Par Bruno Suchaut
« Le temps n’est plus à multiplier expertises et rapports ». Pour Bruno Suchaut, chercheur associé à l’IREDU, URSP (Vaud), le nouveau président dot engager immédiatement des réformes en commençant par celle du temps scolaire pour changer la vie interne des établissements. Bruno Suchaut inaugure une série d’analyses sur ce que devraient être les 6 premiers mois du quinquennat Hollande en matière d’éducation. Un autre article demain.
François Hollande, comme ses prédécesseurs, va probablement bénéficier d’un état de grâce pendant les premiers mois de son quinquennat, les partenaires de l’école devraient alors manifester une certaine bienveillance à l’égard du prochain ministre de l’éducation et de son action future. C’est donc pendant cette période que les mesures inspirées du programme du nouveau Président doivent se mettre en place, sachant que les décisions politiques sont à envisager à deux niveaux.
Le temps n’est plus à multiplier les expertises…
Il s’agit en premier lieu d’amorcer un changement radical dans la manière de traiter les questions éducatives dans notre pays en faisant en sorte que celles-ci puissent faire l’objet d’un large consensus plutôt qu’elles soient systématiquement au centre de querelles idéologiques et partisanes. La situation actuelle système éducatif français n’est pas à la hauteur des ambitions que notre société doit avoir pour les jeunes générations et l’éducation doit être un espace de rassemblement et de réconciliation, à l’image de ce qui a été souhaité et promis par François Hollande lors de la campagne électorale. Si tout le monde s’accorde sur les objectifs de qualité et d’équité de notre système éducatif, trop souvent par le passé, la question des moyens mobilisés pour les atteindre a fait l’objet de fortes divergences.
Le temps n’est plus à multiplier les expertises sur l’école et son état, de nombreux rapports récents ont pu dégager les problèmes essentiels et des pistes pour améliorer la situation. Il s’agit donc davantage à présent de mettre en œuvre les réformes suggérées par les analyses plutôt que de commenter encore les maux bien connus de notre système. C’est évidemment un travail de longue haleine mais l’impulsion à donner pour atteindre cet objectif doit être immédiate, les réformes dans le domaine éducatif produisent des effets qui ne peuvent s’apprécier qu’à long terme et qui dépassent largement la durée des mandats politiques. Le manque de cohérence et de continuité de la politique éducative de ces dernières décennies à coûté cher au système éducatif car peu de réformes de fond ont pu aboutir dans l’enseignement primaire et secondaire, alors qu’elles étaient nécessaires. Cette évolution doit bien sûr se matérialiser par une logique de concertations régulières avec les partenaires de l’école (syndicats, fédérations de parents d’élèves, élus …). Pour que l’école soit mieux en phase avec la société et mieux adaptée au public d’élèves, des évolutions massives doivent être envisagées par des mesures concrètes.
La réforme du temps scolaire, levier principal
Un second niveau de l’action de la nouvelle politique nationale concerne donc la mise en œuvre des réformes qui doivent toutes viser l’amélioration de la qualité (dimension trop négligée ces dernières années au profit de la rigueur budgétaire) et de la réduction des inégalités entre élèves. L’une des premières mesures à prendre, inscrite dans le programme du Président, est la réforme du temps scolaire. Celle-ci ne qui ne doit pas se lire uniquement sous l’angle des rythmes scolaires mais elle doit être considérée comme un levier central pour améliorer la qualité des apprentissages des élèves, mais aussi les modalités de fonctionnement des écoles et les conditions de travail des enseignants.
Depuis plusieurs décennies cette question de l’organisation du temps scolaire revient régulièrement dans les débats et il est urgent de mettre en œuvre les conclusions des réflexions sur le sujet (en s’appuyant notamment sur les orientations de la commission mise en place par Luc Chatel) ; ainsi, la décision de réduire la durée des journées de classe à l’école primaire aura pour conséquence l’abandon de la semaine de quatre jours et le raccourcissement des congés d’été. Mais, au-delà des effets attendus sur les élèves, cette nouvelle organisation du temps scolaire peut avoir d’autres conséquences positives. Dans un contexte économique défavorable, le temps peut être considéré comme une ressource non monétaire qui permettant d’améliorer le contexte de scolarisation. On peut ainsi envisager que la réduction du nombre d’heures journalières permette aux enseignants de dégager un temps de présence dans les établissements sans les élèves pour des activités collectives qui sont actuellement programmées à des heures peu optimales (concertation, formation, travail en commun…). On peut aussi souhaité, via cette réforme, que des formes d’aides aux élèves (du type aide personnalisée) puissent être programmées à des moments plus adaptés dans la journée. Pour que cette organisation du temps scolaire soit pertinente, elle ne peut être envisagée qu’avec des déclinaisons locales sur la base d’un cadrage national. En effet, l’articulation entre les temps scolaires et périscolaires, entre les activités d’enseignement les activités sportives, artistiques et culturelles, est la clé de la nouvelle organisation du temps.
Restaurer la confiance…
La formation des maîtres a subi plusieurs évolutions sensibles ces dernières décennies et elle demande, elle aussi, à être revue. Si le principe de la « masterisation » ne peut être remis en cause dans sa logique, ce n’est pas le cas des modalités concrètes de formation et de sa durée. Une place plus importante accordée à la formation pratique est nécessaire en lien avec les apports théoriques. L’accompagnement des réformes nécessite également une formation continue des enseignants à la hauteur des enjeux actuels, la mise en place du socle commun en est une illustration et le système doit pouvoir se donner les moyens d’accompagner réellement les enseignants dans la démarche de changement et ne pas continuer à reproduire les échecs du passé, comme cela a été le cas pour la politique des cycles à l’école primaire.
Le changement doit aussi s’exprimer dans les modalités de pilotage de l’école. Il s’agit de rendre davantage lisible par les acteurs les modalités d’évaluation du système et des élèves sans que règne l’ambigüité dans les démarches et des outils utilisés. L’évaluation du système doit être clairement distinguée de l’évaluation des élèves sans multiplier des outils aux finalités variées.
La réforme du lycée qui n’a pas pu aboutir faute de consensus, méritera d’être repensée pour rompre avec ce système de filières hiérarchisées qui joue davantage un rôle de filtre et de sélection implicite plutôt que de fournir un contexte adapté aux besoins et aux possibilités des élèves. Cela permettrait de réduire l’impact du déterminisme social et scolaire des élèves et de rendre plus efficace et plus équitable l’orientation des élèves.
Une des mesures clés de François Hollande est la création progressive de 60 000 postes dans l’éducation nationale. L’attribution de ces postes devra faire l’objet d’une analyse précise des besoins afin qu’ils soient réellement affectés là où la difficulté scolaire est la plus massive.
Au-delà de ces premières pistes, les enjeux actuels dans le domaine de l’éducation sont tels que les initiateurs du changement auront pour première mission de restaurer la confiance des acteurs dans l’institution, seule condition pour que les réformes puissent se réaliser.
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