En septembre-octobre, une intéressante discussion s’est déroulée sur la liste H-Français à propos des Espaces Numériques de Travail. La question initiale portait sur la réalité des ENT. Faisons un petit point…
Où en est-on ?
Une unanimité s’est dégagée pour constater (et parfois déplorer) l’extrême diversité des situations d’une académie ou d’un département à l’autre :
« Il existe un multitude de plateformes ENT. L’explosion de la demande de la part des collectivités locales a fait pulluler les offres » [C de la Bruyère]
« Les situations sont très variables d’une académie à l’autre. Du côté de Reims comme en Auvergne et sans doute ailleurs, la situation semble largement positive. Reste à savoir combien de collègues utilisent l’outil. [B Modica]
Il est difficile de faire réellement le point sur les déploiements d’ENT. On consultera avec profit :
ENT en un coup d’œil :
http://eduscol.education.fr/cid55726/qu-est-ent.html
Le déploiement (données d’avril 2012 ou octobre 2011) :
http://eduscol.education.fr/cid55728/l-etat-du-deploiement.html
Des ENT régionaux, quelques exemples :
http://www.environnementnumeriquedetravail.fr/
http://bourgogne.ent-liberscol.fr/
Sur la question ENT et données personnelles :
http://www.educnet.education.fr/textes/reglementaires/aspects-juridiques/donnees-personnelles-et-ent
Sur le cahier de texte numérique
http://www.education.gouv.fr/cid53060/mene1020076c.html
Sur les usages :
http://www.ent-leblog.net/ent_le_blog/michel_sauvade/index.html
Quels sont les questionnements ?
Voici une sélection d’extraits de messages qui permettent de sérier les grandes questions qui agitent le milieu des enseignants d’histoire-géographie et qui m’ont paru révélateurs de la diversité des opinions sur ces sujets.
ENT, une révolution ratée ? Une révolution en marche
· « Les ENT ne sont ni une révolution, ni une surcharge de travail. A mon avis, ils arrivent un peu tard sur le marché. Dans leur aspect partage de données et communication, ils auraient pu constituer une révolution il y a quelques années. Mais depuis le web 2.0 et les réseaux sociaux se sont depuis développés et remplissent déjà très bien cette fonction. Dans leur aspect organisation, cahier de texte, idem, d’autres outils préexistaient déjà. Mais les ENT présentent l’avantage de concentrer sur une seule et même plateforme tous ces outils et c’est ce qui fait leur intérêt. Dans mon académie les collectivités se sont même alliées pour proposer un même ENT du collège jusqu’au lycée. »
· « Pour l’anecdote, en 2006, j’avais eu l’occasion d’écrire un billet sur « ENT-Le blog », une réflexion collective autour des ENT conduite par le Café pédagogique, la FING et « Education et territoire » : le cahier de texte en ligne soulevait déjà à l’époque beaucoup d’inquiétudes…. »
Une transformation du métier ? En bien ? En mal ?
· « Je me pose aussi la question du flicage grandissant de notre travail, de la volonté de nous imposer une disponibilité 24 heures sur 24 h (nous n’avons pas de connexion dans les salles par exemple, donc obligation de remplir le cahier le soir !) mais je crois que c’est un autre sujet … »
ENT : produit du marché ou briques libres ?
· « déployé à l’échelle d’une académie (plus de 400 000 comptes pour l’Auvergne) seule une solution professionnelle est envisageable, même pas relevant de services rectoraux à mon sens. »
· « les ENT sont une source de profit pour l’industrie du logiciel. Les coûts pour chaque ENT se chiffrent en centaines de milliers d’euros avec des mises à jour continuelles […] La solution libre LCS présentée semble tout aussi performante que les ENT pour intégrer ce beau monde… mais pour beaucoup moins cher et sans avoir recours à des entreprises privées qui ont trouvé avec l’ENT une poule aux oeufs bien dorés. »
ENT et collectivités : effets d’annonce ? Gabegie ? Politique éducative ?
