Sylvie Cadinot-Romerio, professeure de français au lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois, a conçu et animé des ateliers d’écriture hebdomadaires qui ont donné naissance à un roman collectif, qui vient d’être publié : « Ce jour-là » raconte ainsi 24 heures dans la ville de Clichy à travers la voix de personnages variés. Par delà son bel aboutissement, le projet s’avère passionnant par ses modalités. Des élèves de toute origine (générale, technologique, professionnelle) se sont prêtés à un travail de longue haleine, à l’heureux exercice de la langue et de la créativité ; une équipe éducative et un romancier en résidence, Tanguy Viel, ont collaboré activement pour aller jusqu’au bout de ce voyage pédagogique et littéraire. L’expérience est aussi remarquable par ses enjeux. L’atelier d’écriture devient ici non seulement fabrique d’un roman, mais entreprise d’auctorisation : chacun s’y élève à la dignité d’auteur en s’emparant du langage, de formes littéraires et même de l’objet-livre ; tous acquièrent des droits et libertés, notamment la possibilité de mieux appréhender le réel, de se réapproprier une image de soi, de reconquérir un peu de son destin. Pour les lycéens de Clichy, il s’agit bien en effet de ne plus être objet du discours de l’autre (une doxa médiatique, qui enferme dans les stéréotypes du « jeune des banlieues ») et de devenir sujet de sa propre parole (une écriture littéraire, qui ouvre à une expérience, sensible et émancipatrice, des mots et du monde). A travers le projet d’écriture « Ce jour-là », les « cités », redevenues singulières, nous font alors vivre et partager une belle aventure : celle de la Cité.
Pourquoi vous êtes-vous lancée dans un tel projet ?
L’idée a résulté d’un long travail intérieur où se mêlaient confusément des constats, des réflexions, des lectures, qui se sont progressivement articulés et ont fait apparaître clairement l’urgence d’un geste à faire – si je peux reprendre ce terme au dernier ouvrage d’Yves Citton, Renverser l’insoutenable[1].
J’avais depuis longtemps le sentiment qu’à Clichy-sous-Bois, plus qu’ailleurs, on était « empêtré »[2] dans des discours qui, au lieu de rendre intelligible la réalité qui y était vécue, en brouillaient l’appréhension et donc empêchaient d’y trouver des issues.
Ces discours proviennent autant de l’extérieur que de l’intérieur de la ville. A l’extérieur, par méconnaissance, et par ce besoin que l’on a de réduire la complexité à des idées simples, à des étiquettes, on s’en tient aux images frappantes qui ont été largement diffusées en 2005 et qui ont fortement imprégné les consciences : les jeunes clichois sont des émeutiers, des incendiaires, qui ne veulent que détruire. Mais à l’intérieur aussi, les discours sont sommaires, ou bien parce qu’ils relèvent du contre-discours, ou bien parce qu’ils se constituent en récits mythifiants. En effet, les clichés sont souvent simplement retournés en contre-clichés qui nient toute violence, et même tout désœuvrement : pas de casseurs, pas de jeunes « qui tiennent les murs », seulement des jeunes méritants qui veulent réussir. Est ainsi occulté ce qui menace toujours et entrave les efforts, la désespérance : ne plus réussir à y croire, à croire possible une intégration, l’accession à une place dans le monde social. A cela s’ajoutent les histoires qui circulent entre les jeunes et qui racontent des histoires de guerre, avec la police, entre bandes ennemies : ces récits enrôlent, conditionnent les comportements ; Yves Citton parle de scénarisation dans Mythocratie, storytelling et imaginaire de gauche[3].
