrite, lecture, calcul, résolution de problèmes ; elle suscite le développement de l’intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle dispense les éléments d’une culture scientifique et technique. Elle offre une éducation aux arts plastiques et musicaux Elle assure l’enseignement d’une langue vivante étrangère. Elle contribue également à la compréhension et à un usage autonome et responsable des médias ». Les rythmes scolaires sont traités en dehors de la loi.
Second degré
La loi dit peu de choses sur le second degré. Les dispositifs de sélection précoce, comme le DIMA, sont supprimés. L’apprentissage comme la professionnalisation ne peuvent intervenir avant 15 ans. Le lycée est à peine mentionné.
Le détail des postes dans l’annexe
N’ayant pas valeur légale, l’annexe regroupe des éléments de programme qui mettent en perspective les points précis du projet de loi. Elle abrite aussi des précisions. Ainsi l’annexe détaille les créations de postes projetées par le gouvernement. Sur les 60 000 fonctionnaires que l’Etat veut embaucher en plus des départs en retraite, 1000 devraient aller à l’enseignement agricole et 5000 à l’enseignement supérieur. Restent 24 000 postes pour l’enseignement scolaire. 21 000 postes devarient aller en établissement dont 14 000 pour le primaire et 7 000 pour le secondaire. Sur les 14 000, 3000 postes alimenteront la maternelle, 4000 les écoles élémentaires et 7 000 pour le « plus de maitres que de classe ». La réforme de la formation devrait passer avec 26 000 postes créés, ceux des stagiaires.
Et les enseignants ?
L’annexe décrit aussi le devenir des collèges et lycées durant le quinquennat. Elle fixe des objectifs de qualité à atteindre. Par exemple » réduire à moins de 10% l’écart de maîtrise des compétences en fin de CM2 entre les élèves de l’éducation prioritaire et les élèves hors éducation prioritaire ». Mais ce qui frappe c’est la place particulière des enseignants. Objets de la nouvelle formation, du nouveau management des EPLE, des nouvelles organisations, la loi a omis d’aborder la question de la revalorisation des enseignants ou de l’évolution du métier.
François Jarraud