· « Cela conduit à se pencher sur une question pour moi vitale: qu’est-ce qui justifie vraiment les sommes dépensées? On parle de centaines de milliers d’euros, peut-être plus. Allons-nous, contribuables, continuer à alimenter ce puit qui peut être sans fond, et nous, enseignants, à justifier ces dépenses. N’y a-t-il pas d’autres outils ? »
· « Pour finir, je ne partage absolument pas la prétendue opposition – archi-classique (et qui existe aussi entre les « élus » et la prétendue « société civile ») entre le côté « institutionnel » de la force qui négligerait la pédagogie et le côté « obscur » des clionautes ou des « sans-grade » qui bossent dans leur coin : l’expérience montre que ce sont le plus souvent les mêmes : la plupart des clionautes investis personnellement dans cette recherche sont aussi acteurs impliquées dans les TICE « institutionnelles » […] »
ENT : quel intérêt pédagogique ?
· « Au-delà de l’apprentissage par les élèves du travail numérique, quelle est l’efficacité pédagogique de ce mode de fonctionnement? Une copie rédigée et corrigée numériquement est-elle plus profitable à un élève qu’une copie rédigée et corrigée manuellement? J’y vois quelques applications profitables, mais avez-vous des exemples concrets de bénéfice pédagogique « ?
· « L’ENT a surtout fait changer ma manière de penser le cahier de texte qui au-delà de sa fonction administrative est devenu un véritable outil pédagogique au service des élèves ; et de leurs parents qui en sont très friands (en collège tout du moins parce qu’en lycée je n’ai pas vraiment de retour à ce sujet et cela me semble normal. »
La question des contenus
· « totalement d’accord sur le fait qu’il faut savoir qui met quoi, et à quel prix »
· « Il faut donc se préocuper de mettre du contenu dans cette jolie carrosserie qu’est l’ENT: manuels numériques peut-être, encyclopédie en ligne (Universalis par exemple), sélections d’œuvres et de fragments tombés dans le domaine public, dictionnaires… »
Quid de la fracture numérique ?
· « encore plus important, est-ce qu’on est bien certain que tous les problèmes de « fracture numérique » sont résolus? Famille sans ordinateur, bas débit, coût prohibitif des impressions à jet d’encre. Est-ce que vraiment les établissements proposent des ordi. en libre service en nombre suffisant pour qu’aucun élève ne soit pénalisé à cause de l’utilisation large de l’ENT ? »
Des témoignages
Nadine Bouette, académie de Clermont
Voici ce que je fais avec l’ENT (mais je n’utilise pas toutes les fonctionnalités) :
• je peux réserver les salles équipées (très pratique pour la salle info, salle équipée de vidéo…), je peux consulter les edt des collègues et classes (utile pour déplacer une heure de cours ou bosser avec un collègue), rentrer les notes et bulletins, et cahier de texte numérique – un espace collaboratif HG me permet de déposer des docs (demande de matériel…) utile à l’ensemble de l’équipe.
• J’ai également la possibilité d’avoir un espace collaboratif avec des collègues d’autres établissements (utile dans les bassins isolés de l’académie et/ou pour les TZR)
• une messagerie pour les collègues et élèves, direction (plus de papier dans les casiers) – une page d’accueil personnalisable (signet…)
• les liens vers les services externes (nous sommes abonnés au lesite.tv…)
• une plate-forme de suivi (dokeos) sur laquelle j’ai créé une espace pédagogique HG pour les élèves (exercices hot pot et didapages, docs, liens) qui est utilisé en classe et en dehors de la classe. Il se présente comme un site avec page d’accueil par niveaux ce qui permet de s’y retrouver. J’ai aussi un glossaire que je complète au fil du temps avec les élèves Cette année, je vais tester le wiki. Il existe aussi un blog…
• Sur cette plate-forme, j’ai la possibilité de créer des exercices interactifs (comme hot potatoes) mais l’outil m’a semblé moins souple (mais peut-être suis-je déjà formatée ?).
