Par François Jarraud
Le 2 juin, devant la Peep, V Peillon a évoqué la notation. Il a promis de « faire évoluer la notation pour qu’elle ne soit pas perçue comme une sanction » et pour diminuer l’échec scolaire. Une déclaration qui fait écho à la campagne lancée par l’Afev au début de l’année scolaire. Et qui relance un vrai débat dans le monde de l’Ecole.
« L’école française est prisonnière d’une quantophilie obsessionnelle. Dès le plus jeune âge, les compétences des élèves, et par amalgame les élèves eux-mêmes, sont mesurés, hiérarchisés, sélectionnés. L’idée que la notation est indispensable aux progrès scolaires est même, pour certains professeurs, élèves et parents, une vérité indiscutable alors que certains systèmes éducatifs ont peu, voire pas du tout, recours à la note ». Dans Le Café pédagogique du 4 juin, le sociologue Pierre Merle donne en exemple les pays scandinaves dont les résultats sont meilleurs que ceux de l’école française.
C’est que la notation, le culte de la moyenne sont ancrés profondément dans le modèle scolaire français. En 2007, le même Pierre Merle écrivait. » Les notes et la moyenne trimestrielle assurent une fonction centrale : autoriser ou empêcher le passage dans la classe supérieure. Dans les pays nordiques, l’absence de redoublement explique le moindre recours à la notation. Les élèves faibles font l’objet d’un soutien spécifique, d’une évaluation formative, et la sélection a lieu seulement à la fin du collège qui est véritablement unique, c’est-à-dire indifférencié. Cette organisation particulière est à la fois plus démocratique (la reproduction des inégalités sociales est moindre) et plus efficace : le niveau moyen des élèves, à l’âge de quinze ans, est supérieur à celui constaté en France. Remettre en question la notation, ‘est s’attaquer au redoublement et encourager le socle commun. Toutes choses qui ne vont pas de soi dans un système éducatif qui oriente en fonction de la moyenne obtenue.
Pourtant depuis quelques années, les écoles et les collèges sans notes, avec une évaluation par compétences se font plus nombreux. « Ce n’est pas facile à développer après un siècle de tradition autre », explique Guy Stiévenard, inspecteur d’académie de Charente Maritime. Quelques collège de son département tentent une notation par compétences. « Toutes les disciplines ne partaient pas avec la même connaissance de l’évaluation par compétences. En EPS et en SVT elle était déjà bien installée. Dans les autres disciplines il a fallu imaginer les grilles. Il a fallu aussi abdiquer son superbe isolement au moins un moment de l’année pour poursuivre des objectifs pluridisciplinaires ». Et le bilan scolaire interroge. Pour une enseignante, l’évaluation par compétences permet « de mieux pointer les difficultés des élèves. Ils savent où ils doivent progresser ». Mais, « il n’y a pas de miracle. Certains élèves sont devenus très autonomes. La classe est plus motivée. Mais l’école ne peut pas résoudre tous les problèmes ».
Si l’évaluation par compétences n’améliore pas forcément le niveau au moins est-elle moins décourageante pour l’enfant. « On attend de cette approche une meilleure prise en compte des personnalités dans les apprentissages. Les études montrent que les notes font des dégâts », explique G Stievenard. D’après lui les indicateurs des établissements qui ont supprimé les notes ne montrent pas de baisse de niveau. « J’attends une amélioration des résultats scolaires et de la confiance des élèves en eux-mêmes. Il y a des choses difficiles à évaluer mais qui comptent : le rapport à l’école, l’estime de soi, le rapport avec les enseignants ». Pour les élèves en difficulté, la note n’est pas seulement inutile, elle est aussi contreproductive. L’exigence institutionnelle de la note finit par se substituer à l’essentiel : aider, expliquer, apporter confiance et enthousiasme. Pour l’instant, surchargé de contrôles et de notes, l’élève français – les études PISA le montrent – est spécifiquement stressé, manque de confiance en lui, n’aime pas trop son école.
