Par François Jarraud
L’Acte III de la décentralisation commence à prendre forme. Dans une « déclaration commune » depuis l’Elysée, le 12 septembre à l’Elysée, le président de la République et l’Association des régions de France (ARF) ont mis par écrit des engagements, notamment en matière d’éducation.
La « déclaration » se décline en 15 engagements qui concernent l’emploi, les entreprises, les mutations économiques, les emplois d’avenir et la formation. Dans ce 8ème engagement, Régions et Etat s’engagent à « diviser par deux en 5 ans le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail sans qualification ». Pour cela, « les Régions renforceront leurs interventions pour lutter contre toutes les formes de «décrochage», en pilotant l’évolution de la carte des formations, mobilisant les différentes voies de formation professionnelle dont l’alternance, et en modernisant le service public de l’orientation que les Régions ont vocation à coordonner et animer ».
Cet accord reconnaît aux régions le pilotage de la carte des formations. Cela a un fort impact scolaire puisque cela veut dire que les ouvertures et fermetures de sections se feront en accord avec les régions. Récemment l’Etat, pour dégager des postes, avait pris des initiatives unilatérales parfois scandaleuses. Par exemple, en Auvergne, il avait décidé seul, deux mois après la signature de plan de formation, de la fermeture d’un lycée rénové deux ans plus tot.
L’autre domaine important est le service public de l’orientation. Dire que « les régions ont vocation à le piloter » pose la question de l’avenir des CIO et de leur personnel. Sont ils destinés à devenir personnel territorial ?
F Jarraud
L’accord
http://www.elysee.fr/president/root/bank_objects/15_Engageme[…]
Les régions revendiquent le pilotage des lycées
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/07/0507[…]
Les régions revendiquent le pilotage des lycées
Les régions veulent piloter les lycées et les CRDP. Réunis à Paris le 4 juillet, 12 présidents de conseils régionaux dont le président de l’Association des régions de France (ARF), Alain Rousset, ont présenté leur vision du nouvel acte de décentralisation promis par François Hollande. Ce nouveau partage des compétences ferait des régions les vrais pilotes des lycées, l’Etat gardant le pilotage pédagogique et la gestion des enseignants.
« On ne demande pas d’autres compétences que celles que l’on a déjà », explique Alain Rousset, président de l’ARF. « On dit simplement que leur aboutissement générera des économies ». C’est au nom d’une meilleure gestion que l’ARF revendique « un nouvel acte de décentralisation » qui ferait des régions les vrais patrons des lycées.
« Toutes les compétences qui nous ont été transférées dans le passé ont été mieux exercées… On ne peut continuer à être dans un système où il faut être 4 organismes pour prendre une décision. Il faut un chef de file ». Pour l’ARF, l’argument gestionnaire impose de « clarifier » le partage des compétences. Il faut dire que la loi de décentralisation a brouiller les cartes ce qui permet actuellement à l’Etat de garder la main mise et a l’Etat de garder un fonctionnement centralisé.
Les revendications de l’ARF
L’ARF parle de « décentralisation de stratégie plus que de gestion » c’est à dire qu’elle revendique le pilotage dans son champ de compétences. Cela va bien sur au delà des questions d’éducation. Mais dans ce champ, l’ARF souhaite que les régions deviennent chef de files des politiques d’orientation. D’ailleurs le seul transfert de personnels d’éducation que l’ARF demande c’est celui des personnels des CIO. « On est sensible aux questions d’orientation car on veut un haut niveau de réussite pour les jeunes » , a précisé A. Rousset au Café pédagogique. L’ARF souhaite aussi que les régions soient associées à la lutte contre le décrochage.
Les régions devraient également élaborer le plan régional des formations tout au long d ela vie en concertation avec les acteurs économiques et sociaux et les recteurs. La région élaborerait la carte des formations initiales tant en apprentissage que pour les formations qualifiantes en lycée. Elle serait associée à la sectorisation des lycées.