A quelques jours de la Toussaint, tous les élèves vont plus ou moins régulièrement sur l’espace pédagogique (je peux le voir par un suivi. Le seul frein me semble l’organisation interne du collège (il faut prévoir un moment dans les edt des élèves pour accéder aux ordinateurs du CDI…).
Petite remarque, chaque PP de 6e en début d’année donne l’identifiant et mot de passe aux 6e et va en salle informatique pour leur montrer le fonctionnement de l’ENT. Les élèves disposent de tutoriels.
Dominique Chathuant, académie de Reims
J’utilise depuis 10 ans dans mon lycée la plate-forme ENT Claroline. Elle est distincte de profnotes (agenda, cahier de texte, notes) et ne nous oblige pas à une adresse courriel. L’ENT me permet
Dans la fonction document (stockage) :
· de récupérer les images du cours (cartes, docs divers, plan, chrono, liste des termes -clefs), notamment en euro avec Churchill, FDR, JFK ou MLK en mp3.
· de récupérer liens et lectures d’approfondissement, etc.
· pour les secondes, de voir avant le premier contrôle le PDF de celui de l’année dernière
· Pour le DS, la liste des bourdes à ne pas commettre (systématiquement en police barrées), liste PDF des fautes d’orthographe, de style ou de syntaxe.
· Grille élève des études des cas à remplir dans tableau, y compris tableau de synthèse. toutes choses qui ne sont pas mises en pièces jointes sur cahier de texte.
Dans la fonction travail/assignment :
· De récupérer l’ensemble du travail des EDC, sachant que les élèves sont informés que c’est par là et non en classe que passe le contrôle du travail personnel. Les élèves savent qu’on pointe avant ou après le cours. On ne perd pas de temps en classe à pister les travaux non faits.
Dans la fonction Wiki :
· Je m’en sers pour un travail commun. Les TES peuvent ainsi mutualiser la liste des termes clefs du cours sur religion et sté aux EU. L’un prend Bible Belt, l’autre Moral majority, etc. Cela oblige à un travail d’équipe et confère une responsabilité par rapport au groupe.
Dans la fonction annonces :
· Toutes les annonces à la classe. Pour la classe principale, toutes les annonces d’orientation, de forum, de fiches à rendre, y compris parfois la liste des élèves en retard sur remise des documents, tout ce qui externalise les minutes PP de mon cours de terminale ES.
Dans le fonction exercices :
· Ayant eu l’occasion d’être à cheval sur le collège et le lycée en 2003-2005 (avec 5 à 6 niveaux et 22 h de service), je me rappelle avoir fabriqué des exercices de révision QCM avec des images et du texte pour des 6e inter. Comme je n’utilise pas beaucoup cette fonction, je ne sais si on peut inclure sans difficulté du Hot Potatoes ou du Didapages. On peut d’ailleurs vérifier si un abonné a fait ses exercices.
Yves Humbert, académie de Nancy
Après plusieurs expériences, voici la solution que j’ai mise en place. Obligation pour les élèves de rendre le travail en PDF, le nom du fichier rendu doit commencer par le nom de l’élève. Je télécharge les travaux sur mon ordinateur à partir de l’ENT. Je corrige sur un tablet PC, sur mon canapé (plus de copies qui tombent) : logiciel = PDFAnnotator.
Le relevé de notes est celui de l’ENT Je renvoie les copies par FTP sur mon site avec un système d’identification : chaque élève a un dossier auquel il est seul à avoir accès. En cas de problème les copies (non corrigées) sont sur l’ENT Je garde les copies corrigées sur internet jusqu’à la fin de l’année. La correction est donc rapide, au stylet. La confidentialité est assurée. Je regrette que l’ENT ne permette pas un traitement de A à Z.
Du même ordre pour ne plus perdre de temps avec le cahier numérique, je prépare mes cours en HTML (logiciel Seamonkey), je les envoie sur mon site perso et je complète l’ENT par copier-coller ce qui m’évite les interminables chargements de fichiers.
