Enseigner les sciences, à l’école ou dans le second degré, ce n’est pas forcément la même chose, mais une question commune se pose aux enseignants : comment, dans la classe, mettre en œuvre des démarches d’apprentissage efficaces ? Construire des expériences, engager des démarches « actives », « faire la place aux représentations », « faire parler », « faire débattre », « faire écrire », « synthétiser les travaux de groupe »… Autant d’objectifs qu’on aimerait pouvoir mettre en œuvre sans problème, mais qui inquiètent nombre d’enseignants, notamment lorsqu’ils ont eu en la matière des expériences difficiles : temps qui file, situations ingérables, débats limités à quelques élèves, posture de l’enseignant difficile à trouver…
Le petit (par la taille) ouvrage que publie Christian Orange, dans la remarquable collection «Le point sur…Pédagogie» dirigée chez De Boeck par S. Kahn et B. Rey, ne s’en tient pas aux recettes pour débutants. Il articule savoirs de la recherche et expériences de formateurs dans un langage accessible, mais sans rabattre l’exigence. Oui, enseigner les sciences, ce n’est pas si simple, mais si on identifie mieux les différents problèmes qui peuvent faire problème, on peut trouver des leviers pour agir. Rôle de l’observation, manière de construire et poser un problème, compréhension par l’enseignant des savoirs en jeu, et des obstacles à franchir pour apprendre, types de débat, rôle du langage oral et écrit sont passés en revue dans le détail, les références théoriques nécessaires venant en appui du raisonnement sans toutefois virer à l’abscons. De nombreux exemples illustrent le propos, qui pourront aussi bien être utilisés par des enseignants ou des formateurs, à partir des « marronniers » de l’enseignement des sciences : la digestion des aliments, les volcans, l’articulation des membres…
La « construction des raisons », l’identification progressive des « nécessités » du fonctionnement du monde du vivant, les contraintes du « débat scientifique » en classe sont au cœur de l’approche de Christian Orange qui fait franchir à son lecteur une étape pour comprendre ce qui, dans les situations d’apprentissages, peut rester un paramètre « invisible » aux yeux des enseignants, tout en étant un déterminant de la réussite (ou de l’échec) d’une séance.
Et contrairement aux doxas, l’enseignant occupe dans ces situations une place centrale, sans laquelle l’enseignement ne peut exister. C’est parce qu’il précise bien comment l’enseignant, par reprises, monstration, tissage, va permettre de « secondariser » le savoirs (de passer aux savoirs du quotidien au savoir « savant ») qu’il permet aux élèves de généraliser, de comprendre les lois, les fonctions, les organisateurs logiques, avant de « mettre en texte » dans du langage scolaire ce qui a été compris, permettant le passage entre les différents systèmes de signes (notes, dessins, tableaux, schémas, listes…)
Absolument recommandé. Aussi signalés, dans la même collection « Le nombre à l’Ecole maternelle », par Claire Margolinas et Florian Wozniak, et « la régulation des apprentissages en classe » de Lucie Mottiez-Lopez. A suivre…
Marcel Brun
Christian Orange, Savoirs et débats scientifiques dans la classe, De Boeck, 2012.