Comment rendre attractive une filière, comment s’approprier la marge d’autonomie dédiée aux établissements ? L’équipe pédagogique du lycée professionnel agricole Martin Luther King de Narbonne s’est interrogée et a répondu de façon innovante , en proposant une option « langue des signes française» (LSF) aux élèves de la filière service.
Le LPA Martin Luther King est un centre constitutif de l’établissement d’enseignement agricole public de Carcassonne. Lycée à taille humaine, il propose deux filières : la gestion des milieux naturels et de la faune, et les services aux personnes. Pour la première, une option facultative « plongée sous-marine » est proposée depuis trois ans, pour la deuxième jusqu’à la rentrée, il n’y avait rien. Thierry Force, le proviseur du lycée, précise « pour nous les deux filières ont la même importance, il fallait donc trouver un système identique pour apporter un plus également aux élèves inscrits en Service aux Personnes et aux Territoires».
Une option dans une filière est indéniablement une touche locale apportée au cursus scolaire mais aussi un atout supplémentaire pour les titulaires des diplômes. Apprendre la plongée et obtenir le niveau 2 offre aux bacheliers narbonnais du GNMF une autre corde à leur arc lorsqu’ils veulent continuer leurs études ou trouver un emploi dans le secteur de la gestion des espaces naturels. Quel enseignement facultatif mettre en place pour le bac professionnel Services aux personnes et aux territoires, en lien avec la formation tout en offrant une ouverture ? Pour l’équipe pédagogique, une activité liée à la communication interpersonnelle aurait tout son sens. Théâtre, mime ? Finalement, c’est la LSF qui s’est imposée à l’occasion d’un reportage télévisé sur le sujet.
Stéphane Janin, enseignant en éducation socioculturelle explique ce choix : « Avec la filière service, nous voulions faire travailler les élèves sur l’attention, l’écoute, le rapport aux autres. Avec sa dimension communication et relationnelle, l’apprentissage de la LSF fait sens pour des élèves qui travailleront ensuite dans le domaine des services à la personne et aux territoires. C’est un complément réel pour la formation professionnelle de ces jeunes. » La LSF est une véritable langue avec un vocabulaire, une grammaire, des subtilités qui nécessitent un véritable enseignement. Un contact est pris avec l’Association des Sourds de l’Aude, enthousiasmée par le projet. Au mois de mars dernier, une matinée de rencontre est organisée avec les 60 élèves de la filière. A l’issue des ateliers, 40 élèves manifestent leur intérêt pour l’initiative.
L’ouverture de l’enseignement facultatif est votée au conseil d’administration de l’établissement. Thierry Force prend son bâton de pèlerin pour trouver des financements et recueille un avis favorable auprès du Conseil Régional. Tout est prêt pour un démarrage à la rentrée 2012 pour les classes de première. Dans leur dossier d’inscription, les élèves intéressés ont coché la case de l’option et joint une lettre de motivation. Le nombre de places étant limité à 10 par groupe, une sélection doit être faite. Les candidats sont motivés avant tout par les compétences supplémentaires qui seront ainsi acquises. « Pour une maison de retraite, une crèche ou encore un office de tourisme, avoir un salarié qui maitrise la LSF est un réel atout » précise Stéphane Janin. En tout, ce sont vingt élèves qui suivent depuis la rentrée un cours de 1 h 30 par semaine animé par Corine Tournier, formatrice diplômée de l’Association des Sourds de l’Aude.
Le proviseur et les enseignants sont ravis du succès remporté. « Mettre en place une telle option c’est un moyen de participer à la prise d’autonomie de l’établissement. On crée un enseignement original que très peu d’autres lycées proposent , on se fait plaisir et on fait plaisir aux élèves. Et puis cela change l’image du lycée agricole. », ajoute Stéphane Janin. Pour Thierry Force, le proviseur, le travail n’est pas terminé. « Il faut maintenant que l’option LSF soit reconnue comme une option au bac au même titre que l’occitan, le basque ou le breton ». Et puis pourquoi ne pas prévoir l’ouverture d’une section intégrant des élèves déficients auditifs pour les former aux diplômes de l’enseignement agricole ? « Lorsqu’on nous interroge sur notre motivation à créer cette option, on nous demande souvent si nous avons des élèves sourds. Nous avons plutôt réfléchi dans l’autre sens en considérant la LSF comme une véritable langue qui permet de mieux communiquer mais c’est vrai que cela donne envie d’aller plus loin. » La LSF a ouvert de nouveaux horizons pour les élèves du lycée agricole Martin Luther King de Narbonne et semble t’il aussi pour l’équipe éducative.
Monique Royer