Innover en classe prépa, cela ne va pas de soi. François Arnal enseigne la géographie en Classe Préparatoire au Lycée Claude-Fauriel à Saint-Etienne. Il est venu pour la deuxième fois au Forum des enseignants innovants, avec cette année un projet sur la curation, la recherche, le classement et le partage des informations. A Orléans, il n’était pas seul : son collègue historien Franck Thénard-Duvivier, venu présenter son travail autour des caricatures avait également été sélectionné. Depuis plus de trois ans, tous les deux tentent d’impulser une dynamique d’innovation dans leur établissement et si le résultat se lit sur les panneaux à Orléans, au quotidien l’objectif s’apparente à un pari.
Innover en classe prépa, cela ne va pas de soi. Les élèves sont motivés, triés sur le volet. Ils savent pourquoi ils sont là et leur place, ils l’ont obtenue par de brillants résultats. L’innovation nait bien souvent d’une difficulté rencontrée dans la classe, de la nécessité de trouver une nouvelle organisation pour favoriser l’apprentissage. Ce n’est pas le cas ici. Le besoin d’innover pour François Arnal, c’est à la fois une question de parcours personnel et d’époque.
Avant d’enseigner en prépa littéraire, il a exercé dans un collège expérimental où le travail en équipe et la recherche-action avaient une place importante. Il a pris goût à réfléchir à ses pratiques pédagogiques pour les améliorer constamment, à échanger avec des collègues dans l’établissement et dans un réseau informel. En classe préparatoire on vit plutôt son métier dans une posture individuelle où l’excellence dans la discipline est prépondérante. « L’innovation n’est pas la tasse de thé dans les prépas » constate François Arnal. Dans cet univers, la bibliothèque constitue le lieu de savoir de référence et les ordinateurs sont perçus comme des motifs de dispersion, éloignant les élèves de leurs études.
Pourtant, les classes préparatoires littéraires ne sont pas imperméables à l’époque. Destinées à l’origine à préparer essentiellement aux concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure, elles permettent aujourd’hui de se présenter à des concours beaucoup plus larges, pour des écoles de commerce, des écoles de journalisme par exemple. Cette année, une élève a même réussi l’admission à l’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois. La maitrise des Tice s’avère être un atout pour accéder à des études où la connaissance de l’actualité, l’ouverture culturelle sont prisées. Les classes prépas fleurissent en France, seules quelques unes, réservées aux meilleurs éléments, permettent une entrée à Normale Sup’. Prendre en compte cette réalité et favoriser la réussite dans d’autres filières est une garantie pour les classes prépas d’attirer de bons élèves.
Et puis, François Arnal ressent comme une nécessité de recourir aux Tice pour enseigner la géographie, « une discipline dont les contenus sont sans cesse renouvelés » explique t-il. Le programme de l’ENS/LSH de Lyon l’an prochain traitera du thème des « frontières et des espaces frontaliers » et la toile fourmille de ressources à explorer. Pour sa préparation de cours, il utilise des outils de curation qui lui permettent de collecter et de classer des documents. Il les partage avec ses étudiants pour compléter ses cours, donner un accès à des sources et données complémentaires. Il les encourage à construire les leurs et leur donne les clés d’une bonne utilisation. Avec Scoop-it, ils créent une revue de presse, avec Pearltrees, ils construisent collectivement une cartographie des liens vers des sites sélectionnés, notamment. Les initiatives dépendent du contexte d’enseignement. En classe entière, avec cinquante élèves, le cours magistral domine, le propos est plutôt de montrer, les outils TICE servent de complément aux cours. En petits groupes (en enseignement d’option), la construction est plus aisée, le travail est plus collaboratif. Au-delà de l’utilisation d’outils utiles pour enrichir leurs connaissances sans se perdre dans le dédale des données disponibles et suivre l’actualité, les étudiants élaborent leur identité numérique, utile aujourd’hui dans le monde professionnel. « Avoir une visibilité sur Internet avec des productions partagées favorise un accès à l’emploi, y compris pour les jobs d’été ». Apprendre à publier, à sélectionner l’information pertinente et adaptée, à se forger une image professionnelle constitue un atout pour l’étudiant.
François Arnal et son collègue Franck Thénard-Duvivier sont soutenus par leur chef d’établissement. L’attractivité d’une classe prépa se joue aussi désormais sur le terrain des TICE. L’enthousiasme n’est pas toujours partagé par l’ensemble de l’équipe pédagogique et l’innovation au quotidien se heurte à une méfiance liée à l’académisme qui prédomine. Le chemin est encore long pour que l’idée que l’usage des Tice n’est pas incompatible avec une préparation sérieuse aux concours soit communément admise. Mais les choses bougent là aussi. Un réseau informel d’enseignants géographes innovants en classe préparatoire s’est constitué, permettant les partages et les réflexions sur l’innovation pédagogique.
Au forum des enseignants innovants, François Arnal est venu pour présenter son projet mais pas seulement. Il voulait aussi inscrire les classes prépas dans le paysage de l’innovation éducative et puiser des idées dans des projets venus d’autres niveaux, d’autres univers. Mission réussie, François est reparti avec un réseau élargi et de nouvelles pratiques à développer. Il a aussi rencontré réellement des collègues découverts virtuellement sur la toile ou les réseaux sociaux.
Monique Royer
Les outils de curation en géographie