Du 18 au 22 juin 2012 se déroule à Izmir la deuxième édition d’une université d’été à destination des professeurs de français de Turquie et de divers pays du bassin méditerranéen. Différentes formations sont ainsi proposées pour favoriser les pratiques innovantes dans l’apprentissage du français : « la chanson comme outil pédagogique dans l’enseignement du français langue étrangère », « faire de la classe un espace vivant grâce à des pratiques créatives », « éveil aux langues et éducation au plurilinguisme à l’école primaire », « apprendre et enseigner avec TV5 Monde », « enseigner les lettres avec le numérique » …
Dans sa conférence augurale, Jean-Pierre Cuq, président de la Fédération Internationale des Professeurs de Français, a rappelé que 80 000 collègues sont affiliés à cette association à travers plus de 140 pays et qu’ils sont plus de 800 000 à enseigner le français dans le monde. Il a souligné que dans le contexte actuel, la formation des enseignants n’est plus la préoccupation majeure des Etats : dès lors « il est impératif que les enseignants prennent en main leur formation », ce qui rend indispensable « la mutualisation des compétences ». Le proverbe latin « Medice, cura te ipsum » est ainsi librement adapté par lui en « Formateur, forme-toi toi-même ». Il rappelle combien la maîtrise initiale des savoirs ne garantit pas la qualité professionnelle de l’enseignant : ce n’est pas parce qu’on sait parler le français qu’on sait l’enseigner !
Auteur de nombreux ouvrages qui font référence, Jean-Pierre Cuq s’est attaché à décrire « la mutation des outils de formation didactique des enseignants de FLE ». « Nous, ce qu’on veut, c’est du concret », demandent tous les enseignants en stage : en réalité, une formation seulement pratique est inefficace, « former un enseignant, ce n’est pas lui donner une routine de classe, c’est l’aider à construire une démarche de résolution de problème. » Par une amusante métaphore, Jean-Pierre Cuq délivre aussi à chacun une leçon de modestie : le prof, chargé de la torréfaction, doit concentrer les savoirs ; l’élève, lorsqu’il fera chauffer son eau par exemple en conversant avec des locuteurs natifs, saura, lui, en faire un excellent café. Il souligne surtout combien on est passé d’ouvrages écrits par un seul (un expert) à des ouvrages collectifs (par exemple des dictionnaires de didactique), puis aujourd’hui à des espaces en ligne (collaboratifs et évolutifs).
Ainsi la FIPF met actuellement en place sur son site « Le monde en français » une plateforme, où les enseignants de tout pays sont invités à mutualiser activités, exercices, outils, séquences …, ainsi qu’un espace de formation, où chacun pourra enrichir ses compétences, théoriques, méthodologiques, pratiques, à travers des cours et conférences. Elle lance aussi le projet PEF (Professionnalisation des Enseignants de Français) pour former des « ingénieurs » de la spécialité et d’une certaine façon « pallier la démission des Etats » dans ce domaine. Elle participe enfin à un projet de grande ampleur : la numérisation de 40 000 livres par la Bibliothèque nationale de France. Sur la plateforme, chacun peut choisir les ouvrages qu’il souhaiterait voir numérisés en priorité, et éventuellement participer à l’opération par un travail de relecture ou d’appareillage critique.
Autant dire que le passage de la civilisation du livre à celle de l’écran pose une fois de plus la question centrale de la transmission des savoirs : elle est au cœur des réflexions et projets qu’explorent tout au long de la semaine les professeurs de français réunis à Izmir.
Jean-Michel Le Baut
La Fédération internationales des professeurs de français
L’Université d’été sur le site de l’Association des professeurs de français d’Izmir