A l’inspection académique du Cher, Bruno Carrère et A. Louat ont progressivement fédéré leurs collègues conseillers pédagogiques et proposé des nouveaux usages des baladeurs numériques, d’abord au service de… la dictée. Avant de penser une foule de nouvelles idées, développées au contact des classes et des élèves… Quel a été l’origine (la personne, l’évènement, la rencontre…) de votre projet ?
Je suis à l’origine de ce projet dans le Cher. En effet, en 2004, dans le cadre des accords cadres entre l’Éducation nationale et les sociétés informatiques, j’ai participé à un stage de formation ITICA (Institut des technologies de l’Information et des Communications Apple) destiné aux enseignants. Au cours d’un atelier, nous avons évoqué l’idée d’utiliser des baladeurs numériques pour la dictée, la lecture et l’expression orale. J’ai trouvé cette idée intéressante mais, n’ayant pas les moyens matériels, le projet a été mis en attente. À la suite de cela, et après m’être documenté sur Internet à ce sujet, je me suis aperçu que des collègues de collège dont l’établissement avait été doté en baladeurs avaient réussi à conduire des projets similaires et étaient convaincus de leur intérêt pour les apprentissages. À la rentrée 2009, souhaitant initier des expérimentations dans les écoles de ma circonscription (en lien avec le plan ENR), j’ai essayé de trouver des partenaires pour enfin mettre en œuvre mon idée de dictée numérique. Je me suis alors tourné vers un ami revendeur informatique (d’Orléans d’ailleurs) qui a eu la grande gentillesse de mettre gratuitement 8 ipods nano à ma disposition (j’utilise toujours ce matériel depuis).
Mon IEN de circonscription (en charge de la mission TIC dans le Cher) et le groupe départemental « Maîtrise des langages » ayant apporté leur soutien au projet, j’ai sollicité trois écoles de ma circonscription pour mener la première action avec des baladeurs numériques. Le projet BaladoDICT était né ! Deux collègues conseillers pédagogiques EPS et Langues Vivantes (Mme Louat), qui avaient alors pour projet de présenter une animation pédagogique EPS/LV et notamment un parcours d’orientation, ont trouvé que l’outil utilisé (le baladeur) était l’outil qu’il leur fallait. Les élèves pourraient ainsi réaliser le parcours sans être tous au même endroit en même temps, en bénéficiant de consignes orales ( important en LV en cycle 2 et 3), sans avoir besoin pour cela de retourner auprès des adultes etc… C’est ainsi que l’expérimentation se poursuivit par EPS/ LV et devint très vite le travail de toute une équipe, avec le soutien des inspecteurs concernés, notamment Mme Jeandrot Massot, IEN en charge du dossier TICE. Depuis deux ans, le projet a eu des prolongements multiples : plusieurs autres circonscriptions ont proposé des animations EPS/LV ou présenté « BaladoDICT », les conseillers pédagogiques se sont formés à l’utilisation des baladeurs, des formations ont été organisées, notamment avec le CDDP qui a conçu des mallettes de prêt ; des ressources ont été produites pour les enseignants (vidéoguides bilingues sur le patrimoine local, mise en voix d’histoires, livres numériques…), des contacts ont été pris avec des mairies pour inciter à l’équipement des écoles. Nous voulons insister sur le côté fédérateur du projet, entre conseillers pédagogiques et enseignants des écoles, avec le soutien du directeur des services académiques de l’EN du Cher, des IEN, de la municipalité, et le partenariat du CDDP. Pouvez-vous décrire, du point de vue des activités menées avec les élèves, une situation dans laquelle vous avez vu un impact positif sur les apprentissages scolaires ou de la mobilisation des élèves ? La mobilisation des élèves ne fait aucun doute…quel que soit l’âge. Ils se dispensent volontiers de récréation ! Dans ces moments, il n’y a pas (à quelques rares cas particulièrement difficiles) de problèmes de disciplines à gérer. Au niveau des apprentissages, les élèves prennent conscience que l’on peut réécouter à son rythme et donc prendre le temps de réussir… Par rapport aux consignes, alors qu’habituellement les élèves sont habitués à avoir l’ensemble de la consigne une fois, avec le baladeur, ils peuvent la découper, la ré-écouter à volonté. Des élèves s’entraînent aussi à mieux prononcer, ils écoutent la prononciation proposée sur des fichiers d’aide pour réussir. On peut aménager des parcours individuels… Lors de travaux de groupes (lecture oralisée), les élèves peuvent s’enregistrer et de s’entendre pour auto-évaluer leurs production, jusqu’à obtenir un document sonore de qualité. Selon vous, quel est/a été la plus belle réussite de ce que vous avez pu mettre en oeuvre ? Donner à chaque élève la possibilité de refaire, reprendre pour réussir, si nécessaire avec des aides appropriées, développe le souci de faire encore mieux, voire de coopérer autour d’un projet. Bien sûr, au niveau des enseignants, nous voulons signaler la mobilisation grandissante des collègues désireux de s’impliquer dans les projets existants et d’en initier de nouveaux en utilisant ces outils numériques. Nous avons aussi développé