Un livre numérique pour s’ouvrir aux littératures africaines
On regrette parfois que les programmes de français soient trop exclusivement et idéologiquement attachés à défendre une littérature de patrimoine : le « Panorama des littératures francophones d’Afrique », proposé par l’Institut de France et téléchargeable gratuitement en ligne, est de ce point de vue susceptible d’ouvrir de nouveaux horizons. Du Maghreb à l’Afrique du Sud et du Sénégal à Djibouti, de la poésie au polar, de Léopold Sédar Senghor aux contemporains, l’ouvrage donne à explorer et à mieux comprendre la littérature écrite en français sur le continent africain depuis les années 1930. Le livre de Bernard Magnier offre de multiples entrées pour mieux découvrir une littérature souvent méconnue : entrées par thèmes – la révolte contre le pouvoir colonial, les enfants-soldats, l’émigration, la famille, les villes, le retour au pays, etc. – par ouvrages ou encore par auteurs. On pourra découvrir alors combien la littérature africaine est singulière et multiple, combien les auteurs savent aussi se détourner de bien des sentiers battus : « Désormais, l’Afrique et l’Europe ne sont plus leurs seuls lieux romanesques d’inspiration, et ils invitent volontiers leurs personnages à effectuer des voyages plus lointains. Ils les entraînent vers les Amériques, du Nord et du Sud, vers la Scandinavie, vers d’autres mondes. »
Bernard Magnier, journaliste, auteur, directeur de la collection « Lettres africaines » aux Editions Actes Sud, nous explique ses choix.
Pourquoi un tel ouvrage ? A qui est-il destiné ?
C’est un outil de découverte réalisé à la demande l’Institut français. Une invitation à la lecture, un travail destiné en priorité aux enseignants, bibliothécaires, documentalistes mais aussi à tous les lecteurs qui voudront bien s’intéresser à ces littératures.
Comment avez-vous choisi les écrivains et les œuvres présentées ?
Selon plusieurs critères. Evidemment, en premier lieu, la qualité de l’œuvre ; ensuite des critères qui relèvent de l’ambition « panoramique » du projet (représentativité géographique de l’ensemble du continent, mélange des générations, nécessité d’un choix plus rigoureux pour les écrivains ayant une œuvre très abondante), enfin des critères plus subjectifs qui m’ont fait préférer telle œuvre à une autre. Le souhait que ce travail soit un outil pratique m’a également guidé vers des titres accessibles (le plus souvent en format – et à un prix- de poche) et vers le roman plus que vers les autres genres littéraires. Enfin les limites inhérentes à un tel travail…
Comment l’anthologie est-elle organisée ? Pourquoi ?
Le classement alphabétique est pratique mais sans signification. Le classement par pays sans intérêt (nous ne sommes pas aux jeux olympiques). La seule chronologie a ses limites : un écrivain peut en 2011 situer son roman durant la période coloniale… J’ai donc préféré choisir le classement thématique. Une gageure et un joli puzzle à recomposer pour faire entrer 250 titres dans 7 thématiques et 25 sous-thématiques, mais il me semble que ce classement permet de donner des entrées différentes, des pistes de lecture, de suggérer des rapprochements inédits et significatifs et donc, offrir une meilleure approche de ces littératures.
L’ouvrage est disponible sur internet en version pdf : quels intérêts présente ce choix d’une publication numérique ?
L’accessibilité immédiate et gratuite, à peu près partout dans le monde.
Le mot « Littératures » est au pluriel dans le titre de l’ouvrage : est-ce à dire que les pratiques d’écriture sont plus diverses qu’on le pense peut-être en Europe ?
Le pluriel s’impose. C’est d’un continent dont il s’agit. Les géographies sont différentes (peut-on écrire de la même façon aux portes du désert, dans forêt équatoriale et sur le bord de l’océan ?), les Histoires passées et contemporaines sont différentes, les régimes politiques ne sont pas les mêmes, hier et aujourd’hui ; les religions sont différentes, la faune et la flore également et, de plus, bien souvent, les écrivains vivent au quotidien dans d’autres langues que le français… Les littératures sont donc différentes !
De plus, contrairement aux usages trop bien établis, il s’agit ici d’un panorama couvrant l’ensemble du continent. Maghreb et Afrique sub-saharienne sont présents ensemble dans une même approche et cela donne lieu à des juxtapositions intéressantes.