Le problème s’est ainsi peu à peu précisé dans sa double dimension symbolique et politique : il fallait faire en sorte que les élèves ne soient plus seulement des objets de discours (simplificateurs) ou des personnages d’histoires (stéréotypées) qui les aliènent, mais qu’ils deviennent des sujets capables d’élaborer leur propre parole, une parole qui puisse dire la complexité de leur réel, voire son incompréhensibilité, et une parole qui soit libre, qui n’ait pas à rendre compte, à rendre des comptes. C’est alors que l’idée d’un roman s’est faite jour dans son évidence : le roman est la forme qui peut, comme le dit Paul Ricoeur[4], « prendre ensemble » le divers dans sa complexité, par « concordance-discordance », surtout le roman postmoderne, qui s’autorise l’ouverture, la discontinuité, la polyphonie, l’ambivalence…, qui n’est pas tenu de construire un monde cohérent et unitaire. De plus le roman, en fictionnant le réel, permet un rapport plus libre avec lui. L’invention d’un personnage déjoue l’étiquetage de soi ; il autorise ce qu’écrit Michel Foucault dans l’introduction à L’archéologie du savoir[5] : « Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état-civil ; elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libres quand il s’agit d’écrire. »
Enfin le roman, parce qu’il est une forme travaillée, qui peut tenir un peu, résister quelque temps au flux des paroles, peut aussi être retenu par des lecteurs. En tant qu’objet esthétique, il permet un geste politique : les élèves l’adresseraient à des lecteurs, les invitant à entendre leurs voix fictionnelles, à s’identifier à leurs personnages fictifs, à passer sans cesse d’un point de vue à l’autre sans s’arrêter à une seule vision … Par sa capacité à impliquer émotionnellement le lecteur et à le faire collaborer à la construction de son univers fictionnel, le roman a la possibilité d’aménager ce que Jacques Rancière appelle une scène d’interlocution : les « sans part » accèdent ainsi à une part du sensible, à la place de sujets parlants à égalité[6] – une place certes symbolique, mais la littérature ne peut se substituer à la politique.
Cependant, ce projet ne pouvait être réalisé sans la collaboration d’un romancier : j’ai pensé à Tanguy Viel parce que sa poétique romanesque, me semble-t-il, configure de tels gestes. En effet, ses romans racontent l’empêtrement du personnage (qui deviendra le narrateur) dans les mots des autres : ils mettent sa vie en intrigue, l’obligent à être le personnage secondaire de l’histoire qu’ils se racontent (celle du quartette de Coltrane dans Le Black note, celle du film de Mankiewicz dans Cinéma, celle de Marin, de Lise, d’Edouard, de Kermeur, de la mère, dans L’absolue perfection du crime, Insoutenable et Paris-Brest). Mais ses romans racontent aussi comment ce personnage sort brusquement de sa passivité : d’abord il passe à l’acte et ajoute ainsi à la fiction imposée un épisode imprévu ; puis il se met à raconter sa propre version de l’histoire qu’on lui a fait jouer, qui est celle qu’on lit : les je narrés deviennent donc en devenant des je narrant. Or c’est ce qu’il me semblait urgent de permettre aux élèves.
Comment ces ateliers d’écriture se sont-ils organisés tout au long de l’année ?
Les ateliers d’écriture se sont tenus tous les lundis pendant un semestre sur temps scolaire, dans le cadre des accompagnements personnalisés (que le proviseur-adjoint avait organisés de telle manière que les élèves de seconde et de première aient le choix entre différentes propositions dont l’écriture) et hors temps scolaire, le soir, pour permettre aux élèves de terminale (qui ne bénéficiaient pas encore d’accompagnement personnalisé) et aux élèves du lycée professionnel d’y participer. La fréquentation des ateliers était donc libre et a été choisie par une soixante d’élèves.
La présentation du projet en termes littéraires n’a pas suffi à tous les élèves qui y ont finalement adhéré. Certains n’ont pas été séduits par la perspective d’inventer, d’écrire un roman avec un écrivain, de le publier.
Les élèves en zone sensible restent souvent, malgré tous les efforts des professeurs, indifférents à la littérature, domaine lointain sinon obscur qu’ils n’ont pas envie d’explorer. Ce rapport d’étrangeté a un effet paradoxal : il nous pousse non pas à simplifier mais en quelque sorte à approfondir notre idée de la littérature, à en dégager la nécessité existentielle, à pratiquer à ce que Hans Gadamer appelle une application[7] : qu’est-ce qui, dans l’œuvre, nous interroge encore et nous permet de nous penser ?
J’ai procédé ainsi pour présenter le projet à ceux que n’intéressaient ni la dimension ludique, ni la dimension esthétique du projet ; j’en ai souligné la dimension performative : substituer aux fausses images, des images authentiques qui, cependant, ne mettent pas à nu mais abritent. C’est en cours d’élaboration qu’ils ont compris l’intérêt du jeu fictionnel et de la création d’un objet esthétique
Les élèves étaient-ils guidés durant les phases d’écriture ? Quels ont été les rôles respectifs des différentes personnes investies dans l’aventure ?
