« L’intervention du local au fil des ans s’est professionnalisée, crédibilisée, elle a été maintes fois appréciée. Elle doit être davantage légitimée, reconnue officiellement .Elle ne doit pas aggraver les inégalités territoriales mais au contraire les réduire », écrit D. Grossain pour l’Andev. Alors que la « concertation » lancée par V. Peillon interroge les acteurs de l’Ecole sur sa gouvernance, D. Grossain et l’Andev, une association, qui regroupe les directeurs de l’éducation des villes, plaident pour que le local ait sa place. Mais aussi pour la réduction des inégalités entre territoires. Deux exigences souvent perçues comme contradictoires.
Pour l’ A.N.D.E.V, (Association Nationale des Directeurs de l’Education des Villes) la concertation ouverte par le Ministère de l’Education nationale manifeste une certaine volonté d’écoute de l’ensemble des partenaires du système éducatif, et nous nous en réjouissons.
L‘enjeu est d’importance, les grandes thématiques abordées sont au cœur des questionnements qui agitent, animent, interrogent les professionnels de l’éducation, les parents, les collectivités territoriales, le tissu associatif engagé dans cette noble cause que représente l’Education. L’organisation a été mise à mal, des coups sans précédent ont été portés, il s’agit aujourd’hui de reconstruire, redonner du sens, de la cohérence, de l’espoir à chacun.
Aujourd’hui, plus qu’hier encore, les collectivités territoriales ont toute leur place dans cet engagement ; nous entendons bien ce que disent les représentants de l’AMF, de l’AMR, de l’ADF ou de l’ARD. « Le local » est, de par sa situation spécifique, près des parents, des élèves, de directions d’établissements, des enseignants, il voit, entend, constate cette quotidienneté des acteurs du tissu éducatif. Il est, de par les différents textes issus des lois de décentralisation, impliqué sur des questions importantes tels que le patrimoine, la sectorisation, la restauration, les dotations budgétaires aux établissements, l’équipement informatique, les équipements sportifs, les transports d’élève, les dotations de personnels et leur gestion….
Les élus des collectivités territoriales ont de ce fait une lourde responsabilité dans l’organisation de l’Ecole de la République. Leur présence dans les conseils d’école et d’établissements les met au cœur du fonctionnement du système, ils sont à même de constater ses forces , ses faiblesses et de contribuer à résoudre ou faciliter avec leurs services certains problèmes posés par les élèves ou leur famille. Réfléchir ensemble , savoir utiliser la compétence de ses partenaires, savoir partager des diagnostics sont autant d’atouts que représente le local et de ce fait la proximité et le travail entre pairs. Les collectivités territoriales interviennent sur ce qui est autour et qui de ce fait, contribue à faire fonctionner l’Ecole, dans le cadre d’une véritable complémentarité. Elles participent aussi de façon sensible à l’accompagnement éducatif hors école bien sûr mais aussi dans l’école. Elles sont sollicitées à travers de nombreux dispositifs nationaux mais elles proposent aussi une multitude de partenariats propres à enrichir les programmes scolaires dans le domaine de la culture, de la santé, du sport, etc. Ces propositions peuvent apparaître quelques fois pléthoriques, surabondantes, mais elles participent toutes à la réussite éducative de l’enfant.
Tout cela peut aussi, du fait de l’engagement réciproque des acteurs, rendre l’école plus agréable et l’enseignant plus sympathique ? Mais est-ce le seul but recherché ? Sur ce sujet, il faut se rapprocher de quelques bons rapports ou bonnes études, à savoir celui de C. Moisan et J. Simon sur 10 ans de ZEP ou encore l’étude de l’université Paris 7 pour le Conseil général de Seine Saint-Denis sur les éventuels effets de politiques éducatives en direction des établissements scolaires et leurs élèves.
L’école n’attend pas les collectivités pour faire ses programmes et les collectivités n’attendent pas l’école pour accompagner, enrichir, donner une plus-value ou ouverture aux contenus d’enseignement. Ce doit être le résultat d’une co-construction qui vise à modifier le rapport de l’enfant aux savoirs, aux apprentissages, à transformer son regard devant une œuvre, une pièce de théâtre , un film , un spectacle. Ce doit être aussi pour enrichir le bagage des enseignants qui en s’appuyant sur ces richesses locales confortent leur connaissance et questionnent, enrichissent leur pratique pédagogique. Aujourd’hui, un important travail d’évaluation doit être mené dans ce domaine afin de mieux apprécier cette éventuelle plus-value éducatrice et de ce fait mieux la cadrer.
Nous déplorons que ces partenariats, ces coopérations, voire plus largement les relations entre collectivités et écoles, établissements scolaires, directions académiques, rectorat soient d’une vulnérabilité certaine. Elles se font ou défont au gré des mouvements de personnes, rien de durable donc alors même que l’on sait pertinemment que c’est dans le temps que tout cela se construit. Il est nécessaire, voire urgent de mieux cadrer cet engagement au local. Notre système progressera certes pour les grands changements qui doivent se produire au sommet du système sur des questions essentielles mais aussi par un cadrage des rapports qui doivent se réaliser dans la durée avec les collectivités.
L’existence de projets éducatifs locaux, territoriaux depuis de nombreuses années, départementaux plus récemment, démontre la maturité des collectivités à s’engager pour faire réussir encore mieux l’école et plus généralement sur les territoires les politiques socio-éducatives . Rappelons à ce titre que l’ANDEV prône l’inscription dans la loi du principe d’élaboration et de mise en œuvre du projet éducatif local en tant qu’instrument de réussite éducative pour toutes les communes qui en ont fait le choix sachant qu’il doit rester le résultat d’une initiative locale relevant de la démarche libre et volontariste des villes et de ses partenaires.
Par ailleurs les Collectivités doivent aussi rendre lisibles leurs partenariats en direction des écoles, collèges et lycées , quelques fois nos partenaires peuvent avoir une perception brouillonne de nos actions .
Pour finir n’oublions pas malgré tout et c’est un point important que ces collectivités n’ont pas les mêmes ressources, loin s’en faut. Certes la diversité des approches , la diversité des territoires donnent des contours très différents aux projets et actions , on peut donc parfaitement comprendre que l’on ne fait pas la même chose à Lille ou à Marseille. Mais à l’inverse il faudra se poser la question de la géographie pertinente et cohérente de l’action et de ses financements plus harmonieux et prenant en considération ces iniquités de ressources.
L’intervention du local au fil des ans s’est professionnalisée, crédibilisée, elle a été maintes fois appréciée. Elle doit être davantage légitimée, reconnue officiellement .Elle ne doit pas aggraver les inégalités territoriales mais au contraire les réduire. C’est un vaste sujet donc que représente la place du local dans un système public d’éducation nationale, un vaste sujet qui demande des réponses claires.
Lorsque nous parlons gouvernance du système éducatif, c’est de cela dont il s’agit ; la conduite des politiques d’éducation avec les collectivités locales et l’ensemble des partenaires du système éducatif.
Daniel Grossain
Membre de l’ANDEV – directeur adjoint de l’éducation et des collèges du Conseil Général du Val de Marne