Pour réconcilier de jeunes ados avec l’école, Monique Argoualc’h a trouvé un remède imparable : faire dialoguer les générations autour des usages des nouvelles technologies pour construire un lexique universel.
Monique anime une classe relais à Brest. Elle accueille par demi journées des collégiens repérés comme en grande difficulté dans l’institution et présentant des problèmes de comportement. 10 à 15 élèves de 6e, 5e et 4e sont inscrits dans sa classe où ils viennent par groupe de 4 à 5. Dans le Finistère, le choix a été fait de ne pas les retirer du collège complètement mais de miser sur un changement progressif pour augmenter les chances d’insertion. Ces élèves ont souvent une image dégradée d’eux-mêmes, ils se considèrent comme des nuls. « Ils ne sont pas capables de construire, donc ils détruisent » analyse Monique. C’est pourquoi, le travail sur l’estime de soi est primordial.
A l’occasion d’une rencontre avec un directeur de maison de retraite, son envie de développer un projet intergénérationnel commence à prendre une forme concrète en partant du constat que les jeunes et les « vieux » n’ont pas d’endroit pour se rencontrer dans la vie. Le lieu sera la maison de retraite et l’objet des ateliers Internet, outil que maîtrisent les jeunes. Le projet bénéficie d’un contexte favorable, celui de la ville de Brest qui lance fréquemment des appels à projets pour contribuer à la réduction de la fracture numérique. Retenu, et donc bénéficiant d’un financement, il peut s’appuyer sur l’association Infiini en tant qu’intervenants extérieurs.
Intergénér@tions est dans sa sixième année. 70 élèves ont déjà participé à l’animation des ateliers d’une heure dont bénéficient une à deux fois par semaine des groupes de quinze personnes âgées dépendantes. Un club de retraités a aussi demandé à se joindre à eux, et désormais ce sont trois publics qui se côtoient : les jeunes, les personnes âgées et les retraités. Avant de devenir animateurs, les élèves suivent une formation en deux étapes proposée par l’association Infini. Dans un premier temps, ils revisitent Internet pour acquérir les bases nécessaires afin d’expliquer le fonctionnement et les usages. Ensuite, ils reçoivent une formation de formateurs pour maîtriser les bases de la pédagogie adaptées au public des personnes âgées, et à leurs possibles difficultés d’apprentissage ou de maniement de la souris liées à la surdité ou à des problèmes moteur par exemple. Pendant les séances, Monique et une animatrice de la résidence sont présentes pour suppléer les élèves en cas de problèmes. Mais ce sont les jeunes qui animent, expliquent, jouent le rôle du formateur.
Les premières trente minutes de la séance sont consacrées à des activités d’apprentissage : correspondre avec le courrier électronique, découvrir des sites, allumer et éteindre l’ordinateur, etc. Les élèves ont rédigé un certain nombre de fiches techniques pour outiller les séances. Ensuite, jeunes et personnes âgées écrivent ensemble, en prenant soin de traduire leurs propos dans les deux langues pratiquées : le français normalisé des personnes âgées et le français « Sms » des jeunes. Car, ce sont de véritables échanges culturels qui se développent ente les deux générations, dont les langages et les références sont à priori éloignés. Une dame ancienne sténo dactylo retrouve dans le langage Sms des similitudes avec sa pratique professionnelle passée. Un monsieur demande à un jeune de l’aider à trouver les termes justes pour répondre à son petit fils dans un courrier électronique. Le travail de traduction se prolonge en classe et donne lieu à d’autres apprentissages.
Les échanges interrgénérationnels sont riches de qualités relationnelles. Ils ne se limitent pas aux temps des ateliers et se poursuivent par des envois de mail. Les personnes âgées s’approprient Internet même si pour eux « sans les ados, c’est moins intéressant ». Ils considèrent les jeunes comme de véritables formateurs, allant même jusqu’à les vouvoyer, une marque de respect qui va droit au cœur d’élèves ayant perdu toute estime de soi. Tout le monde est ravi et le bouche à oreille fonctionne jusque dans les collèges fréquentés par les jeunes. Un reportage vidéo a été réalisé sur leur expérience. Le réalisateur, également auteur compositeur a même écrit une chanson.
Monique Royer