La phase d’invention a été la plus facile à accomplir ; la plus difficile a été bien sûr celle de la rédaction, et notamment l’opération d’amplification.
Les élèves en groupe devaient inventer une histoire qui se déroulerait le même jour à Clichy-sous-bois. Chaque élève du groupe devait ensuite choisir un des personnages de l’histoire (qui pouvait être un simple témoin) et créer sa voix narrative en situant dans le temps l’acte de narration (de sa distance temporelle dépendrait sa tonalité).
Tanguy Viel ne leur a imposé que le temps verbal qui correspond à sa propre esthétique narrative: le passé composé, parce qu’il permet précisément de composer avec le passé ; à la différence du passé simple qui recule les événements dans le lointain et en dépossède, le passé composé les relie au présent mais les y désactive, si je puis dire, puisqu’il les déclare achevés ; c’est donc le temps du détachement et du ressaisissement.
Le plus difficile a été le passage à la narration, le dépassement du sommaire, l’invention des détails, la création de monde. Tanguy Viel leur donnait chaque lundi de nouvelles consignes pour donner aux personnages, de l’épaisseur, aux histoires, de l’amplitude et du concret.
Mon rôle était d’expliciter les déclencheurs d’écriture qu’il proposait, de donner aux élèves des outils narratologiques, de guider leur rédaction. Le soir, Stéphanie Perrin, une professeure de lettres-histoire, accompagnait les élèves du lycée professionnel. Comme ces élèves n’ont pas le goût de l’exercice pour l’exercice, ils ont souvent plus de mal à se lancer et demandent plusieurs reformulations. Ils ne se mettent à écrire que quand ils se sont bien approprié les consignes, et justement, parce qu’ils ont pris le temps d’y parvenir, ce qu’ils écrivent est tout à fait remarquable.
Pour finaliser le livre, vous avez organisé un voyage d’une semaine en Normandie, au bord d’une plage du Débarquement : ce dépaysement vous semblait-il nécessaire ? en quoi a consisté précisément le travail durant cette phase ?
Le stage d’écriture en Normandie a concerné une vingtaine d’élèves volontaires pour procéder au « montage » des différentes fictions inventées.
Le semestre de création fictionnelle achevé, Tanguy Viel a travaillé à la composition de la forme romanesque, polyphonique et discontinue ; il a dû faire un choix entre les histoires, entre les textes (nous avions prévenu les élèves qu’on ne pourrait pas tout garder pour la publication, qu’on devrait notamment renoncer aux histoires trop fragmentaires, que l’écriture littéraire exige souvent l’abandon de pages, mais que les textes qui ne seraient pas publiés seraient évoqués dans la préface). Il a aussi repris les textes pour les arranger au sens musical du terme, aligner leurs portées, les rendre harmoniques.
Nous avons ensuite consacré une semaine en Normandie à imaginer des croisements entre les histoires, voire de simples frictions, un personnage de l’une pouvant n’être dans l’autre qu’une silhouette évanouissante.
J’ai choisi un lieu en Normandie, Asnelles, une des plages du Débarquement, où il me semblait qu’il était difficile de ne pas avoir une expérience esthétique, de ne pas se sentir dans le monde, baigné : une longue grève de sable, en mer, les vestiges du port artificiel travaillés par les vagues, et la lumière sans cesse changeante. Certains élèves qui vivent toute l’année dans le bruit et l’agitation sont, là, devenus contemplatifs : Fatoumata, qui n’avait jamais vu la mer, se levait avant tout le monde et restait assise de longs moments sur le parapet à la regarder.
Ce jour-là est une sorte de polyphonie urbaine : comment l’idée a-t-elle germé ? comment les élèves se sont-ils inventé et approprié leurs personnages ?
