Par Anne Delannoy
Cet outil de curation et de partage de contenus a été créé aux Etats-Unis en 2010. Il a connu un essor important depuis le début 2011 pour atteindre le 3ème rang des réseaux sociaux utilisés dans ce pays. En France, la blogosphère en parle beaucoup et musées, bibliothèques, presse ou milieux scolaires commencent à se lancer dans l’aventure…
Un média très visuel
Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Le nom du site est un mot-valise anglais crée à partir de «pin» et «interest» signifiant respectivement « épingler » et « intérêt ». Avec Pinterest, les utilisateurs ont la possibilité de créer des albums photos, à partir de leurs propres images ou vidéos mais aussi de celles du web. Ces images sont «épinglées» sur des pages thématiques, «board», rapidement et simplement. Comme la plupart des médias sociaux, Pinterest, simple et rapide, donne la possibilité de commenter et de partager l’information vers d’autres interfaces (Facebook, Twitter) augmentant ainsi son attractivité et sa visibilité. La grande originalité de ce média est son côté très visuel.
Quels peuvent en être les usages en classe ? En juin, le site Tout Pinterest définissait plusieurs pistes de travail :
– « Partager les idées et les ressources de la classe » (par exemple une sortie scolaire, une expérience scientifique, des expositions d’élèves) et utiliser la fonction collaborative pour alimenter un board par un groupe ou une classe.
– « Organiser les éléments de préparation d’un cours ou d’une leçon de manière efficace » : l’enseignant peut regrouper de manière rapide et visuelle toutes les ressources pour illustrer ou prolonger un cours.
– « Créer une liste de livres et de conseils de lecture » : par exemple « vous pourrez y ajouter les livres que les élèves ont lu ou sont en train de lire et la classe pourra y laisser des commentaires et des avis. Les élèves pourront aussi pourquoi pas y ajouter les livres qu’ils souhaiteraient lire… A la fin de l’année, ce tableau permettra de visualiser la grande quantité de livres lus par la classe , ceux qui ont le plus plu et ceux qui ont suscité le plus de commentaires. »
On imagine aussi sans peine une utilisation dans le cadre de l’histoire des arts avec l’affichage de l’ensemble de œuvres étudiées ou un « board » avec une oeuvre choisie et son contexte artistique.
Le site Tout Pinterest
http://www.toutpinterest.com
Les profs docs s’en emparent !
Certains collègues professeurs documentalistes ont franchi le pas. C’est le cas d’Anne Kuss au collège de Taravo en Corse qui a certainement été la première à tester l’outil. Ses pages sur Pinterest sont imaginées comme des étagères virtuelles pour « trouver des idées de lecture ou pour plonger dans l’univers du livre et y faire des découvertes en images ». Les rubriques s’organisent entre les nouveautés, le hit parade des prêts, les livres recommandés par les élèves, les livres devenus films, les conseils lecture pour ceux qui n’aiment pas lire, les lectures sur les années collège, les début de livres, et la rubrique sur ce que l’on peut faire au CDI si on ne lit pas (pictogrammes). Le point fort de l’outil est que les livres épinglés prennent la forme de la couverture du livre et le lien renvoie vers la notice détaillée via Esidoc. Les élèves du club lecture pourront aussi être amenés à alimenter eux-mêmes certaines rubriques. Nous l’avons interrogé sur son expérimentation :
Comment vous est venue cette envie d’utiliser Pinterest en milieu scolaire ?
Anne Kuss : Lors de la préparation d’une formation sur les réseaux sociaux, je me suis intéressée d’un peu plus près à Pinterest dont j’entendais de plus en plus parler et qui créait l’engouement, grâce notamment à la part belle que ce réseau social fait aux images. Je suis tombée sur un article en anglais qui montrait l’intérêt de Pinterest pour les bibliothèques scolaires américaines, et j’ai visité quelques-uns de leurs Pinterest. J’ai immédiatement vu dans cet outil un moyen extraordinaire de faire le lien entre le livre, souffrant d’une image vieillotte et ringarde, et l’écran, un moyen de réunir deux univers et de montrer qu’ils ne s’opposent pas mais se complètent.
