En juin 2009, la DGER (Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche) lançait un appel d’offres en direction des établissements de l’enseignement agricole publics et privés afin de retenir une quinzaine d’opérations pilotes centrées sur l’innovation pédagogique. Ces opérations d’une durée de trois ans entrent pleinement dans la rénovation de la voie professionnelle.
Elles s’achèveront en 2013 et permettront de repérer les pratiques innovantes reproductibles en matière d’individualisation et de prise en compte de la diversité des publics. Trois axes sont investis : l’autonomie pédagogique des établissements, la professionnalisation de l’enseignement et des modalités de certification, l’individualisation des parcours des apprenants et des formations. Les établissements retenus bénéficient d’un accompagnement par le Sna (Système national d’appui) sur la méthodologie, la conduite du projet et la formation des acteurs.
Quatorze opérations sont en cours dont huit dans l’enseignement public. La diversité des contextes et des constats conduit à une grande variété dans les innovations proposées : modification de la durée des cours pour dégager des temps d’individualisation, valorisation des activités extra scolaires , liens renforcés avec le monde professionnel, tutorat, utilisation de l’Ent ou du portfolio ; les interprétations locales offrent à l’opération un intérêt tout particulier.
Dans la dernière ligne droite de l’opération, nous avons contacté Françoise Heraut, coordonnatrice nationale du projet pour voir quels premiers enseignements peuvent être tirés de ces innovations.
Les opérations pilotes sont différentes les unes des autres. Peut-on dégager des points communs, des constats partagés, des solutions qui font consensus ?
Les opérations pilotes donnent lieu à une évaluation (à mi-parcours et finale) réalisée par l’Inspection de l’enseignement agricole, et à un travail de recherche. Je ne livre donc ici que quelques impressions, étayées certes, mais pas loin d’être exhaustives.
Les points communs aux opérations pilotes sont de deux ordres :
- Une envie de permettre la réussite des élèves, d’éviter le décrochage de certains
- Un petit noyau de personnes réunies autour d’un « chef de projet » (que j’appelle comme cela, parce que c’est réellement sa fonction, mais qui lui ne s’appelle pas de cette façon !). Un petit noyau de personnes pro-actives, qui s’autorisent à inventer, à imaginer, qui y trouvent aussi un certain plaisir, mais qui se découragent aussi parfois si elles ne trouvent pas le soutien ou l’écho nécessaire.
Je ne parlerais pas de solutions qui font consensus. Chaque « solution » est située dans un contexte d’établissement. Les actions innovantes proposées ont pu exister ailleurs, dans des contextes de formation continue en particulier. Mais pour l’équipe qui innove, c’est effectivement nouveau, et c’est l’aboutissement d’une réflexion, d’un tâtonnement interne, de confrontations.
Parmi les actions développées, beaucoup proposent des modifications en profondeur sur l’organisation du temps scolaire ou sur la valorisation des pratiques professionnelles en cours et en entreprise. Est-ce que ces modifications sont facilement réalisées au sein des établissements ?
Certains établissements ont touché à l’organisation du temps scolaire, 1/3 environ. C’est pour eux une conséquence, pas un objectif en soi. C’est parce qu’ils ont souhaité proposer des choix aux élèves, ou des modalités pédagogiques variées, qu’ils ont touché à l’organisation du temps scolaire. Est-ce facile ? bien sûr que non ! il y a d’une part la prise de décision, forcément concertée, et ensuite une gestion régulière des emplois du temps …
Le renforcement de la dimension professionnelle du bac pro est aussi un enjeu de plusieurs opérations. Pour les équipes, les actions se réalisent en même temps que la découverte de la nouvelle structure de référentiel de diplôme, et avec le double flux lié à la suppression de la formation du BEPA ; donc, ce n’est pas facile !
Par rapport aux projets initiaux, des modifications ont-elles été apportées en confrontant les actions prévues aux contraintes de la réalité ?
Oui, bien sûr, il y a des modifications, mais je dirais que ce n’est pas à cause des contraintes de la réalité ! les concepteurs du projet étaient des gens réalistes et heureusement aussi utopistes. Parfois, c’est la direction qui change, et le portage initial n’est plus présent ; non que la nouvelle direction ne soit pas intéressée, mais au démarrage elle a d’autres préoccupations.
Ensuite, sur des projets innovants, il est normal que la conduite de projet soit chaotique, itérative : cela ne peut pas, comme le dit me semble-t-il très justement Le Boterf, l’avancée d’une ligne arrière de rugby. C’est forcément comme une avancée du pack !
Les projets qui ont été le plus modifiés sont ceux qui avaient un parti pris technologique fort, la technologie étant choisie a priori, non comme un moyen, mais peut-être comme une finalité. J’exagère un peu en disant cela, mais c’est quand même un peu le cas. Du coup, ils n’ont pas forcément les usages escomptés, et les projets se ré-orientent autour des besoins des élèves et des équipes, ce qui est logique.
Quels types d’accompagnement proposez-vous ? Quelles sont les demandes des établissements en la matière ?
Il a été demandé au système d’appui du ministère en charge de l’agriculture d’accompagner les 14 opérations pilotes. Nous étions très enthousiastes à cette idée d’accompagner un mouvement d’innovation. Toutefois, les établissements n’étaient pas forcément demandeurs d’accompagnement, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne souhaitaient pas nous rencontrer.
Nous proposons un accompagnement du chef de projet sur site, et nous organisons aussi des temps collectifs de partage et d’échanges, sur des thématiques de la rénovation de la voie professionnelle (renforcer la dimension professionnelle du bac pro, individualisation, organisation du temps scolaire).
Nous organisons aussi la valorisation, sous forme de témoignages vidéos et papier en ligne.
Comment se réalise cet accompagnement ? Quelles compétences sont mobilisées ?
Chaque établissement bénéficie d’un binôme d’accompagnateurs, qui peuvent accompagner la formalisation du projet et de ses actions, la réalisation de certaines actions, ou qui peuvent conforter le chef de projet dans sa conduite et son animation. Les postures sont variées, de l’écoute à l’expertise, en passant par le conseil, et elles sont adaptées à l’établissement.
Cela requiert des capacités de questionnement, de reformulation, d’analyse de pratiques, d’animation de groupe, un minimum d’expertise sur les thèmes de la RVP et aussi des capacités de réalisation de témoignages !
Est-ce que des actions de formation, de professionnalisation des équipes sont organisées ? Si oui sur quels thèmes ?
Ces actions se déroulent à la demande des établissements. Les thèmes demandés ont été l’individualisation et l’animation de projet.
Propos recueillis par Monique Royer
Les opérations pilotes sur le site
http://www.chlorofil.fr/diplomes-et-referentiels/rvp/operations-pilotes.html
Le projet du lycée agricole d’Yvetot en vidéos
http://www.chlorofil.fr/diplomes-et-referentiels/rvp/operations-pilotes/projets/yvetot.html