Au centre du dispositif, un nouvel organe de pilotage serait créé dans chaque région réunissant le président du conseil régional, le recteur, le président du PRES représentant l’enseignement supérieur, le président du CESER représentant les acteurs sociaux economiques. Ce nouvel organe signerait un contrat pluriannuel avec le rectorat ou la DRAAF. Au niveau national, le Conseil territorial de l’éducation nationale accorderait aux régions la majorité sur les questions de lycées.
La région au coeur de chaque lycée
Pou rl’ARF, au contrat entre chaque lycée et l’Etat se substituerait un contrat tripartite entre le rectorat, la région et le lycée. Ce « pacte éducatif » responsabiliserait les équipes éducatives et fixerait des objectifs et des moyens. L’objectif de pilotage des régions est confirmé par la demande de modification des conseils d’administration des lycées. Leur composition serait revue pour que la part des représentants de la région et du monde socio-économique soit plus forte. Le lien entre région et gestionnaire de l’établissement serait « approfondi ».
Les régions pilotes du numérique éducatif ?
L’ARF souhaite aussi donner un rôle de premier plan aux régiosn en matière de numérique éducatif. Elles souhaitent prendre en charge la maintenance du matériel numérique qu’elles financent actuellement, « sous réserve de compensation financière par l’Etat ». On sait qu’aujourd’hui cette question mal réglée est un des points de blocage pour l’intégration des TICE dans les enseignements. Mais l’ARF veut aller plus loin. La région serait « systématiquement associée à la définition des grandes orientations et des expérimentations menées par l’Education nationale et à leur déclinaison sur le plan régional par le rectorat, en lien avec le réseau CNDP ». Pour Alain Rousset, « on ne veut pas recréer des réseaux d’intelligence collective comme le CNDP, on les prend »…
Si le Parlement suit les régions, celles-ci seront bien les vraies pilotes des lycées et de la formation professionnelle. Elles s’impliqueront davantage sur le terrain pédagogique. La question des rapports avec l’Etat demeurera cependant puisque les personnels resteraient de statut national.
François Jarraud
Association des Régions de France : Vers une « co-construction » des politiques éducatives ?
Allongement de l’année scolaire, orientation, numérique… François Bonneau, Président de la Région Centre, vice-Président de l’Association des Régions de France, tenait jeudi 30 août la conférence de presse de rentrée de l’ARF. Pour lui, la rentrée 2012 constitue un moment de rupture par rapport à une époque marquée par « l’ignorance, voire le mépris des collectivités territoriales» de la part de l’État. Désormais, le temps est venu de la « co-construction » des politiques éducatives entre l’État et les régions. Avec un budget de 5,3 milliards d’investissement pour les lycées, de 4,7 milliards pour l’apprentissage, les Régions peuvent prétendre à la reconnaissance de leur part de responsabilité dans les décisions, remarque-t-il. Si les prérogatives de l’État en termes de recrutement, de contenus d’enseignement, de diplômes n’ont pas à être mises en cause, rien ne pourrait se faire si les Régions n’avaient d’autre apport que des compétences matérielles de construction de locaux. Avec la présence d’un représentant des collectivités en tant que tel à la concertation sur la refondation de l’école, c’est un pas décisif qui est franchi en ce sens par le nouveau gouvernement.
Numérique : l’objectif du très haut débit
En dépit de son haut niveau d’équipement, en évolution positive, la France reste faible dans son niveau d’utilisation des outils. Le passage national à la fibre va permettre aux établissements d’accéder au très haut débit sur tout le territoire, ce qui représente un coût moyen de 2 milliards d’euros par Région. En complément, se pose le problème de la maintenance des équipements, jamais clairement tranchée jusqu’à présent. Les Régions seraient prêtes à l’assumer, selon des modalités en cours de discussion (réorientation d’emplois techniques, transfert de fonds de l’État), plus satisfaisantes et efficaces que le recours à des professeurs ponctuellement indemnisés pour ces tâches. Quant aux contenus, si les Régions se gardent de vouloir empiéter sur les responsabilités de l’État, François Bonneau rappelle qu’elles fournissent déjà les manuels scolaires. Une évolution de la destination des fonds qui y sont consacrés vers des contenus numériques, libres ou éditoriaux, est donc aisément envisageable.
