1515 et la bataille de Marignan sont une date et un événement que des génération d’écoliers de France comme de Suisse se devaient de retenir. Et si aujourd’hui, on leur rendait vie en classe par la grâce de la radio sur internet ?
Le 11 août dernier, la chronique historique de France Info [1] ramenait ses auditeurs au 14 septembre 1515 et à la bataille de Marignan. Bataille que des générations d’écoliers de Suisse comme de France se devaient de retenir. Mais la bataille elle-même, ses causes et ses conséquences, est largement oubliée.
Proposée sous forme de reportage radio, la chronique de France info donnait la parole à son envoyée spéciale :
« Mieux vaut ne pas trop poser la main sur les canons. Ils sont encore chauds. Pendant les 20 heures qu’aura duré cette bataille exceptionnellement longue, ils ont cruellement décimé les adversaires des Français : les Suisses, des soldats redoutés dans toute l’Europe. C’est la première fois que l’artillerie est utilisée à cette échelle. Ca ne sera pas la dernière. La victoire a ouvert l’Italie du nord aux Français. Une fois de plus, pourrait-on dire, tant les allées et venues des armées européennes sont permanentes dans la Péninsule. L’Italie fascine par sa richesse, sa beauté, sa sophistication. Elle attire par sa faiblesse politique : cette myriade de micro-Etats en conflit permanent, qui permettent aux puissances étrangères d’intervenir sans trop de difficulté. Les Français se sont fait peur en cette matinée du 14. Sans l’arrivée de leurs alliés vénitiens, ils étaient en fâcheuse posture. Mais toutes ces péripéties semblent oubliées, quand le jeune roi François Ier, qui fête se 21 ans, s’avance dans le champ Saint-Dom. Il va être fait chevalier, sous les yeux de l’envoyée spéciale de France Info… »
Pour le jeune roi François Ier cette victoire est une aubaine et très vite elle devient un symbole de la gloire du roi. Dès la victoire, le récit de la bataille est publié et raconté sur la place publique ou lors des prêches à l’église. En battant les Suisses alors considéré comme invincible, François Ier est même comparé à Jules César. Cependant, la suite sera moins glorieuse en Italie pour François Ier puisque sa défaite en 1525 à la bataille de Pavie marquera la défaite des rois de France dans leur tentative de domination du nord de l’Italie.
Concernant maintenant la place de Marignan dans l’histoire suisse, on pourra lire l’article récent du journal L’Hebdo. [2] On y apprend que cette bataille n’a retrouvé une place de choix qu’au début du 20e siècle et l’historien Hans-Ulrich Jost estime que loin de se recroquevillé sur elle-même après 1515, la Confédération «n’a jamais été aussi active à l’étranger».
A titre d’exemple, Hans-Ulrich Jost indique qu’il y a eu davantage d’Helvètes enrôlés dans les armées européennes après les guerres d’Italie : «Il y avait continuellement 40’000 à 60’000 Suisses en service.» Ce commerce était très lucratif pour les cantons et les capitaines signant des contrats. Ce fut pendant longtemps la première industrie d’exportation en quelque sorte de la Suisse.
«La Retraite de Marignan» (détail), Ferdinand Hodler, 1900, Musée national suisse, Zurich/LM-41994
En 1897, le célèbre peintre suisse, Ferdinand Hodler, déclenchera lui une furieuse polémique avec son tableau «La Retraite de Marignan» lorsqu’il gagne le concours de décoration du tout nouveau Musée national suisse. Alors qu’il s’agit de magnifier l’héroïsme des soldats suisses et exalter le sentiment national, le peintre ne fait pas dans la joliesse et les esquisses de ses fresques murales montrent des soldats aux jambes sectionnées et des Suisses qui ploient sous la douleur. La polémique est telle que le Conseil fédéral «in corpore» doit se déplacer pour voir l’œuvre et tranchera en faveur de l’artiste. [3]
Au-delà de l’évocation de cette bataille, la forme du reportage radio choisit par la Chronique de France Info est susceptible d’être plus intéressante et riche de sens que de faire ânonner 1515 = Marignan à nos élèves. Elle peut ainsi donner des idées aux professeurs d’histoire et les inciter à faire produire des podcasts (émissions de radio numérique) historiques à leurs élèves.
D’ailleurs, depuis quelques années dans le canton de Vaud, les enseignants disposent avec le RadioBus et les RadioBox de toute une aide et d’un accompagnement pédagogique pour réaliser un projet de ce type. La démarche rencontre un succès certain. [4]
En effet, un ancien bus de la Radio suisse romande a été aménagé et se rend dans les établissements scolaires. Quatre à six classes par établissements participent au projet. Il s’agit pour celles-ci de produire 2 à 3 jours (soit de 24 à 39 heures) d’émissions diffusées en direct et entièrement préparées, présentées et réalisées par les élèves. Au final, les émissions sont diffusées en direct sur une bande FM spécifiquement dédiée. En effet, le RadioBus embarque un émetteur accessible dans la zone où habitent les élèves. Les émissions sont également diffusées sur internet (www.radiobus.fm).
Pour leur part, le RadioBox est une petite régie radio mise en prêt dans une classe pour une activité semestrielle ou annuelle ou encore pour une activité temporaire. Les émissions sont également diffusées via la webradio.
Par ailleurs, aujourd’hui, un simple smartphone permet de faire produire facilement aux élèves des podcasts historiques sur un tel événement comme pour d’autres en s’inspirant du reportage radio réalisé par France Info.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur,
Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
Notes
[1] Réécouter cette émission : http://www.franceinfo.fr/player/export-reecouter?content=686515
[2] «Le 14 septembre 1515, Marignan, le choix de la mondialisation» : http://www.hebdo.ch/cinq_dates_qui_ont_change_la_suisse_162780_.html
[3] Le magazine en ligne de l’Université de Lausanne «Allez Savoir!» détaille la polémique provoquée par Ferdinand Hodler avec son évocation de la bataille de Marignan : «Hodler était-il le Thomas Hirschhorn du XIXe?» (http://www3.unil.ch/wpmu/allezsavoir/hodler-etait-il-le-thomas-hirschhorn-du-xixe-siecle/)
[4] Le site : http://www.radiobus.fm/infos/