Par François Jarraud
Le soulagement a été de brève durée. Les syndicats se sont immédiatement positionnés face au nouveau gouvernement. Au camp réformiste, qui attend beaucoup de F. Hollande, s’oppose le camp majoritaire qui entend bien faire reconnaître son territoire.
L’offensive FSU sur Vincent Peillon
Dans un courrier daté du 17 mai, Bernadette Groison demande un rendez-vous à Vincent Peillon en en fixant l’ordre du jour. Le courrier débute par des exigences pour la rentrée 2012. « Des décisions qui seront autant de signaux du changement attendu doivent être données rapidement : abrogation du décret sur l’évaluation des enseignants, abandon du LPC, réécriture de la circulaire de rentrée, ouverture de discussions pour revoir les dispositifs d’évaluation des élèves… L’annonce de la réforme de la formation des enseignants doit être faite rapidement ainsi que de premières mesures pour permettre aux stagiaires de meilleures conditions d’exercice et de formation dès la prochaine rentrée ». Certains de ces points reprennent des promesses de F. Hollande comme l’abrogation du décret sur l’évaluation des enseignants. D’autres sont plus conflictuels et divisent les organisations syndicales comme l’abandon du LPC.
Dans une seconde partie, la FSU s’intéresse au « cap » donné par la future loi d’orientation. Cette partie laisse la voie libre pour des évolutions profondes. « Il est nécessaire pour cela de repenser les contenus d’enseignement afin que tous les élèves y trouvent du sens et pour qu’ils répondent mieux aux exigences de notre temps », écrit B Groison. « Ils doivent intégrer toutes les dimensions d’une culture commune conçue pour tous et pour chacun », une formule qui n’est pas le socle commun mais qui s’en rapproche. « Il faut donc permettre un autre exercice des métiers de l’éducation pour, tout au long de la scolarité, prévenir les difficultés sur le temps scolaire, et diversifier les pratiques. Cela suppose le développement de pratiques professionnelles permettant une meilleure prise en charge de tous les élèves : travail en équipe, en petits groupes, interdisciplinaire, co-interventions sur un groupe classe, plus de maîtres que de classes, Rased, reconnaissance du temps de concertation des personnels, meilleures articulations entre les niveaux ». B Groison exige aussi la suppression de la loi Cherpion qui favorise l’orientation précoce vers l’apprentissage. Enfin elle demande « de refonder l’éducation prioritaire », une question qui pose l’avenir des internats d’excellence et du dispositif Eclair.
Interrogé par le Café, Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, attend de Vincent Peillon « qu’il soit attentif, à l’écoute, qu’il mobilise des moyens de manoeuvre suffisants pour tenir les engagements de la campagne ». Il juge positivement la création du ministère de la réussite éducative. « Ce n’est pas anodin de voir ce ministère passé de la Ville à l’éducation nationale », explique-t-il. « Il faut concentrer les efforts sur les élèves en difficultés et réagir dans l’école et autour de l’école dans une cohérence au profit des plus défavorisés ».
Le Snes déploie son offensive
Dans une lettre adressée au ministre de l’éducation nationale le 23 mai, Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, demande un calendrier de travail. Cela lui permet d’en fixer l’ordre du jour. Et de présenter un second degré sinistré par des réformes…
Alors que le ministre entend mettre l’accent sur le primaire, le Snes présente un second degré sinistré par ses réformes. « Le second degré a subi des attaques sans précédent, tant par la sévérité des suppressions d’emplois que la mise en place de réformes hâtives et multiformes guidées par le double objectif de gagner des moyens et de privilégier un système éducatif foncièrement inégalitaire ».
Le Snes s’attaque aux réformes et aux perspectives réformistes dans le second degré. Face à « l’école du socle » , agitée par d’autres organisations, le Snes réclame « la juste place du collège entre le premier degré et le lycée auquel il doit préparer tous les élèves ». Il souhaite » que soient prises des mesures immédiates pédagogiques et structurelles de nature à contrer la désorganisation des établissements et permettre de penser les évolutions à opérer dans une démarche réelle de concertation ; ainsi de l’abandon du livret personnel de compétences au collège, du programme Eclair, de la réécriture de la circulaire de rentrée, de l’arrêt de fermeture des CIO ».
Le Sgen se prépare à la bataille
Réuni en congrès à Décines (69) le Sgen Cfdt aborde le changement politique en ordre de bataille. Dans son discours introductif, Thierry Cadart, secrétaire général, ne cache pas les difficultés du moment. Il appelle a relever les défis de la rénovation de l’Ecole. » Nous avons aujourd’hui la conviction d’être à un moment fondamental pour le Sgen-CFDT ». S’exprimant devant les militants , Thierry Cadart n’a rien lâché de son exigence de clairvoyance et de parler-vrai. Si le syndicat entend bien prendre le train du changement il en voit clairement les difficultés et il veut que ce soit sa destination. Il s’affirme plus que jamais comme un syndicat gestionnaire.