Un bouleversement des frontières entre l’interne et l’externe
Le numérique éducatif modifie en profondeur les relations entre l’école et son environnement. Même les structures architecturales sont modifiées : on ne pense plus les locaux en termes de salles (CDI, salles d’études, etc.) mais en termes d’espaces de travail aménageables pour des tâches communes et transversales. En accélérant la modularisation des formations qualifiantes, dans l’initial comme au long de la vie, le numérique introduit un assouplissement du rapport à l’enseignement qui peut être un recours majeur contre l’échec scolaire ou les problèmes de formation continue. « Les enseignants savent bien qu’on n’en est plus à la question de savoir si le numérique va remplacer les professeurs », souligne François Bonneau, évoquant sa récente visite au Salon Ludovia. Mais un pilotage partagé entre collectivités et recteurs permettrait de réaliser les adaptations nécessaires.
Coordonner les acteurs de l’orientation
Autre point sensible, le réseau de l’orientation : trop dispersé et peu efficace, en raison du manque de coordination entre les acteurs, estime l’ARF. Le manque de pilotage sur les territoires engendre une illisibilité de l’offre, des centaines d’acteurs publics ou privés se mêlent et échouent à répondre à une demande de plus en plus pressante de la population. Les Régions peuvent assurer une régulation au plus près de la réalité des territoires, en particulier économiques. Il faut tenir compte du fait que la mobilité géographique n’est pas la même selon le niveau de diplôme, explique François Bonneau : à niveau V, les perspectives sont limitées et il faut une adaptation locale. Déjà en charge de l’apprentissage et d’une partie de la formation adulte, les Régions veulent être contractuellement associées aux Conseils d’Administration des établissements. Là encore, l’orientation scolaire dévolue aux Co-Psy et aux Professeurs Principaux des lycées n’est pas en cause, même si l’ARF n’exclut pas d’intégrer les CIO qui le souhaiteraient dans un réseau régional de l’orientation.
Clarifier les responsabilités sur la carte des formations professionnelles
Pour l’alternance, les Régions sont déjà en charge de l’élaboration de la carte des formations ; mais l’État en décide pour les Lycées Professionnels : deux instances peuvent prendre au même moment des décisions contradictoires. Dernièrement, les places en LP ont diminué, avec une création de places en apprentissage, mais au niveau III et II (Bac+2 et 4). Un nombre croissant de jeunes ne trouvent pas de place en formation à leur niveau, IV ou V : confier la carte des formations aux Régions permettrait de retrouver une cohérence qui lui fait défaut. « Nous sommes en position de conduire toutes les concertations avec les grands acteurs économiques et avec l’État », poursuit François Bonneau, qui permettraient de soumettre aux Recteurs des propositions précises, dont ils décideraient ensuite s’ils peuvent ou non les mettre en oeuvre et dans quelle mesure, en fonction des moyens dont ils disposent.
Allonger l’année scolaire
Le principal enjeu de la discussion sur les rythmes scolaires réside clairement, pour les Régions, dans l’allongement de l’année scolaire, ce qui met en question l’ouverture plus ample des lycées, éventuellement à d’autres activités. L’effort entrepris pour l’amélioration de la restauration scolaire justifierait ainsi un temps de repas plus important, l’aménagement du paysage éducatif devrait conduire à développer l’offre d’internat, avec davantage de places et des lieux plus accueillants, plus agréables à vivre. L’ARF estime, en accord avec les attentes des parents, et sans opposition majeure, semble-t-il, de l’industrie du tourisme, que l’année scolaire peut être allongée de deux semaines en été – avec une stabilisation plus forte de la scolarité du mois de juin, trop parasitée par les procédures d’appel et les examens.