Et encore : pour éviter à chaque cours de démarrer un ordinateur, de rentrer le code du réseau, de rentrer le code de l’ENT, de naviguer dans les menus et enfin avoir la liste d’appel, j’ai placé dans un lieu stratégique une borne WiFi et je viens avec un portable : 4 minutes de gagnées par cours!
Gaëlle Charcosset, académie de Dijon
Je suis en phase d’essai, l’ENT CLOE ayant été installé il y a peu de temps. Etant les droits administrateur, j’ai créé un élève dans l’une de mes classes, puis fait un essai d’envoi d’un devoir par l’interface prévu à cet effet. Voici ce que je constate :
· je créé un devoir, je l’envoie automatiquement à tous les élèves de la classe
· l’élève le reçoit dans un dossier intitulé « devoir », dans lequel il trouve un sous-dossier à mon nom, à l’intérieur duquel se trouve un sous-dossier au nom de mon devoir. A l’intérieur le devoir au format originel. Sur place dans l’établissement, il peut l’ouvrir et le compléter directement et enregistrer les ajouts sans problème. Chez lui, il doit l’enregistrer sur son ordinateur, le compléter puis le recharger dans le même dossier. Il n’a pas besoin de le renommer.
· le professeur clique sur un bouton ramasser le devoir dont il choisit le nom (un menu lui propose les devoirs non ramassés). Il trouve dans son dossier perso, un dossier intitulé Devoirs/ramassés/nom__du_devoir_donne_nom_de_la_classe et, à cet emplacement, un dossier au nom de chaque élève. On trouve le fichier complété par chaque élève à l’intérieur (toujours avec le nom de départ). Même constat que pour les élèves, dans l’établissement on peut faire les corrections à même le dossier, on peut faire le choix de l’enregistrer dans un autre format par ex. pdf pour éviter que l’élève le modifie après coup ; à la maison il faut que le fichier soit enregistré sur l’ordinateur puis recharger.
· une fois terminé la correction, il faut cliquer sur un bouton dans la même interface qui a permis la distribution du devoir pour que la correction soit rendue à tous les élèves en même temps.
· dans l’interface élève, l’élève voit apparaître un fichier .txt qui lui annonce à quel moment le fichier a été ramassé (jour, hh:mm) et un dossier correction dans lequel il trouve son fichier annoté, voire la version pdf.
Le service de distribution / ramassage / retour de la correction ne peut se faire que dans le dossier prévu par l’ENT, donc pas de dispersion possible des dossiers.
Cet ENT semble donc répondre à certaines des attentes et difficultés que vous rencontrez sans être pour autant être la solution idéale : pas besoin de renommer les fichiers, de les redistribuer élève par élève ; inversement, beaucoup de clic pour changer de dossier (un par élève pour chaque devoir), enregistrement sur le disque dur de l’ordinateur personnel et en sens inverse lorsque c’est corrigé. Pour cette dernière étape, je ne peux pas faire l’enregistrement de tout un dossier d’un coup, ce qui simplifierait le travail.
[…]
Autre atout : l’ENT est gratuit, sinon le matériel physique (serveur + autre poste qui sert d’antivirus).
Les « services » ont l’air analogue aux autres ENT : outre l’accès aux dossiers personnels, cahier de texte (Chocolat), agenda, mail interne à l’établissement pour tous, gestion de ressources (Grr), accès aux logiciels de gestion de notes et d’absences (Sconet devenu siècle, mais possibilité d’intégrer les autres gestionnaires de notes) en plus pour les professeurs ; un espace WordPress, réseaux sociaux internes, possibilité de partager des onglets avec des personnes en choisissant le groupe de partage (tout le monde, les professeurs, les élèves, les élèves d’une classe, un groupe, etc.).
Mais comme je le disais en introduction, je débute avec, les critiques s’accumuleront peut-être à l’usage…