Par Jeanne-Claire Fumet
Thématique sensible aux adolescents, l’amitié forme un aspect complexe des relations humaines. Est-elle, comme on le voudrait, toujours désintéressée et désexualisée, étrangère aux passions et aux enjeux narcissiques ? Dans ce nouvel opus de la Petite philosophie des Grandes Idées, Cyrille Bégorre-Bret soumet cet affect idéal à l’épreuve de 10 grands penseurs de toutes les époques, et nous montre que la question de sa complexité et de son ambiguïté est loin d’être oiseuse. Les enjeux philosophiques de l’amitié ne touchent pas qu’au domaine personnel des relations entre proches : sa conception et la place qu’on lui accorde ont de profondes répercussions sur la pensée éthique et politique.
Transcendant le réel pour se tourner vers l’idéal du Bien chez Platon, elle est pour Aristote le modèle d’une vie sage, tandis qu’Épicure y voit un élément nécessaire au bonheur sensible. Singulière et inexplicable pour Montaigne, elle apparaît chez Pascal comme un reflet fragile de l’amour divin ; Kant y voit le seul idéal moral qui ne soit pas irréalisable en ce monde, tandis que Nietzsche y décèle la plus risquée des ambigüités électives. Avec Beauvoir, se dessine un retournement dialectique de l’ambivalence : éclairée, assumée, elle devient une voie de libération et une ouverture vers la fraternité ; Foucault mettra en avant la convivialité d’un partage sensuel sans exclusive, tandis que Debray, enfin, la dévaluera au profit d’une fraternité politique de valeur universelle.
Un parcours inattendu, dont les étapes successives peuvent alimenter de nombreuses questions sur les notions au programme, abordées sous un jour original.
L’amitié, De Platon à Debray, par Cyrille Begorre-Bret.
Préface d’André Comte-Sponville.
Editions Eyrolles – Collection Petite Philosophie des Grandes Idées.
Sept. 2012 – 210 pages 13,90€.
http://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/l-amitie-9782212552898
Sur le site du Café
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