Des transformations en profondeur, par conséquent, dans les rapports de responsabilité entre les Régions et l’État, pour lesquelles il n’est pas question de faire exploser le niveau d’emprunt des collectivités territoriales : en période de difficultés budgétaires, l’ARF entend gérer ces transformations à moyens constants. La solution ? Supprimer les doublons et les multiplications d’échelons inutiles entre les instances, redistribuer rationnellement les rôles et les fonctions, assainir et clarifier l’utilisation des moyens déjà en œuvre. De sages résolutions dont les premiers effets devraient tomber à point nommé pour couronner les 30 ans de la délocalisation éducative, l’an prochain.
Jeanne-Claire Fumet
Liens :
Les régions revendiquent le pilotage des lycées
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/07/050720[…]
Les régions confirmées comme partenaires de l’Education nationale
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/2[…]
Picardie : La région refonde l’Ecole avec les parents
La région Picardie signe une convention avec la Fcpe qui reconnaît leur rôle actif dans la réussite éducative.
Mercredi 4 juillet, Claude Gewerc, président du Conseil régional de Picardie et Abdelaziz Rouibi, président de la Fcpe Picardie ont signé une convention qui reconnaît la fédération de parents d’élèves comme un acteur important de la réussite éducative.
« Tout ce qui semble acquis ailleurs n’est pas encore de droit commun sur notre territoire », explique Claude Gewerc. Vieille région agricole et industrielle, où l’on allait travailler très jeune, la région a un taux de sorties sans qualification important. « Or l’acquisition des connaissances et la formation professionnelle, le retour en formation des sorties sans qualification sont la seule façon de lutter contre les dégâts sociaux qui nous attendent », estime Claude Gewerc.
Le président du conseil régional a une autre certitude : « Il faut arrêter de tout demander aux enseignants… Quand il y a une crise on accuse les enseignants. Or on devrait s’interroger sur le lien entre les enseignants et les familles ». Celles-ci doivent prendre leur place dans la réussite éducative , promue au premier rang des préoccupations régionales.
L’accord
Aussi l’accord signé le 4 juillet entre la région et la Fcpe est une première. Il associe la Fcpe au programme de réussite éducative régional et accorde une subvention à la Fcpe régionale. Il prévoit une formation de sparents sur le fonctionnement des établissements scolaires et la participation au conseil d’administration. Il prévoit la participation des parents à l’orientation à travers en les invitant à présenter leurs métiers aux élèves. Il accorde aux parents un lieu identifié dans les établissements scolaires. Tous ces nouveaux dispositifs seront expérimentés à la rentrée dans 4 lycées de la région.
L’ENT lien de la communauté éducative ?
Cette politique entend s’appuyer sur le déploiement de l’ENT Léo, un frère du Lilie francilien. « L’ENT permettra aux parents de communiquer par mail avec le lycée », affirment les parents de la Fcpe. De fait le conseil régional offrira une formation aux responsables Fcpe régionaux et départementaux à charge pour eux de former leurs responsables locaux. La Fcpe entend utiliser les outils de communication inclus dans l’ENT pour mieux communiquer avec les parents.
Cet accord unique entre Région et parents devrait inclure le troisième partenaire, indispensable à la réussite éducative : l’éducation nationale. « L’ancien recteur n’a rien compris », estime C. Gewerc. Avec un nouveau recteur l’Ecole saura-t-elle reconnaitre leur place aux parents ? Apprendra-t-elle à dialoguer avec les parents grâce à l’ENT ? C’est aussi le pari de cet accord. Dans l’ombre de l’Ile-de-France, mal armée face à la crise, la région a peu de temps pour refonder la place de l’Ecole. C’est bien cela qui est en jeu dans ce nouvel accord.
François Jarraud
Sur le site du Café
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