Isabelle Josse nourrit
son année scolaire d’un projet phare. Cette année, son grand homme,
c’est Papi Victor… Et lorsque les élèves découvrent l’homme derrière
le monument, il se passe un drôle de truc…
1. Quel a été
l’origine (la personne, l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
Victor Hugo s’est imposé alors que je cherchais un thème support à un
nouveau projet qui pouvait mettre en place un travail avec mes élèves
en littérature, éducation musicale et arts visuels. Papi avait, cette
année-là, 200 ans mais son œuvre restait « fraîche » : le député et
sénateur avec ses engagements politiques, l’homme visionnaire et ses
espoirs pour l’Europe, ses écrits littéraires, bien entendu, et sa vie.
Il n’y avait guère que ses encres, assez sombres qui posaient problème
pour une exploitation en classe en arts visuels. Nous nous sommes
tournés vers Eugène Delacroix (qui a vécu en Charente) « La liberté
guidant le peuple » et à la façon d’Andy Warhol nous avons décliné les
personnages principaux liés à Victor Hugo.
J’avais mené deux ans auparavant un projet comparable (Jacques Prévert)
avec une classe de cm2 et les contacts établis alors pouvaient me
permettre de remettre en route ce travail avec la rencontre d’artistes
et l’entrée dans des lieux de culture.
Les conseillers pédagogiques ont adhéré à ce projet et prêté main forte.
2. Pouvez-vous décrire, du point de
vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle
vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de
la mobilisation des élèves ?
Le projet a pris corps et donc du sens dès le mois d’octobre en classe
transplantée. Cinq jours pendant lesquels les élèves ont fait la
connaissance de Victor Hugo. Cinq jours qui ont donné au groupe un
fonctionnement coopératif et qui ont suscité chez nous tous (moi y
compris) le désir d’approfondir et de découvrir la richesse que cet
homme et son époque nous léguaient.
Un des objectifs – création d’un
cédé enregistré dans une salle pro et présentation en live du travail
réalisé – a vite motivé les troupes. De plus les médias ont marqué ce
bicentenaire et les enfants ont été sollicités à l’extérieur de
l’école. Il ont pris conscience qu’il avaient déjà pas mal de
connaissances sur le personnage ce qui a renforcé leur curiosité. Nous
avons d’ailleurs participé à un concours organisé par une bibliothèque
municipale charentaise et avons reçu des livres qui ont alimenté notre
fonds documentaire. Victor Hugo a trôné sur un des murs de la classe,
avec quelques unes des phrases issues de son œuvre : « Vouloir
fortement, c’est pouvoir », « Je voudrais signer ma vie par un grand
acte […] Ainsi la fondation des Etats-Unis d’Europe », « Je crois ce
que je dis, je dis ce que je crois », « La musique, c’est du bruit qui
pense »… et son portrait a assisté à tout notre travail de classe. Tout
ce qui a alimenté notre projet a bénéficié d’une attention particulière
de la part des enfants.
3. Selon vous, quel est/a été la plus
belle réussite de ce que vous avez pu mettre en œuvre ?
Permettre aux enfants de rencontrer et de mieux connaître Victor Hugo
me semble être une des réussites.
Mais la rencontre avec des professionnels (pianiste professionnel et
musiciens, ingénieurs du son) passionnés par leur travail est
importante pour des enfants dont l’âge permet de prétendre à la
réussite de sa vie… L’ambition peut naître de ces rencontres.
Enfin, mener un projet jusqu’à son terme, travailler en coopération et
recueillir un plaisir en cohérence avec les efforts consentis sont des
réussites essentielles.
4. Et a contrario, une difficulté
persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ?
Je ne suis pas musicienne ! Je ne sais pas déchiffrer une partition et
je dois apprendre les mélodies par cœur avant de proposer
l’apprentissage aux enfants. Par chance, je chante juste et j’aime ça.
Mais j’ai des difficultés à diriger et surtout à faire démarrer les
enfants aux bons moments. Ils m’ont beaucoup aidée – la patience des
enfants devant les difficultés de l’adulte est exemplaire.
5. Pouvez-vous nous faire partager une
anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au
cours d’une des phases de votre travail ?
Lors
de recherches sur la vie de Victor Hugo, des élèves ont découvert que
l’homme aimait les femmes et enchaînait les conquêtes dans tous les
milieux. C’est une réalité qui permet au moins de remettre le
personnage à sa place d’homme. Aucun problème pour les enfants quant à
sa vie sentimentale mais comment faire pour placer à la fois Adèle (sa
femme) et Juliette (sa maîtresse) dans son arbre généalogique ?
6. Si c’était à refaire, pouvez vous
citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre
plus « efficace » pour les élèves ?
J’ai
construit moi-même le PowerPoint qui a servi de fond de scène pendant
le concert, par faute de temps peut-être mais surtout par manque de
moyens à l’école. C’est un travail que je confierais aujourd’hui aux
enfants ce qui leur permettrait de mettre en valeur les recherches
biographiques effectuées.
7. Un point de vue, une remarque que
vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ?
Ce type de projet nécessite de bien choisir son personnage central,
porteur de valeurs que des enfants peuvent s’approprier.
Le plus gros problème réside dans le financement d’un tel projet
actuellement. Le temps des classes à PAC (Projet Artistique et
Culturel) est derrière nous. De retour bientôt ? Des financeurs privés,
il en existe bien sûr, mais il faut accepter de les citer, de leur
rendre des comptes…
Dernière chose, l’auto évaluation de chacun, en matière d’acquisitions
et de prise de confiance en soi, de l’élaboration du projet à son
aboutissement, est un élément primordial. L’adoption d’un comportement
respectueux des autres et la prise de conscience des valeurs
individuelles sont un bénéfice pour l’ensemble des acteurs du projet.
Mes relations aux élèves sont, pour chaque année animée par un projet,
modifiées. Amener les enfants vers une démarche de production
collective et de diffusion provoque une accoutumance qui laisse sans
goût une année scolaire ordinaire.