Par François Jarraud
Alors que le débat est largement ouvert en France sur l’évaluation des enseignants, l’OCDE publie une synthèse sur la paye des enseignants au mérite. Avec cette curieuse conclusion : la paye au mérite est efficace et inefficace à la fois…
De nombreux pays de l’OCDE (environ la moitié) ont fait entrer la reconnaissance du mérite de l’enseignant dans sa rémunération. Par exemple en Angleterre, les enseignants sont classés dans des catégories salariales différentes selon qu’ils sont reconnus ou pas comme excellents. Aux Etats-Unis des districts utilisent les résultats des évaluation nationales pour estimer le niveau de rémunération des enseignants. On peut aller ainsi jusqu’à une paye strictement individuelle. Et la pression en ce sens est d’autant plus forte que les budgets sont contraints par la crise.
Une efficacité relative
Peut-on calculer une relation entre le niveau des élèves et celui de la paye des enseignants ? L’OCDE tente une réponse dans un nouveau PISA in Focus (n°16). Selon l’Organisation, dans les pays où le salaire des enseignants est particulièrement bas par rapport au PIB local, la performance des élèves est meilleure avec une paye au mérite. Dans les pays où le salaire des enseignants est élevé, la paye au mérite fait baisser les performances des élèves.
Pour l’OCDE, encore faut-il que la paye au mérite soit reconnue comme juste et équitable par les enseignants. Enfin l’Organisation insiste aussi sur le fait que la revalorisation de la fonction enseignante est liée à autre chose que la paye, par exemple en proposant de vraies carrières aux enseignants.
De quoi parle-t-on ?
Cette position embarrassée de l’OCDE s’explique par une caractéristique propre au métier d’enseignant : il est très difficile d’évaluer le mérite d’un enseignant. Comme le remarque Bruno Suchaut, dans un article donné au Café en 2008, « l’efficacité de l’acte pédagogique (est) en partie liée au contexte d’enseignement, c’est-à-dire à la classe et aux élèves qui la composent. Pour le métier d’enseignant, la définition même du concept de mérite ne va pas donc de soi et nécessiterait de mobiliser des indicateurs nombreux pour l’appréhender dans son ensemble ».
Alain Chaptal, auteur d’un ouvrage sur cette question, a présenté la situation de façon très claire. « Entrez dans une salle des profs, passez suffisamment de temps pour gagner la confiance des enseignants, interrogez-les pour savoir si certains collègues ont plus de charisme que d’autres ou bien si certains d’entre eux ne sont pas à la hauteur. Très vite, les réponses vont converger, le consensus se réaliser entre pairs. Poussez plus loin l’exercice, essayez de faire émerger des critères objectifs susceptibles d’étayer ce jugement collectif. Echec sur toute la ligne. D’autant plus que la variabilité des situations est extrême. Tel enseignant qui réussit bien avec la quasi-totalité de ses classes pourra être confronté à de grandes difficultés avec telle autre ».
Si le mérite est insaisissable, l’efficacité de la paye au mérite calcule seulement celle de l’incitation financière et du climat de l’entreprise. La question de l’efficacité de la paye au mérite reste ouverte.
François Jarraud
Pisa in Focus n°16
http://www.oecd.org/dataoecd/33/16/50328990.pdf
Evaluer les enseignants au mérite ?
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008/Evaluerlesenseignants.aspx
Sur le site du Café
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