Par François Jarraud
Peut-on sauver le soldat LPC ? Pour l’Inspection générale, qui publie un rapport sur « la mise en oeuvre du livret personnel de compétences au collège » (LPC), il le faut absolument. Pourtant le rapport montre que, de sa validation aventureuse à sa cohabitation loupée avec le brevet, le déploiement du LPC est en échec. « Réussite technique » pour le rapport des inspecteurs Brigitte Hazard et Roger-François Gauthier, le déploiement du LPC ne permet quand même pas un réel suivi des élèves et encore moins leur évaluation. Alors pourquoi s’obstiner ? Il y a des raisons…
Ce premier bilan du déploiement général au collège du LPC se veut « nuancé ». En fait il est accablant aussi bien sur l’outil lui-même que sur ses effets sur les pratiques enseignantes. Mais les termes sont mesurés. Les inspecteurs évoquent le » caractère regrettablement disparate de la mise en oeuvre du LPC selon les académies et les établissements. Les contradictions qui ont sans cesse pesé sur ce dossier ont eu comme conséquence un grand inconfort de travail pour les professeurs ». Le livret » ne jouait pas non plus dans de bonnes conditions son rôle d’outil de suivi personnalisé des parcours, au sein du collège comme entre le collège et aussi bien les écoles primaires de l’amont que les lycées de l’aval ». Quant à sa cohabitation avec le brevet elle est « un obstacle à la mise en oeuvre du socle commun ».
Le rapport ne mentionnera pas une autre fois la souffrance des enseignants que l’on oblige à cocher une centaine de cases pour chaque élève probablement en vain. Sur ce terrain, il est moins sévère que le rapport Grosperrin ou celui du HCE. » Pour reprendre une expression très imagée entendue au Collège Françoise Dolto de Paris, le cochage des cases de validation des sous-compétences transformerait les équipes enseignantes en « poinçonneurs des Lilas » », écrivait Grosperrin. « Ce document a été même qualifié dans cet établissement « d’attestation Mc Gyver », ce qui en dit long sur son image dans la communauté enseignante ». Quant au HCE, il parlait des « distorsions » du LPC, perçu comme un pensum bureaucratique.
Le rapport de l’Inspection montre que le LPC est rempli de façon aléatoire. Il évoque le « sentiment d’abandon » des équipes devant l’évaluation. » Les équipes ne reconnaissent pas dans ce livret un outil de suivi de l’élève au cours de sa scolarité au collège. Même lorsqu’il est complété régulièrement et avant le niveau de troisième, sa présentation (l’existence d’un menu déroulant en particulier) limite la vision d’ensemble du profil de l’élève. Le LPC n’est pas encore un outil de communication habituel, automatique ». Les enseignants les plus engagés, selon l’Inspection, regrettent des outils précédents, ce qui tend à donner à croire que la qualité de l’outil explique le désamour. Or le rapport montre aussi que la validation est faite dans des conditions très variées mais jamais satisfaisante. Et que comme outil de communication, il est « un frein » entre école et collège et reste ignoré entre collège et parents ou collège et lycées. Quant à son articulation avec le brevet elle est totalement à revoir puisque le LPC n’est plus qu’un élément secondaire pour le jury. Ce qui l’emporte c’est la classique note des traditionnelles épreuves.
Alors pourquoi s’obstiner à sauver le LPC ? C’est que le LPC matérialise le socle. Là par contre l’Inspection se lâche pour crucifier la façon dont l’éducation nationale a introduit le socle. » Sa mise en oeuvre aurait dû se concrétiser en principe par des changements dans ce qui est enseigné, le socle commun étant d’abord un référentiel d’enseignement, avec des contenus définis par la nation comme indispensables à chacun… Elle aurait dû secondairement consister en une nouvelle approche pédagogique et interroger le « comment enseigner ? », puisque le socle ne vise pas seulement l’acquisition de savoirs par les élèves, mais aussi la maîtrise des compétences à mobiliser ces savoirs dans diverses situations ». Or rien de tout cela n’a eu lieu, bien au contraire pour les programmes puisque « dans la majorité des disciplines, le socle ne représente qu’une partie des programmes ». Et le LPC est « apparu comme un révélateur des difficultés pour les acteurs des collèges à articuler maîtrise du socle et programmes disciplinaires d’une part, évaluation par compétences et notes chiffrées d’autre part ». Il n’y a pas eu de rénovation pédagogique.
Puisque l’Inspection tient au socle elle souhaite sauver le LPC et propose des améliorations. Il faut » simplifier le LPC en retrouvant ses unités signifiantes (appelées domaines), qui sont comprises par tous les acteurs, élèves et parents compris ». C’est sans doute ce que va faire V Peillon qui a annoncé, dans l’entretien qu’il a accordé au Café pédagogique début septembre, un LPC simplifié. Il faut pour les inspecteurs réécrire le socle et les programmes. Le premier point exige une loi. Le second a également été annoncé par V Peillon dans cet entretien. L’inspection souhaite » faire du LPC ainsi réécrit un véritable outil de communication entre les différents niveaux d’enseignement » et parallèlement créer un outil de communication avec les familles. Enfin elle veut » résoudre l’actuelle contradiction entre validation du socle et certification du DNB en instaurant au sein de l’examen la logique du socle commun et en en faisant un instrument, en complément du LPC, permettant une validation de la scolarité obligatoire qui serait avantageusement confiée, avec toutes les régulations nécessaires, aux seuls professeurs de l’établissement qui connaît l’élève ».
A quoi sert le LPC ? Encore une fois c’est l’angle administratif qui est privilégié dans ce rapport. Il donne à entendre qu’un meilleur outil informatique de saisie réglerait la question de l’évaluation surtout si les chefs d’établissement exercent les pressions nécessaires. Cela alors même que la perspective d’un grand fichier national des compétences de tous les élèves de France est inquiétante. Il préconise de dédoubler le LPC avec un outil de communication, ce qui alourdirait encore le travail des enseignants sans le légitimer davantage. Car c’est bien par là qu’il faut commencer. En quoi le LPC peut il aider à réduire l’échec scolaire ? Dans quelle mesure peut-il aider le travail enseignant ? Quelles formations organiser pour les enseignants ? Dans quelle mesure les équipes éducatives en charge de la validation du LPC seront réellement reconnues dans un établissement organisé pour les reconnaître ? Sans prise en charge de ces dimensions, l’allègement du LPC aura peu d’effet sur les pratiques.
François Jarraud
Le rapport
Rapport du HCE
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2012/2012Presid25.aspx
Rapport Grosperrin
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/116_5.aspx
Sur le site du Café
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