Alors que 150 000 jeunes, issus des familles populaires, sortent chaque année du système éducatif avec un niveau de qualification jugé insuffisant, comment assurer la réussite de tous ? Pour y réfléchir, le Café pédagogique organise le samedi 6 octobre, à Paris, au CNAM, Le Forum de la démocratisation de l’Ecole. Le Forum fera se rencontrer vos propositions, les pratiques d’enseignants reconnues au Forum des enseignants innovants, les analyses des experts ( J. Bernardin, G. Longhi, Y. Reuter, Y. Rochex), les expériences des politiques locales (H. Zoughebi). George Pau-Langevin, ministre de la réussite éducative, et Nathalie Mons, membre du comité de pilotage de la concertation sur l’école, clôtureront le Forum.
Démocratisation : croiser les regards des recherches et ceux du métier ?
S’il est désormais bien établi que l’Ecole Française ne parvient pas à « faire réussir » les 15 à 20% d’élèves les plus « en difficultés », le consensus national peine à prendre corps, à la fois sur « ce qu’il faudrait faire » pour y parvenir, et en conséquence les leviers à actionner, notamment dans un cadre budgétaire relativement contraint.
La concertation bat son plein, mais ses séances sont ouvertes aux seuls « responsables » et « experts ». C’est pourquoi le Café Pédagogique a décidé de permettre directement aux acteurs, qu’ils soient enseignants, acteurs de collectivités locales, parents ou simples citoyens, de venir mettre leur grain de sel. Avec une organisation simple : des témoignages d’enseignants innovants, des apports d’experts, et quatre groupes thématiques pour venir échanger sur vos ambitions, vos expériences ou vous questions.
S’il est certain que la journée ne suffise pas à épuiser le débat, elle sera indubitablement l’occasion de croiser les regards. Avec l’idée qu’une des difficultés des questions à régler en matière d’éducation, c’est bien de « prendre au sérieux » les angles à travers lesquelles les autres acteurs voient l’Ecole, en fonction de la position qu’ils occupent…
Du côté de la recherche, les points de vue sont nombreux, parfois divergents.
Les sociologues insistent sur le rapport au savoir que veut construire l’école, d’autant plus difficilement que les normes familiales en sont loin. Certains critiquent les implicites de la forme scolaire, qui favoriserait sans le vouloir les enfants des catégories sociales au capital culturel élevé. Les didacticiens, eux, insistent sur la nécessité d’identifier les « obstacles » à l’apprentissage, souvent issus de l’histoire de la construction disciplinaire des savoirs scolaires, et s’évertuent à donner des pistes à travers des outils et des situations. Les cognitivistes insistent sur l’automatisation des procédures et savoir de base , nécessaire pour libérer l’activité de la mémoire de travail. La psychologie sociale observe comment les situations contribuent à développer l’estime de soi ou au contraire la détruisent.
Du côté des « pédagogues »
Centrés sur leurs conceptions de l’enfant ou de l’apprentissage, les pédagogues centrent la focale sur la motivation, les interactions, les situations, l’activité de l’apprenant, la coopération, le projet d’apprentissage. On remet en cause les modalités classiques d’évaluation, la division entre les disciplines et/ou entre les ordres d’enseignements. On fait une grande place aux « compétences », à « l’interdisciplinarité », au bien-être des élèves, au travail collectif des enseignants…Paradoxalement, l’institution rejoint parfois certains mouvements pédagogiques ou associations lorsqu’elle insiste sur l’innovation, l’expérimentation, les TICE, le changement, la rupture avec les routines, les éducations à…, l’autonomie, la contractualisation, les postes à profils… comme étant des leviers pour la réussite scolaire.
Les collectivités territoriales, qui ont acquis progressivement leurs compétences en matière éducative, réclament désormais de prendre toute leur place dans la discussion pédagogique, au nom du fait qu’elle entendent bien assortir leur prise en charge financière d’un vrai siège autour de la table du pilotage…
Du côté des enseignants
Du coté des enseignants, plus ou moins sensibilisés à ces différentes approches, c’est d’abord l’agir quotidien qui détermine l’urgence : il faut « faire classe », préparer le travail à faire pour les élèves, gérer les relations avec les parents… La réduction des effectifs reste toujours la première demande, suivie de plus en plus fort par le besoin d’accompagnement, de formation, de travail collectif. La formation s’empare avec plus ou moins de difficulté de ces questions, oscillant entre prescrire ce qu’il y a à faire et accompagner pour comprendre ce qu’on fait, et ce d’autant moins facilement que ses moyens ont subi des coupes drastiques. Les espaces locaux, dans l’établissement et dans les réseaux, restent trop rares pour contribuer à développer la culture professionnelle des différents acteurs.
Face à ces défis, le Café Pédagogique est un des acteurs qui peut contribuer à la discussion, à la fois par sa capacité à nourrir les informations accessibles à tous, gratuitement, mais aussi par ses initiatives : le Forum des Enseignants Innovants a gagné ses lettres de noblesses et est devenu un lieu unique de confrontation des multiples inventions des enseignants pour mieux faire apprendre leurs élèves. Le Forum de la Démocratisation poursuit le genre, en faisant dialoguer directement des universitaires de plusieurs courants de recherche, des responsables de collectivités locales et des enseignants, autour d’une problématique simple : la République est-elle prête à donner à l’Ecole les moyens d’une nouvelle ambition au service de la réussite de tous ?
Les lecteurs du Café Pédagogique, eux, comme beaucoup d’autres, n’attendent pas les calendes grecques pour s’y mettre.