Quelques lecteurs nous ont dit que le livre finalement reproduisait les mêmes clichés de violence. Mais la violence est une part de la réalité vécue : pourquoi l’occulter ? Seulement fictionnée dans le livre, elle ne relève plus du cliché. D’abord elle est subjectivée par une voix qui la dit et souvent l’interroge, ensuite elle est dialectisée par le jeu des voix. Si l’on prend l’exemple de l’histoire du contrôle de police qui finit mal, qu’on pourrait penser n’être que la reprise d’un cliché, on peut en lire plusieurs versions qui divergent ou convergent, se répondent, s’opposent, ou s’ignorent, celles de Jamel, d’Omar, de Martin, de la caissière et du deuxième chauffeur : ainsi la représentation univoque et figée propre au cliché devient une représentation complexe, kaléidoscopique.
C’est pourquoi nous avons choisi cette forme romanesque discontinue et polyphonique, elle nous a semblé pouvoir réfléchir, aux deux sens du terme, la complexité du réel vécu, par la pluralité des histoires, par la pluralité des points de vue sur chaque histoire, par leur diffraction, qui rend impossible leur réduction, par leurs fins aussi, souvent ouvertes, qui laissent les destins en suspens, font entrevoir des possibles. Dans Le Partage du sensible[8], Jacques Rancière dit que « le réel doit être fictionné pour être pensé ».
« On écrit toujours avec de soi », affirmait Barthes, phrase souvent citée par un grand animateur d’atelier d’écriture, François Bon : avez-vous pu le mesurer aussi à travers ce qui apparaît a priori comme un jeu de rôles ?
J’ai insisté jusqu’à présent sur la dimension existentielle de l’écriture : non seulement l’expression de soi mais encore la projection et la construction de soi, non seulement l’action sur le réel, qu’on essaie de mettre en forme, mais encore l’action sur autrui, qu’on essaie de toucher. Je n’ai pas parlé de sa dimension esthétique, qui, cependant, a toujours sous-tendu sa dimension existentielle et en a permis une forme d’accomplissement.
Il s’agissait de fabriquer un objet esthétique, un livre, donc quelque chose qu’il faut construire pour qu’il puisse durer et avoir une existence autonome : quelque chose qui ne dit pas seulement le monde mais s’y ajoute. Cette finalité esthétique a engendré un autre rapport aux mots qu’on écrit parce qu’on sait qu’ils ne sont pas destinés à être jetés (comme ceux d’une copie) ou égarés (comme ceux d’une page de journal), mais qu’ils vont au contraire être fixés, et une fois fixés, réactualisés à chaque lecture. Je voulais que les élèves puissent faire l’expérience de la tension que donne cette fin, du souci des mots auquel elle oblige, du souci de leur densité, de leur résonance, de leur pouvoir de création, …
Parmi les voix narratives il y a un « chœur des habitants » : s’agit-il d’un texte collectif ? si oui, comment avez-vous procédé ?
A la fin du semestre d’écriture, il a semblé nécessaire à Tanguy Viel d’enregistrer des instantanés de la ville. Il a demandé aux élèves de faire des listes de détails concrets, de sensations, d’impressions du dehors, qui ont été attribuées au « personnage-site » de la Fille à sa fenêtre (à Elena aussi un peu). En Normandie, ce travail a été poursuivi par la rédaction de « vignettes maritimes ».
Pour dire la ville, il m’a semblé qu’il fallait aussi en dessiner toutes les silhouettes. J’ai proposé à Tanguy Viel un dernier atelier où l’on demanderait aux élèves de faire la liste des inconnus dont ils connaissaient bien le visage mais dont ils ignoraient le nom, parfois même la voix (ce qui permettait aussi de protéger l’intimité, de ne pas évoquer des proches). J’ai choisi comme déclencheur d’écriture des extraits d’« Enfance » de Rimbaud[9]. Les paroles du chœur sont des collages de bribes issues des textes de cet atelier.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui seraient tentés de se lancer dans des expériences d’atelier d’écriture ?
Que l’atelier qu’ils imaginent réponde à ce qu’ils sentent être, plus ou moins clairement, une nécessité, qu’elle soit politique, esthétique, psychologique, pédagogique… C’est portée par cette nécessité d’abord intuitive, réfléchie certes ensuite, que la démarche trouvera sa cohérence et sa dynamique.
