Par Marcel Brun
Guillaume Caron, Amandine Terrier, Jean-Philippe Solanet-Moulin (Collège Lucien Vadez Calais, Ecole du Petit Saint Esprit Beauvais, Ecole de Crotenay) aiment les maths et ils sont invités à participer au 5ème Forum des enseignants innovants (Orléans les 1er et 2 juin). Dans leur collège ou leur école, ils ont imaginé une nouvelle façon de parler ensemble de géométrie. Parce qu’en échangeant pour de vrai, rien de mieux pour comprendre que les codes de langages doivent être partagés pour être opérationnels… Mais twitter intelligent, ça ne va pas non plus de soi…
Quelle a été l’origine (la personne, l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
Tous les ans, le rallye maths de l’IREM de Lille, ouvert aux collégiens, propose une épreuve de communication qui consiste à décrire oralement une figure à d’autres camarades qui ne la voient pas. Ceux-ci doivent alors la reproduire. Chaque année, c’est l’énigme la moins réussie. Pourtant c’est une tâche riche en terme de maîtrise de la géométrie et de son vocabulaire. Il y avait à mon sens deux limites à ce travail : le peu d’intérêt à le faire au sein de la classe… Pourquoi communiquer à trois mètres de distance ? Le caractère uniquement oral qui rend le travail spontané et moins réfléchi. Les élèves ont alors tendance à donner beaucoup d’informations jusqu’à ce qu’ils y arrivent, ou qu’ils pensent avoir réussi. Sur le plan des apprentissages ce procédé est limité. D’autre part l’aspect « notations mathématiques » n’est pas abordé. Communiquer à distance, à l’écrit en limitant la quantité des informations ?… Twitter m’est immédiatement venu à l’esprit, d’autant que j’avais eu vent de plusieurs expériences d’utilisation de ce média social en classe, celle de Jean Roch Masson en particulier. Amandine Terrier et Jean Philippe Solanet Moulin ont alors accepté d’échanger avec mes classes, apportant eux aussi leurs idées comme la création parallèle d’un dictionnaire collaboratif en ligne.
Pouvez-vous décrire, du point de vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de la mobilisation des élèves ?
Les progrès en terme de mobilisation du vocabulaire et des notations est flagrant. Au début les programmes étaient très approximatifs. Nous avons fait le choix de ne pas les corriger. En recevant des questions, des demandes de précisions en retour, les élèves ont retravaillé à partir de leurs erreurs. Ce n’était pas une simple correction mais une nécessité pour se faire comprendre. Ils se sont rendus compte qu’ils devaient « épurer » leurs tweets afin que les informations passent de manière claire et que le langage mathématique COMMUN était indispensable. La simple description de ce que l’on voit avec un vocabulaire courant ne passe pas ! Les élèves n’hésitent plus à donner des noms à des points, utilisent à bon escient les crochets, parenthèses … et ce savoir-faire se transfère dans d’autres activités géométriques.
Selon vous, quel est/a été la plus belle réussite de ce que vous avez pu mettre en oeuvre ?
Réussir à introduire une très grande partie des notions géométriques au programme de manière « naturelle » … c’est à dire par des questionnements, par nécessité de mener à bien un travail, un échange. Les notions ne sont pas arrivées de manières descendantes avec une progression imposée par l’enseignant. Les élèves ont découvert. Je crois que ce processus est d’autant plus efficace pour l’assimilation de ce qui est abordé.
Et a contrario, une difficulté persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
La difficulté première est matérielle. Le réseau n’est pas disponible partout. Les salles pupitres ne se prêtent pas très bien à un travail de groupe. Par ailleurs, du fait du décalage des vacances ente les zones et de la différence entre les rythmes du primaire et du collège, il y a parfois eu des attentes un peu plus longues pour des réponses à un échange en cours. Sur les collégiens, le fait de ne les voir que 55 minutes dans la journée ne facilite pas des échanges rapides. Quelques notions vues en sixième ne le sont pas en primaire (les angles par exemple). Les élèves veulent quand même utiliser l’outil. Il a donc fallu contourner le problème à certains moments.
Pouvez-vous nous faire partager une anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au cours d’une des phases de votre travail ?
Je me souviens d’un groupe d’élèves qui reçoit un programme de construction dans lequel il y avait des parenthèses à la place des crochets pour nommer un segment. En général, ça ne perturbe pas trop les élèves de 6e… On a plutôt l’air de les embêter avec ces notations. Le groupe en question a tout de suite repéré que ça n’allait pas et s’est empressé de le signaler à ceux qui venaient d’envoyer le tweet. C’est très anecdotique mais je crois que ça montre que cette communication impose à tous une rigueur et une nécessité d’utiliser les bons mots, les bonnes notations… là où au sein de la classe « on se comprend », « le prof comprend » en étant pas toujours rigoureux …
Si c’était à refaire, pouvez vous citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre plus « efficace » pour les élèves ?
Nous avons fait un dictionnaire collaboratif à 4 classes. C’est clairement trop … Il n’y a pas assez de contenu pour que chacun des 80 élèves y trouve son compte. Un dictionnaire collaboratif par doublette de classes me semble plus approprié. Il serait intéressant aussi d’avoir au moins un créneau plus long par quinzaine pour les collégiens afin de le faire coïncider avec un créneau des CM2. Cela pourrait rendre le travail encore plus interactif. Lorsque les échanges ont eu lieu en live (et ce fut rare), les séances ont été d’une intensité forte !
Un point de vue, une remarque que vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ?
Je crois qu’on a face à nous de nombreux nouveaux outils et qu’on peut juste donner plus de sens à des travaux qu’on pouvait déjà pratiquer avant. La communication, la diffusion les rend crédibles, ce n’est plus juste du travail purement scolaire mais du partage. Et je crois que ça fait sens chez nos élèves. Peut être encore davantage chez les plus fragiles.
Propos recueillis par Marcel Brun
Les comptes Twitter des classes concernées :
@CM2_A @crotenaycycle3 @6TomSawyer @6AnneFrank
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