Quel est selon vous l’intérêt majeur de cet outil ?
Anne Kuss : Le CDI s’étant de plus en plus « dématérialisé » au fil des ans (portail de ressources, blog, base en ligne), les élèves rentrent dans l’univers du CDI par l’écran plutôt que par une exploration physique (ce qui a l’avantage d’attirer aussi de nouveaux publics). Pinterest est un moyen pour moi de mettre la lecture et le livre en valeur au cœur de cette « dématérialisation », de donner un second souffle à la lecture, de dépoussiérer le livre, de mettre en valeur les collections. C’est aussi un moyen d’exploiter la base documentaire : la plupart des images proviennent de la base et on peut cliquer sur un lien qui renvoie à la fiche bibliographique de BCDI (l’intérêt pour un CDI d’être sur un réseau social est à mon avis de valoriser notre travail de saisie en incitant à la consultation de la base informatisée).
Le CDI du collège de Taravo en Corse
http://pinterest.com/cditaravo/
Quelques Pinterest à découvrir
Les collections de la BNF avec Gallica pour une valorisation du fonds anciens (documents, gravures, fonds « rares ») avec par exemple des curiosités géographiques ou des affiches de mai 68.
La médiathèque des Ulis dans l’Essonne propose entre autres des conseils lecture du « club science-fiction, fantastique et fantasy » et des pages « ciné-club ».
A la suite d’Anne Kuss, plusieurs professeurs documentalistes ont choisi de tester l’outil en proposant également des étagères virtuelles de leur CDI. Pour l’instant, il est encore trop tôt pour évaluer l’efficience d’une telle démarche sur les élèves.
La BnF
http://pinterest.com/gallicabnf/
La médiathèque des Ulis
http://pinterest.com/mediathequeulis/
Le collège Jules Verne de Bourges
http://pinterest.com/murgiaverne/
Le lycée Jules Fil de Carcassonne
http://pinterest.com/cdijulesfil/
Le collège Wallon de la Seyne-sur-Mer
http://pinterest.com/caroalbertini/
Et le respect du droit d’auteur alors ?
Si ces initiatives sont attirantes, il ne faut pas oublier le fréquent manque de respect du droit d’auteur généré par les outils de curation. Les problèmes soulevés sont rapidement complexes comme le souligne Calimaq sur son blog S.I.Lex (« carnet de veille et de réflexion d’un bibliothécaire »). En effet, en épinglant une image issue du Web, Pinterest copie cette image sur le profil de l’utilisateur. Même si le lien pointe en retour vers le site d’origine (créant ainsi un trafic vers ce site), cette copie et republication de l’image va à l’encontre du droit d’auteur. Comme le précise Calimaq, les conditions générales d’utilisation de Pinterest « indiquent clairement que les membres de Pinterest doivent être titulaires des droits sur les contenus qu’ils partagent ou qu’ils doivent disposer de l’autorisation explicite de leurs auteurs, à défaut de quoi ils engagent leur propre responsabilité ». Pinterest se dégage de toutes responsabilités mais essaye tout de même de trouver des parades et des gardes fous, en offrant la possibilité de rendre son site « inépinglable » par exemple ou de retrouver toutes les utilisations abusives des images d’un site. Dans nos CDI, nous pouvons utiliser Pinterest, mais ce problème de droit reste un casse-tête. Comme lorsque nous alimentons un blog, un site de CDI ou quoi que ce soit, nous sommes dans l’obligation de faire les démarches nécessaires pour obtenir l’autorisation de publier des images lorsqu’elles sont protégées.
Sur le blog S.I.Lex, Pinterest se pique aux règles du droit d’auteur
http://scinfolex.wordpress.com/2012/03/02/pinterest-se-pique-aux-regles-du-droit-dauteur