Chapitre 9 de notre saga de l’été
Réussissant son entrée dans la plupart des pays du monde, le géant Ikéa contribue à attribuer à la Suède une primauté pour ce qui concerne la décoration et l’aménagement intérieur. Il est vrai que la plupart des meubles rencontrés sur place émanent de la firme nordique, leurs noms imprononçables se révélant même être des prénoms typiquement suédois !
Le design scandinave, fait d’épuration, de sobriété et de bois est au rendez-vous dans tous les foyers auxquels j’accède. La Suède, également connue pour la qualité de ses tissus aux imprimés colorés, serait-elle incapable de tomber dans le piège du mauvais goût ? Ce serait beaucoup l’idéaliser… Mais les classes révèlent quelques différences importantes avec leurs alter ego françaises sur le plan de la décoration.
Je suis tout d’abord frappée par la quasi absence d’affichage sur les murs. A ma question, une enseignante me rappelle que cela fait partie des préconisations de Maria Montessori dont la pensée est très étudiée au cours des études d’éducation. « Sérénité », « fonctionnalité » et « modularité » sont les maîtres mots des professeurs qui décrivent leur salle de classe idéale. « Chaque chose exposée doit être au service des apprentissages », récite-t-on. Après quelques questions, je réalise également que nous sommes à la fin de l’année scolaire et que la plupart des réalisations artistiques ont été confiées aux enfants, en prévision des grandes vacances !
J’ai la chance de venir réaliser mes visites en fin d’année et donc d’assister à des présentations de travaux et fêtes de fin d’année. Je suis surprise de la qualité des mise en valeurs des réalisations artistiques des enfants : cadres de qualité, évitement de la surcharge, cartels pour le légendage… Difficile de ne pas tirer des généralités d’une visite aussi courte et ramassée sur le temps !
La réflexion sur le lieu paraît très présente et se pose pour les enseignants au même titre que la progression des apprentissages. En liaison avec ce point, l’organisation du système scolaire : beaucoup d’enseignant suivent la même classe durant deux ou trois années, et ce dans la même salle. L’occasion pour les élèves de s’approprier leur classe… les parents d’élèves étant parfois appelés à la rescousse pour le bricolage ! Le mobilier – en bois, naturellement – (tables d’écolier, chaises ergonomiques, tables d’appoint) paraît de très bonne qualité. « On préfère acheter quelque chose de plus cher qui durera plus longtemps », me répond-t-on sur le ton de l’évidence. Les Français pensent de même mais qui gère le budget ? Est-ce encore un effet de l’autonomie des établissements ? Toujours est-il qu’il n’est pas rare de voir les pieds des chaises plantés dans des balles de tennis afin d’en atténuer le bruit sur le sol… Il semble donc bien que ces questions préoccupent.
Il faut également souligner que les hivers sont très longs en Suède. Et qui dit « hiver » sous-entend nécessairement « nuit » ! Alors que durant mon séjour, le Soleil se lève aux alentours de 3 heures du matin pour se coucher vers 23 heures, pendant plusieurs mois hivernaux, sa présence ne s’étale qu’entre 10 et 15 heures ! C’est pourquoi on constate la présence de beaucoup de lampes d’appoint, qui contribuent à l’atmosphère agréable des lieux d’enseignement. A mon grand étonnement, les plantes sont aussi au rendez-vous, au moins autant que dans un logement classique.
Enfin, en plus d’effectifs quasiment divisés par deux du fait de la présence d’un deuxième enseignant par classe, la plupart des écoles suédoise comptent une pièce en plus par salle de classe. « C’est une salle pour se reposer, jouer ou s’isoler. C’est très courant ici ! » m’indique une enseignante, ravie de cette organisation. Et que faire de cette place en plus dans la classe ? Il n’est pas rare d’y voir une table ronde, prête à accueillir les projets d’enfants en cours de réalisation, avant d’être débarrassée une fois par semaine pour le Conseil d’enfants – une institution presque nationale.
Il m’est difficile de séparer les évidences issues de l’héritage culturel des véritables choix éducatifs. Sans doute parce que la séparation est subtile et parfois artificielle : la pensée éducative découle des valeurs de la société, et inversement. L’attention à l’atmosphère du lieu m’aura pourtant semblé bien plus importante qu’au cours de mes visites de classe en France où il fut rare que la question soit naturellement évoquée.
Eva Ruaut
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