Par Béatrice Crabère
Témoins de l’Histoire
A l’heure où le pouvoir russe s’illustre une nouvelle fois par son côté répressif avec le procès des Pussy Riot, provoquant la division des citoyens russes et l’indignation internationale, et où les nouveaux programmes scolaires du secondaire ont fait de l’Histoire un enseignement optionnel (mensuel 122), il convient de saluer le travail remarquable de l’association Memorial qui, par le concours « L’homme dans l’histoire de la Russie-XXème siècle », motive les jeunes de 14 à 18 ans pour mener des recherches personnelles à partir de toutes sortes de documents afin de comprendre au plus près l’histoire récente. A la manière du Concours de la résistance organisé en France pour les jeunes, ce concours est récompensé officiellement, et est même assorti de l’attribution de bourses pour l’enseignement supérieur (ce qui est la motivation suprême en Russie !). Vous trouverez sur cette page (en russe) les liens vers les ouvrages qui ont été publiés en Russie depuis 2000 et qui rassemblent les meilleures recherches thématiques effectuées par les lycéens. Certains de ces recueils sont également publiés en allemand et en italien :
Les thématiques du concours 2012-2013 concernent bien les évènements du siècle passé: l’histoire de ma famille ; l’homme, la société, l’armée ; le prix de la victoire ; frontières et voisins dans l’histoire de la Russie du 20ème siècle ; l’homme et sa petite patrie – mais certaines trouvent un écho troublant dans l’actualité : l’étranger et nous : une autre nationalité, une autre religion, d’autres convictions ; l’homme et le pouvoir. En russe :
http://www.memo.ru/d/105764.html
Memorial consacre également une page de son très riche blog à l’accompagnement des enseignants pour aborder divers sujets historiques en classe, commenter des œuvres, visiter des lieux de mémoire. Le site « leçons d’histoire » (en russe) :
http://www.memo.ru/d/105764.html
Pour connaître les activités de Memorial si vous ne lisez pas le russe, rendez-vous sur le site de l’AAMF, amis de Memorial en France, qui publie des traductions d’articles et lance un appel à traduire les travaux des jeunes russes, dans son compte-rendu du 4 juin 2010 :
http://associationdesamisdememorialenfrance.hautetfort.com/cr-de-reunion/
Ce devoir de mémoire ne concerne pas seulement la jeune génération, car il y a une urgence absolue à recueillir les dernières paroles, comme en témoignait déjà en 2009 le remarquable travail d’Orlando Figes dans son incontournable et passionnant essai, construit à partir de témoignages de survivants et d’archives familiales « Les chuchoteurs, vivre et survivre sous Staline », chez Denoël. Profitez donc de ces derniers jours de vacances pour vous y plonger (en français, traduit de l’anglais).
http://www.denoel.fr/Denoel/actus/B26085.jsp
Une présentation sur le site de l’association corse Kalinka-majcha
http://www.kalinka-machja.com/index.php?action=article&numero=145
« Les derniers survivants de la Kolyma » est un documentaire de Stéphane Fernandez que l’on peut se procurer en DVD sur le site de Mecanos Productions: Diana est la petite-fille de Sofia, survivante des camps. Elle essaie de comprendre le silence fait autour des épisodes tragiques du siècle passé et de recueillir le témoignage précieux de sa grand-mère.
La présentation du documentaire:
http://www.mecanosprod.com/index.html
En français : d’autres témoignages. A réécouter sur France Info dans l’émission de Jean Leymarie du 27 juin dernier, l’histoire de Pavel Galitsky, « dernier survivant de la Kolyma » de 101 ans :
Et l’article correspondant dans l’Express du 30 juin 2012, « Goulag, le dernier survivant de la Kolyma », par Sergey Grachev (article assorti d’un mini-dossier sur le même thème) :
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/goulag-le-dernier-survivant_1132072.html
A paraître en octobre, « La route de la Kolyma », chez Belin, par Nicolas Werth, historien spécialiste de l’Union Soviétique, quête de témoignages et des traces de cet immense ensemble concentrationnaire.