La proposition de Vincent Peillon est donc à relier au débat sur le redoublement et l’orientation. Avec cette interrogation, il manifeste la volonté ministérielle de changer l’Ecole en posant la question des méthodes pédagogiques. C’est une grande ambition. Mais c’est aussi un signal envoyé aux enseignants qui fait écho à la présence du ministre au Forum des enseignants innovants. C’est « la rupture ». La pédagogie est de retour.
Propos de V Peillon
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/06/04062012Art[…]
Le collège sans notes
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/10/111011-notes.aspx
P Merle les notes sont-elles justes ?
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pag[…]
Dossier du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/103Competences.aspx
Qui ne soutient pas André Antibi ? Le fondateur du Mouvement contre la constante macabre a réuni à Paris le 21 juin le large éventail de ses appuis. Ministère, inspection, enseignants, syndicats, parents, élus locaux, parlementaires et militants du MCLM, ils sont tous là. Cette armada suffira-t-elle à faire reculer la constante macabre ?
Bruno Julliard, conseiller de V. Peillon, Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fsu, Isabelle This Saint Jean, région Ile-de-France, Jacques Grosperrin, député UMP, Mathieu Hanotin, député PS et Conseil général du 93, Marie Richard, conseil général du 77, Jean-Jacques Hazan, Fcpe, tous sont venus apporter leur soutien au Mouvement contre la constante macabre d’André Antibi.
La « constante macabre » se traduit par le fait que les enseignants semblent obligés, pour être crédibles, de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau. Le système de notation implique que certains élèves, souvent la moitié, aient « moins que la moyenne ». « On pense qu’une répartition de notes est un phénomène naturel, et donc qu’il est normal qu’elle donne lieu à une courbe de Gauss », explique A Antibi. Les résultats sont connus : sentiment d’injustice chez les élèves et aigreur des relations entre professeurs et élèves, perte de confiance en soi des élèves, échec scolaire. Pour y remédier, André Antibi a imaginé « l’évaluation par contrat de confiance » (EPCC). Celle-ci repose sur un programme de révision explicite : une semaine avant le contrôle les élèves disposent d’un programme de révision précis et un ou deux jours avant le contrôle un jeu de questions – réponses permet de déceler les difficultés. L’EPCC s’appuie donc sur les usages scolaires en travaillant de façon plus rigoureuse la préparation à l’évaluation.
Aujourd’hui près de 30 000 enseignants utilisent l’EPCC de façon régulière. 45 organisations (syndicats du public et du privé, mouvements pédagogiques, collectivité s locales etc.) la recommandent.
Le colloque est l’occasion de mettre en avant ces soutiens et aussi de dépasser les contradictions entre des partenaires aussi variés. Parce qu’évidemment il y en a. L’évaluation par compétences et le LPC sont soutenus par les uns, repoussés par les autres. Une partie des soutiens a lancé un mouvement pour la suppression des notes au primaire qui apparait très aventuré aux autres.
Mais les interventions ont bien des choses en partage. D’abord la condamnation de l’usage des évaluations fait par le gouvernement Sarkozy. Bernadette Groison, Isabelle This-Saint-Jean, par exemple, sont revenues sur les années Sarkozy. Durant 5 ans c’est l’idéologie du chacun pour soi et de la mise en concurrence qui a été appliquée à l’éducation. Alors que le MCLCM pose l’a priori de la réussite de tous.
Et puis il y a un avenir qui se dessine. Bruno Julliard, conseiller spécial de V. Peillon et adjoint au maire de Paris, n’a pas seulement rappelé que tout ce qui peut aider à la réussite des élèves bénéficie du soutien du ministre. Il a annoncé que la question de l’évaluation sera un des éléments du débat autour de la future loi d’orientation et que le MCLCM serait invité à y participer. Si le ministre est soucieux de faire évoluer les pratiques d’évaluation le soutien du Mclcm ne sera pas de trop.
Le Mclcm
Sur le site du Café
|