La question des rythmes scolaires peut-elle faire capoter la refondation ? Les déclarations se durcissent alors même que la réforme a été peu à peu allégée sur de nombreux points. Quels sont donc ses véritables enjeux ?
A l’origine de cette question, une réaction en juillet 2010 de l’Académie de médecine. Elle montre la nécessité d’adapter le temps scolaire aux cycles de l’enfant et préconise la semaine de 5 ou 6 jours de classe et des vacances espacées régulièrement avec des congés d’été réduits. Un an plus tard, en juillet 2011, le comité de pilotage sur la réforme des rythmes scolaires créé par Luc Chatel remet un rapport qui recommande 5 heures de classe par jour au maximum suivies par 2 heures « d’accompagnement éducatif » et 9 demi-journées au primaire. L’année scolaire serait réorganisée sur 38 semaines de cours. Une fois le rapport publié, Luc Chatel juge préférable de transmettre la question à son successeur.
Elle fait son chemin à gauche chez le candidat Hollande. Le 9 février à Orléans il promet de rétablir la semaine de 9 demi journées à l’école primaire. Ce choix est confirmé par V Peillon dès sa nomination, le 17 mai. Début octobre, le rapport de la concertation valide les 9 demi journées avec 5 heures de cours par jours à l’école. Le 9 octobre F Hollande reprend ces éléments. Le 11 octobre, Vincent Peillon annonce qu’aucun enfant ne sera dehors avant 16h30. Le 16 octobre, lors d’une rencontre avec les syndicats il annonce la 9ème demi journée le mercredi matin et 5h de cours par jour suivis d’une demi-heure de temps périscolaire, pour faire ses devoirs). Le Se-Unsa dénonce « la double peine » qui frappe les enseignants. Le 24 octobre, s’exprimant devant l’Assemblée nationale, le ministre en appelle à la générosité des communes. Le 27 octobre le Snuipp exige que la journée scolaire se termine à 15h30 pour les enseignants.
La position du ministère jusqu’au 12 novembre
Pour le ministère la nouvelle organisation de la semaine n’a pas de grand impact sur le temps de travail des enseignants si ce n’est le travail le mercredi matin. Les enseignants devaient 27 heures hebdomadaires. Ils en doivent toujours 27. En demandant aux enseignants d’encadrer une demi heure de périscolaire par jour, il coupe la poire en deux entre enseignants et collectivités locales. Il reste sous la pression des syndicats enseignants dans un sens, des collectivités locales de l’autre. L’enjeu est le financement du temps périscolaire : tout ce qui est fait par les enseignants n’ait pas à faire par les collectivités locales qui demandent une aide financière à l’Etat. Pour la financer le ministère hésite entre une caisse de compensation (alimentée par l’Etat) ou un système de péréquation (entre communes).
Le point de vue des syndicats enseignants
A l’issue de la réunion avec le ministre le 16 octobre, le Se-Unsa a dénoncé la « double peine » : les enseignants seraient contraints de travailler une demi journée de plus le mercredi matin et feraient 25 heures devant une classe entière au lieu de 24 heures, cela sans compensation. Le Se-Unsa demande une compensation et le maintien à 23 heures. Le Snuipp demande la fin des cours à 15h30.
Le point de vue des collectivités locales
Le périscolaire est le domaine des municipalités mais toutes ne disposent pas des mêmes moyens. Elles encadraient un faible pourcentage des enfants le mercredi matin. La réforme les décharge de cette tache mais leur demande d’encadrer durant une demi heure au minimum la totalité des enfants. Cela génère un cout qui s’ajoute a celui de l’ouverture de l’école le mercredi matin. Les collectivités demandent donc l’allongement de la pause méridienne à 2h ou 2h30. De cette façon les enfants sont en classe jusqu’à 16h30 encadrés par les enseignants et la commune n’a plus à prendre ne charge que les faibles effectifs qui déjeunent à l’école, un pourcentage pas très différent de celui du mercredi matin….
Les enjeux sont doubles
D’une part les partisans de la refonte des rythmes en attendent une vie scolaire plus équilibrée et plus supportable pour les enfants. En étalant le temps scolaire sur 5 jours on suit davantage les recommandations des chronobiologistes. Les enfants sont moins fatigués en classe. Un autre enjeu est mis en avant par le Réseau des villes éducatrices : la réforme des rythmes oblige les écoles à échanger avec la mairie sur l’organisation du temps scolaire. C’est l’influence des maires et des projets éducatifs locaux qui est en jeu. Si la situation évolue comme les maires le souhaitent, les enseignants dépendront au quotidien pour une partie de leur service des municipalités.
Les nouveaux rythmes scolaires sont ils une réponse à l’échec scolaire ?
Vincent Peillon aime dire que l’école , avec les rythmes hérités de Luc Chatel, « maltraite » les enfants. L’expression est sévère même si la plupart des acteurs reconnaissent les rythmes actuels comme mauvais. La journée de classe de 6 heures est inadaptée aux enfants et leur attention en souffre. Les nouveaux rythmes devraient mettre les enfants dans des conditions meilleures. Mais cette réforme ne joue que sur un seul critère d’échec scolaire. Uniforme pour toutes les écoles, elle oublie que l’échec scolaire est très localisé dans le système scolaire français.
Qui peut l’emporter ?
Les syndicats enseignants sont mobilisés sur des objectifs proches. L’indignation est forte chez leurs mandants. Enfin aucune réforme ne sera possible réellement sans leur adhésion. Les associations de maires ont un poids politique certain. Elles sont influentes auprès des parlementaires et ont la possibilité de faire modifier la loi d’orientation. Mais elles n’ont pas réussi à se mettre d’accord, la principale association , l’AMF, demandant le report des nouveaux rythmes à 2014. Mais c’est vers l’Etat que tout le monde se tourne. François Hollande ayant fait connaître ses souhaits, enseignants et collectivités locales attendent de l’Etat les aides ou les compensations pour résoudre la crise. Au total il s’agit de 500 ou 600 millions, ce qui excède largement les moyens dont dispose Vincent Peillon à l’Education nationale. Le 24 octobre, devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée, le ministre a demandé leur aide aux élus locaux. « Je compte beaucoup sur les élus locaux pour réussir »… Pas sur qu’il soit entendu…
François Jarraud