En guise de conclusion
Viviane Vicente, professeure d’Espagnol, doctorante en Sciences de l’éducation à Paris VIII, a observé le projet « Ce jour-là » et lui a consacré son mémoire de Master 2, intitulé « Fiction et émancipation. Un atelier d’écriture en lycée. » Elle dresse pour le Café pédagogique un bilan de l’aventure.
« Un atelier d’écriture peut prendre l’allure d’un jeu, notamment lorsqu’il rassemble, après les cours, des élèves volontaires issus de différentes classes et filières, autour d’une histoire à inventer, raconter et écrire collectivement, comme celles que se racontent des enfants qui jouent. Toutefois, il ne faudrait pas s’y méprendre : c’est un jeu des plus sérieux où il est aussi question de la façon dont nous construisons nos propres représentations du monde. L’écriture, lorsqu’elle engage l’imagination et la narration, amorce un mouvement de mise en forme du réel, où tout peut advenir. L’atelier d’écriture devient alors un espace de liberté, où les consignes ne sont plus perçues comme des contraintes mais comme autant de défis à relever. C’est en ce sens que se manifeste en premier lieu le plaisir de l’écriture, et non pas seulement par l’assiduité et l’implication dont font preuve les participants engagés dans le projet. Il semble que chaque élève mesure la possibilité qui lui est offerte dans cet espace d’autorisation qu’est l’atelier d’écriture de tirer une certaine fierté, au-delà de celle que l’on éprouve devant la reconnaissance dont fait l’objet le travail mené à bien : cette fierté est celle de se connaître capables d’autre chose que ce à quoi ils sentent assignés. Dans un espace tel que celui de l’atelier d’écriture de Sylvie Cadinot-Romerio et Tanguy Viel, l’élève, autorisé à entrer dans l’espace du savoir, à s’y mouvoir de façon autonome, peut alors prendre conscience d’une intelligence qu’il possède déjà, et par là même « s’autoriser », c’est-à-dire « se faire soi-même son propre auteur », selon les termes de Jacques Ardoino. Il est en ce sens possible d’affirmer qu’il est aussi, et peut-être même avant toute chose, question d’émancipation dans un projet d’écriture d’une telle ampleur que celui qu’ont entrepris de mener à bien Sylvie Cadinot-Romerio, Tanguy Viel et les élèves du lycée Alfred Nobel: l’écriture fictionnelle est, à certains égards, une écriture d’émancipation, en tant qu’elle autorise les élèves à s’engager dans un processus créateur de savoir/s, sur soi, sur les autres, sur le monde. Ecrire en atelier permet ainsi aux élèves de donner un sens aux apprentissages qu’ils y font, et ce d’autant plus qu’ils participent collectivement à la création d’un objet littéraire, où il a été donné à chacun la possibilité de faire entendre une voix, une singularité. »
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
Le livre aux éditions Joca Seria :
http://www.jocaseria.fr/Catalogue/Livres/Fiche livre/cejourla.html
Extraits dans le quotidien Libération :
http://www.liberation.fr/societe/2012/10/23/je-suis-cet-enfant-qui-traverse_855433
[1] Seuil, 2012
[2] C’est en ces termes que Jean Greisch traduit le titre de l’ouvrage de Wilhelm Schapp : In Geschichten verstrickt (1953), consacré à une analyse phénoménologie du récit (voir Paul Ricoeur. L’itinérance du sens, Editions Jérome Million, 2001, p.147)
[3] Editions Amsterdam, 2010
[4] Temps et récit. Tome 1. L’intrigue et le récit historique, Editions du Seuil, 1983, p.128-129.
[5] Editions Gallimard, 1969, p.28.
[6] La Mésentente. Philosophie et politique, Galilée, Paris, 1995
[7] Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, 1976, Editions du Seuil, deuxième partie, II, 2, a (« Le problème herméneutique l’ « application » »)
[8] La fabrique éditions, Paris, 2000, p.61.
[9] « Enfance » : « III. Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir. // Il y a une horloge qui ne sonne pas. // Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches. // Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte. // Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée. // Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois. // Il y a enfin, quand l’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse. IV : Je suis le saint, en prière sur la terrasse, — comme les bêtes pacifiques paissent jusqu’à la mer de Palestine. // Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque. // Je suis le piéton de la grand’route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d’or du couchant. // Je serais bien l’enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l’allée dont le front touche le ciel. »