« Nul ne pourra utiliser l’anesthésiant de l’augmentation des moyens sans limite et dans toutes les directions ». Dans l’atmosphère de flottement qui suit l’alternance politique, T. Cadart rappelle les exigences de gestion. « Il y aura donc des choix à faire. Ils ont été annoncés, personne ne peut feindre la surprise : priorité au primaire, au premier cycle universitaire, renforcement de l’Education prioritaire… Avons-nous bien intégré que parler de priorités implique en creux de parler de sujets qui seraient moins prioritaires ? » Thierry Cadart pose la question du » maintien à tout prix et partout de petites structures, d’options très rares, de formations confidentielles, est-ce un choix raisonnable ?…Nous allons… affirmer, assumer et préciser, en quoi, comment et à quelles conditions, une vision responsable de l’utilisation de la dépense publique n’est pas synonyme de régression, ni pour les missions du service public, ni pour les conditions de travail des personnels ». Sur le terrain pédagogique, le Sgen entend se battre pour le socle commun et la rénovation de l’Ecole. « Devant nous, nous avons le défi de l’évolution du statut, pour une vraie reconnaissance, pour une adéquation métiers-missions, pour une vraie carrière et une vraie formation tout au long de la carrière ».
Sur cette voie gestionnaire , « responsable », le Sgen entend mettre en avant son originalité. « Nous ne récusons pas, a priori, les actions intersyndicales mais ce doit être un des objets de notre débat de voir ensemble quelle sera demain la meilleure stratégie à mener, avec quels partenaires, pour aboutir sur nos objectifs. »
La lettre
http://www.snes.edu/Courrier-du-SNES-FSU-a-Vincent.html?titre_ac[…]
Le discours
http://www.cfdt.fr/rewrite/article/40657/actualites/le-congres-en[…]
Peut-on individualiser l’Ecole ?
« Il faut que ça change maintenant sans tarder ». A un moment crucial pour l’Ecole, le Se-Unsa réunissait le 23 mai un colloque sur l’individualisation. Pour Christian Chevalier c’est l’occasion d’exiger une « école inclusive » en lieu et place de l’école républicaine qui a échoué.
Après une matinée où JP Obin et AM Chartier ont évoqué la réussite scolaire et les rapports entre école et société, l’après-midi du 23 mai 2012 propose deux visions de la pédagogie différenciée.
Sylvain Grandserre est à la fois chroniqueur, auteur et professeur des écoles à temps complet ce qui lui donne un rapport particulier à la question de la différenciation. Il sait que c’est difficile à mettre en oeuvre sur le terrain. Rappelant à quel point les années Sarkozy ont poussé vers l’élitisme et le tri des élèves, il sait qu’il est difficile de mettre en place « une pratique pédagogique qu’aucun enseignant n’a vécu ». Il sait aussi que la différenciation est parfois rejetée par les familles. Mais il propose des solutions concrètes pour aller vers la gestion de l’hétérogénéité. Il invite à diversifier les aides, à travailler l’autonomie des élèves, le tutorat entre élèves, ce qui revient à mettre en place une classe coopérative. La formation des enseignants est donc indispensable.
« Différencier est-ce céder au libéralisme ? Non c’est prendre en considération la réalité ». Françoise Clerc, professeur en sciences de l’éducation et militante Education & Devenir aborde la question sous un angle plus théorique. « Le mot compétences fait sursauter les enseignants », reconnait-elle. « Car on a voulu faire de la pédagogie différenciée dans un cadre scolaire inadapté ». Pour elle, « l’accompagnement des élèves et l’entrée par les compétences vont nos permettre de faire fonctionner la différenciation ». Pour cela il faudra revoir les modes d’évaluation et « se préoccuper de l’organisation de l’établissement ». Françoise Clerc vante la disparition de la classe, un outil dont nous n’avons plus besoin et rappelle que des outils simples et accessibles aux parents permettent la différenciation : le portfolio, le contrat de réussite par exemple.
« Pour que l’école soit celle de la République, il faut qu’elle soit efficace et juste ». Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, a clos le colloque en opposant actuelle et future école. L’école actuelle est en échec ca fondée sur l’élitisme républicain. « Faire réussir tous les élèves c’est plus exigeant que sélectionner les meilleurs », nous dit-il. Il appelle à la mise en place d’une école inclusive. Pour cela il faut revoir la formation des enseignants et doter les enseignants des compétences nécessaires pour accompagner les élèves. Il faut aussi réviser les contenus du socle et en finir avec l’approche bureaucratique du LPC. Il faut des moyens dont des maîtres surnuméraires au primaire. Enfin la question de l’évolution du métier enseignant se pose aussi. « Puisque le changement est au pouvoir, il faut que ça change maintenant sans tarder ». Cela les militants du Se-Unsa en sont persuadés.
L’indifférenciation en question
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2012/05/18052012_Colloq[…]
Résister à ‘école à deux vitesses
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2010/11/1211MauriceTardif.aspx
Sur le site du Café
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