Trente ans après la publication de la dernière circulaire des missions des CPE, 250 personnes sont venues le 27 novembre à l’appel de Snes pour évoquer l’avenir du métier.
Régis Rémy, du secteur CPE du Snes insiste sur le fait que l’institution a perdu le sens du métier, c’est la raison pour laquelle le syndicat a souhaité et pris le risque d’une enquête indépendante conduite par le CEREQ et publiée en 2007.
Une matinée d’étude qui met en évidence l’évolution du métier. Il émerge dans les années 1970 alors qu’on remet en cause « le surveillant général », évolution qui se poursuit avec la massification, le développement de la crise économique mais aussi de la violence.
Diversité des pratiques, en fonction du lieu, de la nature de l’établissement (collège/ lycée, collège banal/ collège sensible…), mais aussi du type de pilotage du chef d’établissement.
Pierre Roche sociologue du travail (CEREQ) parle d’un métier à trois temps :
• Un temps d’assignation, par l’autre, à être un administratif, un surveillant, un pompier…L’autre qui se décharge de ce qu’il ne peut ou ne veut pas faire, qui dicte sa loi, sa temporalité.
• Un temps du refus : des figures imposées par les autres, des tâches qui ne sont pas dans les missions
• Un temps de la construction : savoir se définir des priorités, prendre le parti de la proximité.
La complexité de la fonction et les regards très contrastés sont évoqués par Véronique Barhélémy, maître de conférences à l’université de Lorraine qui parle d’un métier en tension. Elle évoque plusieurs études dont celle de JP Obin qui situe l’éthique professionnelle autour de quatre figures : amicale et bienveillante(le grand frère), juge de paix ou médiateur, représentant de la loi, éducateur.
Dominique Glasman, professeur de sociologie à l’université de Savoie, apporte un éclairage sur la notion de cadre et de construction de soi par le biais d’une étude sur les internats d’excellence. Dans l’espace domestique le travail scolaire est soumis à un certain nombre d’adversités (des possibilités d’esquive, à cause des enjeux de la discorde entre parents et enfants, peu d’aides disponibles). L’internat apparaît pour les parents soucieux de la réussite de leurs enfants, mais aussi pour les élèves comme un cadre possible et nécessaire, avec un découpage des espaces, chacun affecté à une fonction, des temps ; avec des permissions et des interdits et des personnes chargées de tenir le cadre.
En effet, on peut travailler à l’abri des adversités, le rythme quotidien (on mange, on dort, on travaille à l’heure) rend plus serein, il assure la protection (manque de sécurité dans certains établissements de quartiers difficiles), et exerce une fonction de contrôle.
Certains élèves acceptent le cadre : il leur permet de prendre de la distance par rapport à la famille, de se confronter à des tiers. Ils y sont bien ce qui ne les empêche pas de transgresser. D’autres refusent parce qu’ils ressentent trop de contraintes, perdent le cercle de sociabilité.
Une après midi clairement revendicative. Malgré quelques avancées en termes de postes, Daniel Robin (co secrétaire du SNES FSU), pointe les désaccords avec le Ministère :
• Sur l’école du socle, remake de l’école fondamentale, qui veut primariser le collège alors que le primaire est en échec avec ses 15 à 20% d’élèves en grande difficulté à l’entrée en 6è
• Sur l’orientation
• Et sur le pilotage de la carte de la formation professionnelle
Le SNES ne veut pas, sur ces deux derniers points, que les collectivités territoriales, guidées par des considérations économiques soient pilotes.
Daniel Robin constate qu’il n’y a aucune perspective d’amélioration du point d’indice qui n’a pas bougé depuis deux ans, que la situation du point de vue des rémunérations est encore plus dégradée pour les CPE.
• Les conditions de travail se sont dégradées : augmentation des effectifs d’élèves, du nombre de réunions, alors que les CPE n’ont aucune perspective d’accéder à la hors classe et qu’il n’existe pas d’agrégation. Depuis 5 ans le poids des chefs d’établissement s’est accru.
• Les missions énoncées dans la circulaire de 1982 prêtent parfois à interprétation, il faut réaffirmer la dimension éducative de la fonction de CPE, sans dimension de management et de travail administratif : une circulaire n’a pas le poids d’un texte règlementaire à vertu statutaire.
• D’autres problèmes sont soulevés : les agents de prévention et de sécurité, recrutement inacceptable. Les CPE doivent pouvoir assurer éducation et ordre en même temps, il faut donc recruter.
Les CPE sont une originalité européenne, indispensables au système éducatif, leurs missions doivent être stabilisées, leurs difficultés prises en compte et leur évolution de carrière et leurs conditions de travail améliorées.
Comment ?
• 30 points de NBI quand l’établissement a plus de 250 élèves
• Garder l’esprit de la loi de 1982 : le CPE se centre sur la vie scolaire, développe les liens avec les familles, assure un vrai suivi des élèves, il n’est ni un manageur , ni le chef de service d’ une équipe précarisée.
• Une Inspection qui lui est propre et peut servir de promotion pour les CPE
• Une agrégation ou un équivalent indiciaire
• Le développement de la formation continue et du recrutement
• Un travail d’équipe et un temps dédié
Une lettre en ce sens sera adressée à Vincent Peillon.
Liliane Chalon