une plus grande coopération, que ce soit au niveau de notre équipe de conseillers pédagogiques ou avec les écoles. À nos yeux, c’est aussi une part de réussite. Et a contrario, une difficulté persistante, un écueil que vous n’aviez pas mesuré complètement ? À ce jour, pour diverses raisons (manque de matériel, manque de formation, manque de temps…) la proportion de collègues à même d’utiliser seuls ces outils est encore faible. Certains appréhendent que les élèves maîtrisent les outils plus vite que les adultes. De notre côté, ce projet nous demande une grande disponibilité, y compris pour régler des problèmes techniques (compatibilité entre matériels et logiciels, notamment). Et nos missions sont multiples… Il est sans doute nécessaire d’encore plus mutualiser les idées et les pratiques et de disposer de lieux (sites Internet) de partage et de collaboration. Pouvez-vous nous faire partager une anecdote significative d’un comportement, d’une réaction d’élève(s) au cours d’une des phases de votre travail ? – Lors des dictées, de nombreux élèves ont évoqué l’obligation de « réfléchir » avant d’écrire ce qui est dicté par le baladeur. Les élèves sont « libérés » de certaines aides de l’enseignant qui peuvent être à terme contreproductive (pédagogie du sourcil, alerte sur les difficultés…) – Nous avons vu souvent l’exigence monter comme c’est souvent le cas dans les productions « socialisées » : une élève invitant (fermement !) son camarade à relire plusieurs fois son texte en anglais « parce qu’on ne peut pas laisser cet enregistrement pour notre projet de découverte de la ville comme ça !!! » et l’élève recommençant plusieurs fois, réécoutant, relisant pour s’entraîner jusqu’à obtenir une production qui lui semble convenable… Si c’était à refaire, pouvez vous citer une phase du projet que vous pourriez modifier pour le rendre plus « efficace » pour les élèves ? C’est plutôt au coup par coup. Nous n’avons pas encore assez de recul par rapport à certaines activités conduites, nous sommes dans l’action et la découverte continuelles. Peut-être tout de même un élément à améliorer : dans les activités de lecture et de mise en voix de textes, arriver à mettre en place des dispositifs d’évaluation et d’auto-évaluation explicites, afin d’améliorer les compétences de chacun et de suivre les progrès… Un point de vue, une remarque que vous souhaiteriez partager avec les lecteurs du Café Pédagogique ? – Lors de l’expérimentation BaladoDICT (dictées sur baladeurs numériques), les collègues enseignant dans les classes multi-niveaux (3 ou plus), la plupart rurales, ont rapidement identifié un intérêt majeur et vu l’intérêt d’utiliser des baladeurs pour conduire les dictées : pouvoir ainsi gérer l’organisation matérielle d’une séance et permettre la mise en œuvre de plusieurs dictées en parallèle, alors qu’il fallait auparavant les conduire les unes après les autres (intérêt aussi pratique dans la gestion des groupes dans la classe, tout en étant capable de différencier les situations de dictée proposées).
– Il ne s’agit pas pour nous de remplacer l’enseignants et les manuels scolaires systématiquement. Les enfants passent déjà assez de temps devant les écrans (quels qu’ils soient) ! Les baladeurs et autres tablettes numériques ne sont que des outils supplémentaires au service de certaines situations d’apprentissage, voire de certaines organisations du travail en classe (travail en groupes, différenciation, personnalisation des parcours d’apprentissage…). Leur utilisation n’est pas toujours nécessaire ou pertinente. L’intérêt en lecture et à l’oral est indéniable, tout comme pour les pratiques d’évaluations et notamment d’auto-évaluations, ainsi que pour développer les compétences des piliers 6 et 7 du socle (responsabilisation, autonomie.
– Lors de nos différentes expériences, j’ai pu constater que le fait d’utiliser les écouteurs permettait une qualité d’attention bien meilleure qui si on utilisait le haut-parleur du baladeur. Une constante revient alors lors de chaque utilisation de ce matériel. L’attention des élèves est focalisée sur l’outil et les contenus multimédias à consulter sur celui-ci (chacun rentre un peu « dans sa bulle »), ils sont fortement impliqués dans les situations et activités proposées. L’enseignant n’a quasiment jamais besoin d’intervenir pour des problèmes de discipline ou de comportement inadapté. J’en veux encore pour preuve, la séance d’histoire conduite hier dans le Musée de la Résistance avec une classe de CM1. – Un extrait d’une réaction de collègue après « A Easter eggs hunt » avec ses élèves de CP : »Merci pour ce moment d’anglais si sympathique. Mes élèves ont beaucoup apprécié, presqu’autant que leur maîtresse. Au retour, j’ai été surprise de voir que beaucoup se souvenaient encore de ce qu’ils avaient entendu. Pouvoir écouter plusieurs fois, dire aux copains ce qu’on a entendu y est sans doute pour beaucoup. […] Et encore merci pour cette activité qui ne peut que réconcilier tout le monde avec la pratique de l’anglais » Bruno CarrèreCPC Bourges 1 – Inspection académique du Cher Bllado didact