http://livre.fnac.com/a4638161/Nicolas-Werth-La-route-de-la-Kolyma
Les Pussy Riot
Le contexte
Espaces et échanges (cohésion de la nation russe : le substrat slave et orthodoxe ; la Russie actuelle : ouverture ou fermeture), lieux et formes de pouvoir (l’ Église et le pouvoir, l’art au service du pouvoir, les formes actuelles de contre-pouvoir), arts, croyances et représentations, autant de thèmes du programme culturel de l’enseignement des langues au cycle terminal que l’on peut aborder à travers le procès des Pussy Riot. Cf. les recommandations de l’Inspection de russe sur le site interacadémique :
http://www.sitac-russe.fr/IMG/pdf/Proposition_de_programme_culturel.pdf
Pour comprendre l’action des Pussy Riot, écoutez d’abord l’émission « Le Monde sur un plateau » du 15 août, diffusée sur France Inter, au titre lui aussi provocateur, « Dieu est-il punk ? ». Les invités de Martin Quenehen, Galia Ackerman, journaliste et historienne, Olga Kokorina, comédienne et membre de l’association Russie-libertés et Elena Servettaz, journaliste à RFI, replacent la performance réprimée par le pouvoir en place (l’Église orthodoxe et le Kremlin) dans son contexte social et politique. Vous pourrez notamment y entendre la chanson objet du scandale (à 5’ d’émission) et sa traduction en français (à 5’40). Ensuite Galia Ackerman fait un historique des attaques menées contre la religion en Russie depuis Tolstoï et leurs conséquences, mettant en évidence la disproportion du procès actuel. Le thème de la collusion entre l’Église (celle du Patriarche Kirill) et l’État (et la justice), dénoncée par les jeunes féministes, est ensuite illustré par quelques exemples. Suit un état des lieux de la foi dans la population, le rôle de l’Église orthodoxe divisée entre celle du patriarche russe Kirill 1er et celle de Constantinople :
http://www.franceinter.fr/emission-le-monde-sur-un-plateau-3e-etape-la-russie-dieu-est-il-punk
Qui sont les Pussy Riot ?
Une biographie en français de ces jeunes féministes (et pas seulement) engagées :
http://fr.canoe.ca/artdevivre/styledevie/article1/2012/08/17/20112666-afp.html
Un article en russe expliquant brièvement leur coup d’éclat et une courte biographie de chacune accessible pour les élèves :
http://www.vmdaily.ru/news/kto-takie-pussy-riot1345216262.html
Suivre toute leur actualité avec Russie-Libertés
Le site de l’association Russie-libertés suit l’affaire et relaye articles, tweets, interviews, appels et autres pétitions. Les différents articles du blog sont émaillés de liens qui vous renverront à une véritable revue de presse. Les Pussy Riot ne sont malheureusement pas les seules victimes des répressions politiques. En français.
Les vidéos et les textes
Sur le site du Huffingtonpost, vous pouvez voir la vidéo de l’action dans l’Église du Sauveur de Moscou (vidéo qui circule abondamment sur le Net). Cette vidéo est suivie de 11 autres autour de leur arrestation et des manifestations de soutien, dont des interviews des inculpées en russe, sous-titrées en anglais.
Sur cet article qui condamne la performance des Pussy Riot, la vidéo est suivie des paroles en russe de la chanson « Sainte Mère de Dieu, Chasse Poutine », avec une explication de texte :
http://www.polit.ru/news/2012/02/22/pussyriot/
Le blog des Pussy Riot sur Livejournal (en russe), avec, entre autres vidéos, caricatures, slogans et extraits de textes de lois à étudier, leur dernière chanson avant leur condamnation : « Poutine allume les feux de la révolution (et les paroles). Certains articles renvoient à des articles en anglais.
http://pussy-riot.livejournal.com/
L’opinion publique
« 1/3 des Russes croient à un procès honnête »
Encore une fois, malgré la grande médiatisation de cette affaire à l’étranger, plus d’un tiers de la population sondée par le Centre Levada ne s’intéresse pas au scandale des Pussy Riot : la dernière ligne de chaque tableau correspond à l’option « je ne saurais répondre », que la question porte sur l’équité et la régularité du procès, sur ses instigateurs ou sur leur propre jugement moral des jeunes femmes. Seuls 18% déclarent avoir suivi le procès, et 12% prennent plutôt parti pour elles (il y a donc une très large condamnation morale).
D’une façon générale, c’est la fatalité qui domine : c’est l’Église et la communauté orthodoxe qui sont à l’origine du procès, la condamnation sera basée autant sur les preuves de la culpabilité (36%), que sur une injonction venue d’en haut » (18%) ou d’un mélange des deux (15%), et ça ne changera rien à l’opinion que l’on se fait de la justice (55%).
Une enquête du 10-13 août, publiée le 17 août 2012 :
http://www.levada.ru/17-08-2012/tret-rossiyan-verit-v-chestnyi-sud-nad-pussy-riot
Le sondage du 31 juillet dernier montre que si la société est divisée quant au type de sanction qui devrait être réservé aux jeunes femmes et à l’indulgence dont elles devraient bénéficier de la part de l’Église, seulement 5% estime qu’elles ne méritent aucune sanction. Une très grande majorité estime que l’Église doit être garante de la morale et de la bonne conduite sociale, et que les églises ne doivent pas être un lieu de contestation.