Marielle, 48 ans, professeure d’éco gestion au lycée Malraux de Béthune, n’a pas repris sa classe. Elle a succombé à une tentative de suicide. Ses dernières paroles ont été pour demander à son conjoint d’interdire aux représentants de l’Education nationale de paraître à ses obsèques.
Pour le syndicat Action et démocratie, qui a révélé ce drame, Marielle est victime du management de l’Education nationale. Elle est arrivée en 2009 au lycée Malraux suit à une mesure de classe scolaire. Elle craignait de devoir perdre son poste à la rentrée 2013 et de devenir TZR. A cette perspective elle a préféré la mort.
Le syndicat dénonce « des rapports hiérarchiques dégradés » avec des professeurs qui n’osent plus faire de signalements d’élèves « de peur de passer pour des enseignants sans autorité ». Sylvie Vinsard, secrétaire académique d’Action et Démocratie, évoque les nombreux cas de violence dans les lycées de la région. « Les élèves ne sont pas plus violents qu’avant », dit-elle, « mais la hiérarchie ne protège plus les enseignants et bourre les classes. On est passé en lycée professionnel à 30 à 36 élèves par classe avec la réforme du bac professionnel. Et on a perdu les heures dédoublées ».
Lundi 22 octobre au matin, le rectorat a envoyé au lycée Malraux une cellule d’écoute pour aider les enseignants et les élèves. Une enquête est lancée et le recteur attend le rapport du proviseur.
Interrogée par le Café pédagogique, la directrice de cabinet du recteur, Dominique Leveque, décrit Marielle comme « une femme réservée, fragile, qui ne se plaignait pas ». Pour le syndicat, la hiérarchie est devenue incapable d’écoute. Personne n’a mesuré ce que signifiait pour cette enseignante l’obligation de quitter un établissement où elle était installée pour arriver dans un nouveau lycée où il faut faire ses preuves et subir les tests des élèves, des collègues et de la direction. Personne ne sait si à l’occasion de son changement d’établissement, Marielle n’a pas été contrainte en plus de changer de discipline pour prendre en charge des cours de communication bureautique, une des nombreuses spécialités d’économie gestion.
Personne ne sait grand chose sur les motivations de Marielle. Mais tout le monde reconnaît que cette enseignante de 48 ans, en mourant, a désigné l’institution scolaire.
Et puis il y a eu en janvier 2012 le rapport du Carrefour social sur le burnout des enseignants et la tension au travail. En juin dernier, le rapport Gonthier-Maurin qui a évoqué « la souffrance enseignante ». Le 20 septembre, Eric Debarbieux a publié un rapport qui parle du « ras-le-bol » des enseignants du premier degré. Cinq jours plus tard, le rapport V. Bouysse et Y. Poncelet dénonçait « l’alourdissement » du métier, et présentait des enseignants astreints par une hiérarchie pesante à faire de la paperasserie inutile et à perdre leur temps, travaillant dans des conditions matérielles de plus en plus dégradées. C’est dans ce contexte que s’est déroulé le drame de Béthune.
François Jarraud
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