Alors que s’ouvre à Paris la conférence internationale sur le cyberharcèlement à l’école, Eric Debarbieux, président de l’Observatoire international de la violence à l’école et Catherine Blaya, organisatrice du colloque, montrent les enjeux scientifiques et institutionnels de cet évenement.
Une conférence internationale sur le cyber-harcèlement est organisée les 28 et 29 juin 2012 à Paris par l’Observatoire international de la violence à l’école d’Eric Debarbieux, le ministère de l’éducation nationale et le groupe international de recherche en sciences et technologies (COST). Durant deux journées les 300 congressistes vont échanger sur les programmes développés partout dans le monde pour lutter contre ce nouveau fléau.
Pour Eric Debarbieux la conférence s’inscrit dans la continuité avec les Etats généraux de la violence à l’école, organisés en 2010 avec Luc Chatel et les Assises nationales sur le harcèlement en mai 2011. Depuis septembre 2011, E. Debarbieux a quitté la mission que lui avait donné L. Chatel pour revenir en université mais il continue à veiller sur le programme de formation mis en place par l’éducation nationale après cet événement. « Je croule sous les demandes de formation », nous confie-t-il. « Des collectivités locales, des IUFM demandent à l’Obseravtoire d’intervenir ». Ainsi en janvier 2012, E. Debarbieux avait remis au Conseil général de Seine-Saint-Denis la première enquête de victimation menée au niveau départemental. Un travail très important qui établissait par exemple l’importance des violences entre enseignants.
5 à 6% des jeunes
Pour Catherine Blaya, les études les plus récentes établissent que 5 à 6% des jeunes de 11 à 16 ans sont victimes de cyberharcèlement à répétition. C’est quelque chose de massif. Et surtout de très violent et qui prolonge le harcèlement classique. « On voit comment après une bagarre de cour d’école un jeune appelle ses amis par SMS et élargit la violence », explique Eric Debarbieux. « Ou comment la bagarre physique se transforme en attaque sur les réseaux sociaux et Facebook. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que cette forme de violence est ressentie très fort par le jeune. Quand il est attaqué sur Facebook c’est comme s’il était trahi par son univers familier. Il se retrouve très seul, démuni. Son univers s’écroule ».
Le colloque a pour objet principal la dissémination des résultats de recherche du groupe COST. Ce projet européen, qui rassemble 28 pays en Europe mais aussi l’Australie, l’Amérique du Nord et Israël, a pour principal objectif de diffuser les résultats de recherches entreprises sur le cyberharcèlement en milieu scolaire, les moyens de le prévenir et de l’enrayer ainsi que sur un usage positif des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Comment lutter contre le cyberharcèlement ?
Une centaine de chercheurs assistent à la conférence qui présente une trentaine d’interventions. La plupart font un état national des recherches sur ce sujet. Certaines abordent des questions très originales. Ainsi un universitaire allemand présente une recherche sur les relations amoureuses sur Internet. Des chercheurs japonais travaillent sur les conséquences de l’arrivée des smartphones sur le cyberharcèlement.
Le colloque accueille aussi plus de 200 personnels de l’éducation nationale. Le colloque est inscrit au Plan national de formation. Il y a là les formateurs académiques mis en place depuis les Etats généraux de la violence à l’école, des responsables académiques, des enseignants qui doivent faire face au problème.
Une partie des interventions concernent des programmes de prévention. Ainsi des universitaires berlinois présentent le programme Mediahelden. Il a touché 35 classes berlinoise avec un fort taux de succès : 86% des enseignants pensent qu’il a changé les comportements. Medienhelden repose sur quelques idées fortes : pour lutter contre le cyberharcèlement il faut travailler au développement de l’empathie chez les jeunes et faire réaliser le programme par les jeunes eux-mêmes. Le programme s’étend sur 10 semaines à raison d’une heure trente par semaine. Les élèves acquièrent des connaissances sur les conséquences du cyberharcèlement sur les victimes et aussi pour les harceleurs. Ils apprennent à s eprotéger. Ils participent à des enquêtes et à des jeux de rôle pour développer l’empathie. En fin de formation ils se voient remettre un diplôme. Une des 10 séances est dédiée aux parents.
Développer l’empathie, penser le long terme
Catherine Blaya attire aussi notre attention sur le programme finlandais Kiva. Plus d’un millier d’enfants ont bénéficié de ce programme de prévention du harcèlement en ligne. Pour les écoliers, KiVa prend la forme d’un jeu vidéo encadré par des séquences menée sen classe avec des matériaux concrets pour aider les victimes par exemple. Au secondaire, le programme s’appuie sur un environnement virtuel en ligne où les élèves peuvent trouver des informations ou regarder des vidéos. Là aussi le développement de l’empathie est un élément clé de la formation. En place du cyberharcèlement, les chercheurs mettent en avant la cyberamabilité.
« Tous les chercheurs le disent. Lutter contre le harcèlement nécessite des programmes de longue durée », nous dit Eric Debarbieux. Il lui semble important que l’impulsion lancée sous Luc Chatel soit prolongée, voire amplifiée par Vincent Peillon. « On a fait une nette avancée avec les Etats généraux de a violence à l’école », nous dit-il. « Ils ont débouché sur la formation d’un réseau de formateurs présents dans chaque académie. Il est temps maintenant que la question du harcèlement soit intégrée à la formation initiale des enseignants ».
La formation des enseignants sera un des sujets principaux du grand débat sur la refondation de l’Ecole que lancera Vincent Peillon début juillet. Pour le moment l’Observatoire international de la violence à l’école n’a pas été invité à y participer.
François Jarraud