Projet « Si La Fontaine m’était conté » – Forum2012
« Prouver aux élèves qu’ils étaient capables de produire un spectacle et des textes de qualité »
Propos d’Isabelle Abiven et Magali Choiseau recueillis par Jean-Michel Le Baut
Isabelle Abiven, professeure-documentaliste, et Magali Choiseau, professeure des écoles spécialisée, enseignent dans l’Etablissement Régional d’Enseignement Adapté François Truffaut, qui accueille à Mainvilliers des élèves en grande difficulté scolaire. La conception, la préparation, la réalisation d’un spectacle de marionnettes et de fables de La Fontaine, avec la complicité d’un calligraphe et d’un conteur, ont permis de travailler chez les élèves des compétences diverses de lecteur et de scripteur ainsi que de développer l’aisance à l’oral. Un projet de bâtisseur, où il s’agit moins d’échafauder un spectacle que de reconstruire l’image de soi…
Le projet « Si La Fontaine m’était conté » consiste en en réalisation d’un spectacle de marionnettes et de fables de la Fontaine : comment ce projet est-il né ? quelles en ont été les étapes de travail ?
I.A. : C’est le troisième projet « Aux arts lycéens » de l’établissement. Les conditions à réunir pour bénéficier d’une subvention dans ce dispositif sont de faire intervenir des artistes et d’aboutir à un spectacle, qui permet d’ouvrir l’établissement sur l’extérieur. Cela nous a servi de point de départ dans la réalisation de nos projets, à partir d’un thème donné. Le thème de La Fontaine est parti de l’idée de notre infirmière de réaliser avec les élèves un jardin à la française. Nous avons aussitôt choisi d’étudier la période des Temps Modernes.
M.C. : J’avais déjà travaillé les fables avec mes élèves, dans une moindre mesure, et cela avait bien fonctionné à l’époque. Le choix de cet auteur s’est imposé de lui-même. Notre objectif principal est l’amélioration des compétences de lecteur. La lecture est au service du projet, permet de réussir le spectacle. On ne lit pas « pour lire », mais pour s’entraîner au spectacle. Les élèves deviennent meilleurs lecteurs sans s’en rendre compte.
Quels sont les plaisirs et les bénéfices que les élèves ont selon vous tirés d’une telle expérience ?
M. C. : Le plaisir d’être publié, de voir qu’ils étaient capable d’écrire des textes de qualité, le plaisir de jouer avec la langue, de découvrir de nouveaux mots, d’écouter les autres et d’être écoutés, sur leurs propres productions, la satisfaction d’entendre rire le public, d’être chaleureusement applaudis. Les bénéfices sont l’enrichissement du dictionnaire mental, lexical et orthographique, l’aisance dans la prise de parole, l’amélioration des compétences de lecteur, notamment à voix haute, la restauration de l’estime de soi.
Votre projet est collectif : en quoi est-il interdisciplinaire ? de quelles autres aides avez-vous bénéficié ?
I.A.: Il y a une tradition à l’EREA du travail d’équipe. Ce projet a bénéficié d’une adhésion massive de tous les secteurs : enseignement professionnel, infirmerie, enseignement général. Le thème a été étudié en français, en histoire, en arts plastiques avec un calligraphe, en géographie, en sciences (pour les plantes du jardin), en mathématiques (pour le traçage des plans du jardin). Nous avons bénéficié de l’aide financière de la Région, de l’aide matérielle de la mairie de Mainvilliers.
Notre motivation : « prouver que les élèves d’EREA sont autant que les autres, capables de produire des textes et un spectacle de qualité » : pouvez-vous expliquer ?
M. C. : Nos élèves nous arrivent avec de grosses difficultés scolaires, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la lecture et de la production d’écrit, et un dictionnaire mental très restreint. Ils ont de gros a priori par rapport à la langue et à l’écrit, face auxquels ils ont l’habitude d’être en échec. Ils ont une image d’eux-mêmes très négative, leur famille également, très souvent. Ce projet a permis de prouver aux élèves, à leurs familles, aux autres élèves de l’établissement, à nos instances dirigeantes (l’inspecteur ASH et une inspectrice chargée de la poésie à l’école étaient présents), et au monde extérieur (le spectacle et la publication du livre ont été relayés dans la presse) qu’ils étaient capables de produire un spectacle et des textes de qualité, et d’être publiés comme n’importe quel lycéen « ordinaire ». L’image de l’établissement a été également impactée de manière positive.
Avez-vous l’intention de prolonger l’expérience ? Si oui comment ?
I.A. : Nous prolongeons déjà l’expérience car nous montons une pièce de théâtre à partir du Tour du monde en 80 jours de Jules Verne. Ce ne sont pas les élèves qui ont écrit le texte, mais ils joueront la pièce, alternant narration et saynètes de marionnettes. Le jardin a également perduré en tant qu’activité du mercredi après-midi.
Réécritures de fables par des élèves :
www.calameo.com/read/0012922603e84077bab7e
Projet détaillé :
www.magix-website.com/mppo18/50/0AA/0AAAA040927811E093CE00A5C2D6A602.pdf
02/2302[…]