Je dois ajouter que le pluriel serait également de rigueur si je devais parler des littératures européennes, des littératures asiatiques ou américaines.
Vous écrivez à propos des auteurs africains apparus dans les années 30 : « Les écrivains africains ne voulaient plus être les sujets d’observation d’un regard extérieur, fût-il bienveillant ; ils ne voulaient plus être photographiés mais se saisir de l’appareil, prendre eux-mêmes la photo et dire : « Voilà comment nous sommes ! » En quoi la lecture des œuvres évoquées dans votre panorama est-elle susceptible de changer le regard des Européens sur les Africains, voire sur eux-mêmes ?
Au même titre qu’un livre peut, ou non, changer un regard. Avec cette particularité ici que ce continent a plus souvent été vu, lu, entendu dans la voix et le regard de l’Autre.
Le renversement était donc un bouleversement majeur… et nécessaire.
De plus, il me semble que lorsque notre « lorgnette » européenne aura compris que dans la création artistique le continent africain recèle également des écrivains (et pas seulement des musiciens, danseurs ou sculpteurs), nous aurons fait un grand pas dans la (re)connaissance de ce continent.
Les écrivains évoqués habitent la langue française : est-ce qu’ils la font elle aussi, littérairement, bouger ?
Je ne suis pas sûr que les écrivains « habitent » la langue française ni que tous adopteraient cette formule. Pour certains, je le répète, ils vivent dans un quotidien qui n’est pas exprimé en français. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’ils modèlent la langue d’écriture à la mesure de leurs talents. Ils se l’approprient. Ils l’enrichissent de leurs audaces. Certains choisissent de la reprendre dans une forme très classique, quelques-uns la bousculent, « la violent et lui font des petits batards », d’autres la mâtinent avec d’autres langues (arabe, berbère, peul, bambara, ouolof, lingala, lari, malinké, etc). Il suffit pour s’en convaincre de lire Amadou Hampâté Bâ, Ahmadou Kourouma, Kateb Yacine, Sony Labou Tansi, parmi d’autres.
Le livre à télécharger :
http://www.institutfrancais.com/fr/invitation-%C3%A0-la-d%C3%A9couverte-des-litt%C3%A9ratures-africaines
Recherches – Les discours en classe de français
La revue « Recherches », née dans l’académie de Lille, tente de réfléchir sur les pratiques d’enseignement du français, de diffuser les innovations pédagogiques et les recherches scientifiques. Elle consacre son nouveau numéro à la question des « discours en classe de français » : une notion qui étrangement a disparu des programmes les plus récents alors que les chercheurs continuent à s’y intéresser, en affinant leur approche de la question, et que les enseignants dans les classes utilisent toujours ces classifications souvent utiles.
Au sommaire de ce riche dossier : des analyses sur les oscillations terminologiques, sur la scolarisation de l’argumentation et des images au collège, sur l’évolution des sujets d’écriture d’invention au bac de français, les genres de discours dans les albums documentaires en primaire, le genre scolaire de la dissertation, les émotions dans le discours argumentatif
Au programme aussi de la publication : des propositions au collège comme au lycée, qui interrogent les effets des contextes d’usage sur les écrits lus ou produits, autour du discours publicitaire, des genres du portrait, de la narration de recherches en maths et en français et des discours attendus à l’oral du bac.
Sur le net :
http://www.recherches.lautre.net/index.html
Pratiques – Les littéracies universitaires
La revue « Pratiques », dirigée par Caroline Masseron et André Petijean, consacre son dernier numéro, coordonné par Isabelle Delcambre et Dominique Lahanier-Reuter, à la littéracie (la culture de l’écrit, en réception et production) dans le champ universitaire. Parmi les questions abordées : quelle pratiques d’écriture sont aujourd’hui développées à l’université, du côté des enseignants comme des étudiants (écriture scientifique, accompagnement de l’écriture, cours magistral, expériences numériques comme par exemple la construction d’écrits en hypertexte…) ? quel rôle l’écriture joue-t-elle ou peut-elle jouer dans les formations professionnelles (en particulier d’enseignants) ? Le numéro se veut un espace de confrontation entre des approches diverses dans leurs origines (américaine, britannique et française) et leurs méthodologies (ethnographique, linguistique, didactique, rhétorique).
Sur le net :
http://www.pratiques-cresef.fr/