Par François Jarraud
Jean-Marc Ayrault et Vincent Peillon ont ouvert le 5 juillet la concertation sur la refondation de l’Ecole. Durant 3 mois les participants vont traiter de quatre grandes questions de l’Ecole pour aboutir à un rapport final qui influencera la rédaction de la loi de programmation et d’orientation de l’Ecole. La première journée a été marquée par les discours des dirigeants syndicaux et des politiques. Son organisation est installée, un calendrier établi et des outils de consultation ouverts au grand public Et déjà apparaissent les interrogations. La concertation hésite entre espoir et doute.
Un premier ministre, trois ministres, 22 ministres associés à un moment ou un autre, des élus de tous niveaux, 60 associations ou mouvements pédagogiques, 3 fédérations de parents d’élèves, 3 organisations lycéennes et 5 étudiantes, 8 syndicats et 4 organisations patronales, des institutions éducatives, 120 personnalités : tout le petit monde officiel de l’école s’entasse le 5 juillet après-midi dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne.
Un CSE exceptionnel
A vrai dire la journée a commencé le matin avec un Conseil supérieur de l’éducation (CSE) tenu en présence du ministre et qui n’a traité que de cette question. Le principal événement c’est que les syndicats se sont engagés dans la concertation. « Le Snuipp s’engagera avec détermination… Il participera activement à ce grand rendez-vous pour l’école et le pays » , affirme-t-on au Snuipp FSU. « L’immobilisme ne peut être de mise », affirme Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fsu. « Pour la FSU il n’y a pas de statu quo possible ».La fédération énumère ses revendications sans mettre de préalables ou de points de blocage en avant. Du coté de l’Unsa, Laurent Escure annonce que l’Unsa « s’engagera pleinement » dans la concertation avec el souci de « sortir de l’égoïsme corporatiste ». Le Sgen Cfdt parle lui d’une « concertation longuement attendue » et annonce être prêt à y participer. Interrogé par el Café, Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen, estime que « les interventions des syndicats au CSE ont été sans surprise mais avec une vraie volonté de ne pas mettre en avant les points de blocage au départ ». Pour lui la concertation a des chances d’aboutir car « la situation est très dure. On ne peut pas seulement colmater les brèches. On est l’épée dans le dos ». Mais autant de déclarations proactives semblent conjurer un profond doute.
Fatiguer le doute
C’est que l’Ecole a connu bien d’autres consultations qui n’ont abouti qu’à produire des rapports sans suite. La dernière était la commission Thélot qui, en 2003 et 2004, a multiplié les réunions dans toutes la France pour aboutir à un rapport qui est resté ignoré par les politiques. Le doute est donc légitime. Mais c’est justement lui que Vincent Peillon veut conjurer.
« Il faut fatiguer le doute » demande Vincent Peillon dans son allocution d’ouverture. Il insiste sur la particularité de la concertation. « Notre démarche est inédite. Nous ne faisons pas une consultation… Nous n’avons pas la naïveté de penser que la loi puisse seule changer l’Ecole. On va faire émerger une responsabilité commune entre nous ».
Il revenait aux autres ministres et au premier ministre d’insister sur les enjeux. Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur, met en avant le retard français dans l’accès à l’enseignement supérieur. Elle demande que l’innovation puisse nourrir la formation des enseignants. George Pau-Langevin, ministre déléguée à la réussite éducative est particulièrement en attente des résultats de la concertation. « Durant ces 5 dernières années, l’action gouvernementale n’a pas été assez soucieuse de concertation », souligne-t-elle. « J’attends particulièrement des remarques de vos travaux… On ne peut plus accepter que 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme « .
Le premier ministre a clos la journée en souhaitant une école plus juste et plus efficace tout en affirmant que la refondation a du temps devant elle. « »Notre école marche bien pour 80% des élèves », explique-t-il, « on a hérité du plafond de verre pour les autres. La transmission du capital culturel ressemble à celle du capital économique… Plus l’Ecole ouvre ses portes , plus elle apparaît injuste ». Si la « démocratisation a apparemment réussi, l’école doit conduire tous les élèves jusqu’à la maîtrise effective des connaissances indispensables non seulement à la poursuite des études mais aussi à la réussite de la vie ultérieure ». « Nous avons un quinquennat pour conduire le changement en profondeur » affirme-t-il.
L’organisation de la concertation
La concertation est confiée à un comité de pilotage de 4 membres. Il s’agit de Nathalie Mons, experte reconnue sur les questions d’éducation, de Christian Forestier, ancien recteur, lui aussi excellent connaisseur de l’éducation nationale, de François Bonneau, vice président de l’Association des régions en charge de l’éducation et de Marie-Françoise Colombani, une personnalité beaucoup plus inattendue puisque éditorialiste de ELLE. Elle s’organise en quatre groupes de travail. Le premier traite de « la réussite scolaire de tous » avec un accent mis sur le primaire et le socle commun et aussi les questions de décrochage et l’orientation. Le second groupe traite des rythmes scolaires , du handicap et du climat scolaire. Le troisième veut « un système scolaire plus juste et efficace » avec le numérique, la place des parents et la gouvernance. Le dernier groupe traite de la formation des personnels. La réunion des ateliers a surtout servi à poser un calendrier de réunions qui vont être nombreuse set longues en juillet , fin août et en septembre. Fin septembre les groupes remettront leur rapport et un rapport final sera rédigé.
Parallèlement le grand public est incité à s’exprimer. Un site Internet est ouvert et recueille les opinions. Il devrait également publier de la documentation sur les questions étudiées dans les groupes de travail.
Entre doute et espoir
« Sur mon thème, on sait déjà à peu près ce qu’il faut faire » nous a confié un haut fonctionnaire de l’éducation nationale. En fait le travail des groupes est encadré efficacement par le ministère. Il a invité tout le monde mais assigné les personnes dans des ateliers précis. Il a aussi fixé les questions à traiter. Le calendrier, très serré, alimente aussi les questions. La concertation durera jusqu’à début octobre alors que la loi d’orientation et de programmation devrait être discutée en octobre et novembre au Parlement. Comment la concertation pourra-t-elle influencer les politiques alors qu’il faut aussi un temps de consultation sociale auprès des syndicats ? Comment pourrait-on dépasser non seulement les opinions différentes mais aussi les intérêts divergents ? Comment construire un compromis alors qu’on entre dans une période de crise économique accentuée ? Comment refonder l’Ecole alors que les urgences pourraient se situer ailleurs et capter les moyens ? Le miracle de la concertation aura-t-il lieu ?
Le site de la concertation
http://www.refondonslecole.gouv.fr/
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